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 Inverser la fuite des cerveaux

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mihou
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mihou


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21122006
MessageInverser la fuite des cerveaux

L'Express, no. 2882
Réussir, jeudi 28 septembre 2006, p. 138

L'hebdo de l'emploi

Spécial expat'
Bienvenue chez vous

Lion Valérie

Les initiatives se multiplient pour inciter nos compatriotes installés à l'étranger à revenir travailler en France. Les scientifiques et les entrepreneurs sont parmi les plus courtisés

«C'est maintenant ou jamais.» A 38 ans, Nathalie Vergnolle s'apprête à tourner une page sur dix ans de sa vie. Arrivée en 1997 au Canada pour y effectuer son postdoctorat, cette Toulousaine va quitter dans quelques semaines les Rocheuses et retrouver la douceur de sa ville natale. Professeur associée au département de pharmacologie de l'université de Calgary, elle a décroché un financement de 100 000 € par an sur trois ans pour monter son propre laboratoire à Toulouse. Ce retour, elle l'a toujours souhaité. Seul hic: «Mes contacts avec la France étaient inexistants, tandis qu'au Canada tout le monde m'encourageait et me poussait. Ici, on m'a vraiment pavé le chemin!» Si Nathalie Vergnolle n'avait pas bénéficié du contrat Avenir de l'Inserm, elle serait devenue full professor à Calgary - belle promotion à moins de 40 ans - et ne serait sans doute jamais revenue. Comme environ 20% des thésards français partis en Amérique du Nord pour leur postdoctorat, qui poursuivent leur carrière outre-Atlantique, séduits par d'excellentes conditions matérielles et scientifiques.

Chercheurs ou chercheuses, ingénieur(e) s, ces cadres français de haut niveau installés à l'étranger - plus de 400 000 recensés en 2005, le double sans doute dans la réalité - représentent «une chance pour la France», assure le discours officiel. Il n'empêche! Inquiets devant la fuite des cerveaux, les pouvoirs publics ne ménagent pas leur peine depuis quelques années pour les convaincre de revenir. Premier enjeu: recréer le contact avec la mère patrie. On a vite fait de se couper de son pays d'origine et de ses réseaux, si précieux quand il s'agit de trouver un job ou de monter une entreprise. Pionnier de la démarche, le Forum USA. Organisé chaque année depuis 1990 par la mission scientifique et technologie de l'ambassade de France à Washington, il met en contact de jeunes chercheurs avec les organismes publics ou les entreprises qui recrutent en France. Entre ses deux villes étapes, Boston et San Francisco, le Forum attire plusieurs centaines de candidats. Invités cette année à soumettre une synthèse de leurs travaux, les meilleurs d'entre eux ont pu les présenter aux recruteurs... et sont repartis avec un chèque de 400 dollars, de quoi payer leur billet d'avion. Après plus de quinze ans d'existence, aucun bilan chiffré du Forum USA n'est disponible, mais la formule sera reconduite l'an prochain, en partenariat avec l'Union européenne.

