Gruda, Agnès
AP; AFP; BBC
Tandis que Londres inhumait la première victime des explosions du 7 juillet, un Égyptien décrit comme un brillant biochimiste était détenu au Caire, soupçonné d'avoir joué un rôle dans le quadruple attentat.
Arrêté dans la nuit de jeudi à vendredi, Magdi Mahmoud Moustafa Nashar, 33 ans, se dit innocent, a indiqué un responsable du ministère de l'Intérieur égyptien, précisant que l'homme était interrogé sur ses liens avec les attentats.
Selon ce même responsable, le jeune scientifique, qui a étudié au Caire et en Caroline du Nord, vivait en Grande-Bretagne depuis cinq ans. Il poursuivait ses études à l'Université de Leeds, où il a obtenu son doctorat en mai dernier. Son sujet de thèse: la mise au point d'un nouveau modèle pour l'immobilisation des enzymes en biotechnologie.
Affilié au Centre de recherche national du Caire, il était rentré en Égypte pour des vacances et avait l'intention de poursuivre sa carrière en Grande-Bretagne, a fait savoir hier l'Université de Leeds.
" Nous comprenons qu'il cherchait un poste postdoctoral en Grande-Bretagne et que son visa avait été renouvelé au début de l'année. Il n'a pas été vu sur le campus depuis le début de juillet ", a dit une porteparole de l'Université, citée dans le journal britannique Yorkshire Post.
C'est la chaîne de télévision américaine ABC qui a annoncé l'arrestation de l'homme, qu'elle a présenté comme le présumé " chimiste " des attentats de Londres. Selon ABC, M. Nashar a quitté la Grande-Bretagne deux semaines avant les attentats.
Le centre de recherche égyptien a confirmé que M. Nashar était rentré dans son pays il y a deux semaines et avait annoncé à ses collègues qu'il allait ensuite prendre 45 jours de vacances.
Selon la presse locale, M. Nashar, homme au visage affable, portant une courte barbe et des lunettes, était un scientifique respecté, lié à une équipe de recherche réputée. " Il était extrêmement charmant et très intelligent, un Égyptien typique aux manières parfaites, c'était clairement un brillant biochimiste ", a confié un de ses collègues au Yorkshire Post.
Selon le même collègue, les travaux de M. Nashar n'avaient rien de suspect. " C'est comme faire de la margarine, c'est très clair et hautement commercial. "
Comment cet homme apparemment sans faille a-t-il pu être mêlé aux attentats de Londres? Selon des informations publiées par le London Times, M. Nashar, qui était surnommé Mr. M sur le campus, aurait eu à tout le moins de mauvaises
fréquentations.
M. Nashar, qui louait un appartement à Leeds, aurait demandé à son propriétaire, le Dr Shakir al Ani, de lui trouver un autre appartement pour des amis. Dans les jours qui ont suivi les attentats, la police a trouvé des explosifs dans ce second appartement.
Le propriétaire a indiqué que M. Nashar lui avait dit devoir rentrer au Caire en raison d'un problème de visa.
Selon le London Times, le numéro de téléphone de M. Ani était mémorisé dans le téléphone cellulaire de Hasib Hussain, le jeune de 19 ans qui s'est fait exploser dans l'autobus no 30, le matin du 7 juillet.
Au total, 54 personnes, dont les kamikazes, ont péri dans la série d'attentats qui ont frappé les transports publics londoniens en pleine heure de pointe. Trente-huit des victimes ont été identifiées jusqu'à maintenant.
Pendant que la police poursuivait ses fouilles à Leeds et à Buckinghamshire,
Shahara Islam, la jeune musulmane de 20 ans devenue le symbole de la terreur qui s'est abattue sur Londres la semaine dernière, a été inhumée à Plaistow, quartier populaire de l'est de la ville. C'étaient les premières funérailles
d'une victime des attentats.
