Le Figaro, no. 19355
Le Figaro Économie, mercredi 25 octobre 2006, p. 24
Entreprises
L'Allemagne s'inquiète de la fuite de ses cerveaux
ÉMIGRATION Parmi les candidats au départ, plus de la moitié a moins de 35 ans, ce qui inquiète les industriels allemands.
Cécile DE CORBIERE
ILS SONT 145 000 à avoir quitté l'Allemagne, l'année dernière. Depuis 1954, le pays n'avait pas enregistré autant de départs. Surtout, parmi ces émigrants, plus de la moitié ont moins de 35 ans. C'est pourquoi la Chambre de commerce et d'industrie allemande (DIHK) tire la sonnette d'alarme. L'Allemagne, avec « ses cotisations sociales trop élevées » et « la bureaucratie de ses universités », ne fait plus rêver les jeunes Allemands « motivés », qui préfèrent prendre le risque de partir à l'étranger plutôt que d'envisager un avenir bouché. « Plus de 80 % des émigrants appartiennent à la tranche d'âge des actifs. Il est évident que de nombreux jeunes qualifiés et hautement qualifiés quittent l'Allemagne chaque année », explique Oliver Heikaus, qui étudie le marché du travail pour le DIHK. « Ils se tournent vers des pays où les opportunités professionnelles sont plus intéressantes qu'ici. » En Suisse par exemple, où près de 10 % des émigrants sont partis s'installer en 2005. Pas très loin, donc, mais « là où la différence entre le salaire brut et le salaire net se fait moins sentir », poursuit l'expert du DIHK.
Deuxième destination plébiscitée, les États-Unis. « C'est un pays qui offre de bien meilleures
conditions pour les chercheurs », poursuit-il. Une prise en charge plus efficace des enfants en bas âge dans d'autres pays européens, comme la Norvège ou la France « pèse aussi dans la balance au moment de partir ».
Les cadres s'en vont, et ne sont pas remplacés. « La situation serait moins criante si nous parvenions à endiguer ces pertes, en attirant autant d'étrangers qualifiés », affirme Oliver Heikaus. Or l'immigration a diminué de 4 % en 2005 par rapport à l'année précédente. Et le nombre d'Allemands qui rentrent au pays n'a pas dépassé 128 000 Allemands, ce qui n'a pas compensé les départs de leurs compatriotes. Parmi les étrangers, « les cadres supérieurs ne vont précisément pas dans un pays qui perd ses propres cadres. L'Allemagne doit se rendre plus attractive », analysait le chercheur Klaus J. Bade dans une interview à la Schwäbische Zeitung. Actuellement, un candidat à l'immigration doit assurer qu'il gagne 85 000 euros par an pour obtenir l'autorisation de s'installer à long terme. Un montant que le gouvernement était prêt à réduire à 67 000 euros pour les candidats âgés de 30 ans ou moins. Hier, Dieter Wiefelspütz, porte-parole du SPD pour la politique intérieure, a toutefois réaffirmé la validité des mesures actuelles dans la Süddeutsche Zeitung. Les porte-parole de la coalition ont renvoyé la balle aux entreprises, les rendant responsables du manque d'attractivité du pays.