Les chercheurs ne sont pas les seuls courtisés: depuis 2003, Provence Promotion, l'agence de développement économique des Bouches-du-Rhône, anime des séminaires outre-Atlantique pour les expatriés tentés par la création d'entreprise en France. Prochain rendez-vous: le 18 octobre, à New York, où, en une soirée, tous les avantages de l'investissement en France en général et dans le Sud en particulier leur seront exposés, accent local et témoignages de «rapatriés» à l'appui. Christine Frin, 52 ans, est de ceux-là. Après dix ans aux Etats-Unis, cette ex-chef de développement chez LeapFrog, un éditeur américain de jeux éducatifs, a lancé sa propre affaire: des cours de français en ligne pour les enfants francophones. En juin 2005, Provence Promotion lui a organisé un voyage d'études de trois semaines, entre garrigue et calanques: «J'ai rencontré 70 personnes, institutionnels, enseignants, financiers, l'accueil a été très positif.» Quatre mois plus tard, elle posait ses valises près du Vieux-Port, à Marseille, et, peu après, sa toute jeune société, eLycee, s'installait dans l'incubateur multimédia de la Belle de Mai. «Après la détection et la sélection des projets, notre rôle consiste à mettre en relation l'entrepreneur avec tous les partenaires potentiels, financiers, juridiques, industriels», explique Sébastien Dagault, chef de projet du programme Home Sweet Home (lire page de gauche) chez Provence Promotion. Objectif: gagner du temps et aider l'expatrié à s'y retrouver dans le maquis des règles... et des aides. Coaché par les équipes de Home Sweet Home, Jacques Souquet, vingt-deux ans de carrière aux Etats-Unis, a ainsi soumis à l'Anvar son projet de développement d'un échographe intelligent. SuperSonic Imagine a gagné le 2e prix du concours national en 2006... et 450 000 € de financement. Provence Promotion l'a aussi aiguillé sur la prime d'aménagement du territoire: à la clef, 550 000 €. Depuis, cet ancien cadre de Philips Medical a levé 10 millions d'euros et sa société a créé 25 emplois; 9 sont occupés par des Français revenus des Etats-Unis: là encore, Provence Promotion a joué son rôle. «Quand il a fallu rapatrier de Seattle une famille avec trois enfants jamais scolarisés en France, ils leur ont trouvé en quelques semaines des places dans les écoles, raconte Jacques Souquet. Pour la personne recrutée, c'est essentiel.» Réussir un retour, c'est donc d'abord une affaire de contacts. Puis de gros sous.

Situation enviable et contrepartie

Pour Laurent Ducher, parti en post- doctorat aux Etats-Unis, le Forum USA a été le déclencheur: «En une journée, j'ai passé quatre entretiens, notamment avec Danone et L'Oréal, se souvient ce biologiste, alors employé aux National Institutes of Health, le saint des saints de la recherche médicale américaine. Cela m'a mis le pied à l'étrier.» C'est finalement une start-up qui le recrute. Mais Laurent n'aurait pas été embauché par Biométhodes si cette société, spécialisée dans l'amélioration des protéines, n'avait reçu du Genopole d'Evry, où elle est installée, une allocation de 55 000 € couvrant son salaire. «Nombreux sont les Français prêts à revenir pour des raisons personnelles ou familiales, assure Thierry Mandon, président du Genopole. Encore faut-il leur donner la certitude de toucher un salaire pendant un an ou deux, le temps de trouver un poste à leur mesure.»

Les Français expatriés ont souvent acquis des positions enviables... qu'ils ne sont pas prêts à lâcher sans contrepartie. C'est vrai notamment pour les chercheurs, dont le recrutement en France se fait la plupart du temps sur concours, avec un nombre de places très limité. Dès lors, comment favoriser l' «afflux de cerveaux»? «Nous avons conçu le contrat Avenir pour offrir aux jeunes les moyens de mener leur propre recherche pendant trois à cinq ans et de disposer ainsi d'un tremplin vers une carrière dans le public ou le privé», explique Christian Bréchot, directeur général de l'Inserm, qui a lancé le programme en 2001. Depuis, 109 heureux élus en ont bénéficié, dont plus de la moitié revenaient de l'étranger. A Calgary, Nathalie Vergnolle, lauréate en 2005, n'a pas voulu tout quitter sans assurance. Elle s'y est reprise à deux fois pour décrocher l'un des rares postes de directeur de recherche mis au concours. Chose faite en juin dernier. «Pour rentrer en France, le vrai argument, c'est d'avoir un poste de titulaire, résume-t-elle. Ici, je laisse une équipe de 12 personnes, des financements assurés pour cinq ans et un salaire équivalent à 7 000 € par mois.» L'Inserm, conscient des disparités salariales entre la France et l'Amérique du Nord, lui offre d'ailleurs un supplément de 1 500 € par mois pour doper son futur salaire de base (3 200 € mensuels).