Jeune employée de banque issue d'une famille bangladaise, Shahara a eu la malchance de se trouver dans l'autobus 30 au moment de l'explosion. " C'était une fille de l'East End, une Londonienne et une Britannique, mais plus que tout,
une vraie musulmane et fière de l'être ", affirme sa famille dans un texte transmis aux médias. Le visage souriant de la jeune femme, symbole du multiculturalisme britannique, a été présent toute la semaine dans les médias.
À la Mosquée centrale de Londres, des musulamans se préparaient à la prière alors que Shahara Islam, la jeune musulmane de 20 ans devenue le symbole
de la terreur qui s'est abattue sur Londres la semaine dernière, a été inhumée à Plaistow, un quartier populaire de l'est de la ville.
La cote de ben Laden est en baisse
Gruda, Agnès
Un sondage international montre que le soutien au terrorisme et à Oussama ben Laden s'étiole dans le monde musulman. L'enquête, réalisée par le Pew Global Attitudes Project (affilié au Centre de recherche PEW, de Washington) indique que de plus en plus de gens, dans les pays musulmans, s'inquiètent de la montée du terrorisme. L'enquête, dont les résultats ont été rendus publics jeudi, a été réalisée dans 17 pays, dont le Maroc, le Pakistan, la Turquie, l'Indonésie, la Jordanie et le Liban.
Elle indique que des musulmans de ces pays estiment toujours que les attaques suicide se justifient. En revanche, le nombre de personnes opposées aux attentats augmente.
Ainsi, les trois quarts des répondants marocains et environ la moitié des Pakistanais, des Turcs et des Indonésiens voient l'extrémisme islamique comme une menace à leur pays. La popularité de ben Laden a de plus chuté de manière significative. Ainsi, il y a deux ans, 49 % des Marocains soutenaient le chef d'Al-Qaeda, contre 26 % dans le dernier sondage. La popularité du leader terroriste a toutefois légèrement augmenté en Indonésie et au Pakistan. Le sondage a été réalisé auprès de 17 000 personnes dans 17 pays avant les attentats de Londres.
Un kamikaze se fait sauter près d'un groupe de jeunes à Bagdad
Au moins 30 enfants tués
Gruda, Agnès
AP; AFP; BBC; Washington Post; Iraq Body Count
Des soldats américains qui distribuaient des friandises à un groupe d'enfants, hier matin à Bagdad, ont été pris pour cible par un terroriste kamikaze, dans l'un des attentats les plus terribles à avoir touché la capitale irakienne depuis deux ans.
L'attaque a eu lieu dans un quartier pauvre de l'est de la ville. Parmi ses victimes, on compte un GI, et au moins 34 enfants et adolescents irakiens. C'est un bilan très lourd, même dans cette ville où la violence fait partie du quotidien. Un seul autre attentat, commis en septembre dernier lors de l'inauguration d'une station d'épuration de l'eau dans la capitale irakienne, a fait autant de morts parmi des enfants.
La déflagration a été tellement puissante que des maisons voisines ont pris feu. " Je me suis précipité dehors pour trouver mon fils. Je n'ai vu que son vélo... " a dit le père d'une des victimes, Abou Hamed. Son garçon, âgé de 12 ans, a été complètement brûlé dans l'attentat.
Selon divers témoignages, les militaires avaient été informés de la présence d'un kamikaze roulant à bord d'une voiture piégée. Ils ont bouclé le quartier Al-Jadida, prié les habitants de rester à la maison et arrêté de nombreux automobilistes pour fouiller leurs véhicules.
Puis la tension est tombée et les militaires ont entrepris de distribuer des bonbons et des babioles aux enfants du quartier. C'est alors qu'une camionnette de marque Toyota a accéléré dans une rue latérale pour foncer sur le véhicule militaire entouré de jeunes.
" Le terroriste a certainement vu les enfants autour du Humvee, il a pris une décision délibérée d'attaquer un de nos véhicules alors que les soldats étaient engagés dans une action pacifique avec des civils irakiens ", a dénoncé le major Russ Goemare, porte-parole militaire.
Quelques heures après l'explosion, un vélo tordu gisait au milieu de souliers d'enfants abandonnés sur la chaussée. Des objets usuels tirés des décombres encore fumants des maisons voisines étaient empilés dans la rue.
À l'hôpital Al-Kindi, des centaines de proches erraient dans les couloirs pleins de sang, hurlant leur détresse et appelant leurs enfants.
" Mon enfant a été chanceux, il a été blessé par un éclat d'obus qui s'est logé dans sa tête, mais tous ses amis sont morts ", a dit un témoin de l'attentat, Abou Mohammed.
L'attaque a soulevé la réprobation générale. " Ceux qui ont fait cela ne sont pas des résistants mais des criminels ", a lancé Hussein Radi, qui a perdu son fils de 11 ans dans l'attentat.
" Il ne peut y avoir aucune justification au ciblage délibéré de civils, en particulier d'enfants qui représentent l'espoir dans l'avenir ", a dit le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan.
Zalmay Khalilzad, ambassadeur américain en Irak, a attribué l'attentat à des " terroristes étrangers qui utilisent les Irakiens comme chair à canon ".
Soldats irresponsables?
Mais pour John Sloboda, porte-parole de l'organisation Iraq Body Count, les militaires américains ont aussi leur part de responsabilité dans le terrible événement d'hier. " Les soldats savent qu'ils sont les principales cibles des résistants irakiens. Donner des friandises aux enfants, c'est complètement irresponsable de leur part ", s'est-il indigné lors d'un entretien téléphonique avec La Presse.
Selon l'organisme établi à Londres, la violence en Irak ne cesse de s'intensifier. Durant les trois premiers mois de 2005, on a recensé une moyenne de 376 morts par mois, contre 140 un an plus tôt. Cette violence s'est accélérée depuis les élections du 31 janvier, contredisant tous ceux qui espéraient qu'un transfert de pouvoir aux Irakiens pacifierait le pays.
L'attaque d'hier est d'ailleurs la seconde attaque à tuer plus de 20 personnes en Irak cette semaine. Dimanche, un terroriste s'est fait exploser dans un poste de recrutement de l'armée irakienne, à Bagdad.
Selon Iraq Body Count, les premières cibles des terroristes sont aujourd'hui les policiers et les politiciens irakiens, même si la terreur vise aussi les GI.
Une violence qui divise
La violence croissante divise le pays selon les lignes religieuses. La plupart des victimes irakiennes sont des chiites tués par des sunnites. Ces derniers accusent la police irakienne, formée essentiellement par des chiites, de répondre à la violence par la violence. Encore hier, 11 musulmans sunnites ont été trouvés morts dans le nord de Bagdad quelques heures après avoir été arrêtés par la police.
Alors que l'Irak s'emballe, faisant planer le spectre de la guerre civile, de plus en plus de voix à Washington se demandent si la politique irakienne menée par les États-Unis n'a pas été truffée d'erreurs.
C'est ce que suggère un haut responsable démissionnaire du Pentagone, Douglas Feith, dans une longue entrevue publiée hier dans le Washington Post. Selon lui, les États-Unis ont commis deux fautes majeures, en envoyant trop peu de soldats en Irak, et en tardant à remettre la souveraineté aux Irakiens.
Le Sénat américain compte d'ailleurs tenir une série d'audiences la semaine prochaine sur l'avenir de l'Irak. Le Sénat s'interroge entre autres sur la stratégie déployée pour contrer les insurgés irakiens- question rendue encore plus pertinente avec l'attentat d'hier.
L'OFFENSIVE EN QUELQUES CHIFFRES
Nombre de victimes civiles depuis le déclenchement de l'offensive contre l'Irak (mars 2003)
Entre 22 838 et 25 869, selon Iraq Body Count). Mais selon une récente publication de l'Institut des hautes études internationales de Suisse, il pourrait atteindre 39 000.
Nombre de soldats américains en Irak 176 000
Nombre de policiers irakiens formés 168 000
Un enfant blessé dans l'attentat suicide survenu hier à Bagdad semble perdu dans ses pensées. Le jeune Irakien l'a échappé belle, mais il n'est pas hors de danger pour autant: au cours des trois premiers mois de l'année, on recense une moyenne de 376 morts par mois en Irak.