Mais l'argent ne fait pas forcément le printemps. En témoigne le parcours de Philippe Roux. Professeur associé à l'institut océanographique de l'université de San Diego, ce Français parti en 2002 pour les Etats-Unis, après trois ans dans un laboratoire du CNRS, a bien failli y rester. «Ma carrière a vraiment décollé là-bas, reconnaît-il. Les Etats-Unis offrent plus de liberté et de moyens pour un jeune chercheur.» Mais, au moment où l'université de Californie lui propose un poste permanent, il découvre l'existence des chaires d'excellence, une bourse offerte par l'Agence nationale pour la recherche. Il soumet sa candidature. Bingo! Il obtient 250 000 €. De quoi réaliser son rêve: créer un laboratoire d'acoustique expérimentale à Grenoble. En juillet 2005, il quitte le Pacifique pour les Alpes, certain de démarrer une belle aventure. Un an plus tard, notre homme est «soucieux et triste». Il n'a toujours pas de locaux, plusieurs mètres cubes de matériel dorment dans des cartons, deux scientifiques attendent pour le rejoindre, l'un à Paris, l'autre en Uruguay... «Je n'ai pas de rancoeur envers qui que ce soit. Tout le monde est conscient du problème, mais personne n'est responsable, déplore-t-il. Avec un peu de chance, mon labo sera sur pied l'été prochain.» Si Philippe ne se décourage pas entre-temps et ne cède pas aux sirènes de son ancien employeur, qui fait monter les enchères pour le convaincre de revenir... «Un ancien expatrié est plus à même de repartir, il dispose d'un réseau international et a déjà fait le saut», avertit Laurent Calvet, ancien professeur à Harvard, aujourd'hui à HEC, où il a aussi bénéficié d'une chaire d'excellence.

«Venez mettre à profit votre double culture»

Stabiliser les talents revenus en France est un vrai défi. Pierre Distinguin, initiateur du programme Home Sweet Home chez Provence Promotion, en sait quelque chose. S'il a réussi à fixer dans son département 55 entrepreneurs en trois ans, il a aussi essuyé quelques échecs, comme ce Franco-Américain qui n'a pas trouvé les financements nécessaires à son activité de capital-risque en environnement ou ce Français venu pour un projet sur la convergence Internet-télévision et reparti écoeuré devant l'omnipotence de France Télécom. «Il ne faut pas dire "Revenez en France", mais "Venez ici mettre à profit votre double culture, votre expérience à l'étranger et vos origines françaises"», souligne Pierre Distinguin. En misant sur les réseaux d'affaires privés, Provence Promotion a gagné son pari. L'agence cible désormais les expatriés tentés par la reprise d'entreprise, notamment à Londres, où les Français de la City se voient plus en investisseurs qu'en entrepreneurs. De son côté, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur semble prête à s'inspirer du programme Home Sweet Home dès l'an prochain.

Reste qu'il s'agit d'un travail de longue haleine: Kamel Ounadjela, ancien de Cypress, un fabricant américain de semi-conducteurs, a déjà fait quatre voyages en Provence en vue d'y implanter SpinRoc, un projet de puces pour technologie sans fil. Si ce physicien de 48 ans revient en France, ce sera sur les traces d'un ami déjà passé par Provence Promotion. Et aussi grâce à un nouveau programme, lancé par la mission scientifique et technologique française de Boston. L'Initiative jeune entrepreneur aide des créateurs à s'installer en France, en finançant leur déplacement et en identifiant un parrain sur place pour les suivre. Née en 2005, elle devrait être étendue au Brésil, à la Chine et à l'Inde à la fin de l'année. Il n'y a jamais trop de bonnes fées pour reconquérir les talents tricolores dispersés dans le monde.
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