Pas de nouvelles, mauvaises nouvelles
Gruda, Agnès
De l'Afrique à l'Amérique latine, les droits des minorités sexuelles progressent à petits pas. Mais les lois ne règlent pas tout. Voici un petit tour de la planète gaie.
Alexis Musanganya avait 14 ans et vivait au Rwanda quand il a entendu à la radio une chanson sur les " garçons qui aiment les garçons ". Intrigué, il a demandé des explications à sa mère.
" Elle m'a dit que c'était une maladie de Blancs et que chez nous, cela n'existait pas ", se rappelle-t-il. Mais lui, secrètement, se savait atteint de ce " mal ". Alors, il a décidé que sa place serait là où il pourrait vivre parmi ses semblables: chez les Blancs. Il a fini par atterrir à Montréal...
Longtemps occultée, l'homosexualité commence à peine à sortir du placard en Afrique. Beaucoup grâce à Internet, qui permet à des jeunes isolés avec leur " maladie de Blancs " de constater qu'il s'agit d'une condition bien plus répandue qu'ils ne le croyaient.
Une condition souvent dangereuse. Selon Amnistie internationale, 80 pays dans le monde considèrent toujours l'homosexualité comme une activité criminelle. Dans certains cas, comme en Guyane et en Ouganda, la peine peut aller jusqu'à la prison à perpétuité. Neuf pays, dont l'Afghanistan, l'Arabie Saoudite et le Pakistan, vont jusqu'à la peine de mort.
Mais des problèmes subsistent même là où les lois affichent la plus grande tolérance, signale Roberto Fovel, coordonnateur d'Amnistie internationale pour les droits des minorités sexuelles.
Ainsi, en Amérique latine, seul le Nicaragua considère l'homosexualité comme un crime. L'Équateur a été le premier à inclure une protection constitutionnelle pour les homosexuels. Le Mexique a emboîté le pas il y a deux ans. Et la ville de Buenos Aires reconnaît l'union civile entre conjoints de même sexe!
Pourtant, de graves problèmes subsistent un peu partout. En Colombie, des pans entiers du pays sont contrôlés par des rebelles qui surveillent la morale publique. Et même au Mexique et en Équateur, il y a eu des cas notoires de répression à l'égard des homosexuels.
En Afrique, l'Ouganda, le Kenya et le Zimbabwe figurent parmi les plus répressifs à l'égard des homosexuels. " Les pires, ce sont les anciennes colonies britanniques, qui utilisent les codes pénaux de la Grande-Bretagne ", remarque Roberto Fovel. C'est le monde musulman qui détient la palme de l'intolérance. Mais l'homophobie fleurit aussi en Europe de l'Est. Les candidats à l'Union européenne n'ont pas le choix: ils doivent garantir l'égalité aux minorités sexuelles. La Roumanie, qui souhaite adhérer à l'UE, vient tout juste d'abolir l'article législatif qui criminalisait l'homosexualité.
Mais les lois, ce n'est pas tout. En Pologne, les " marches de l'égalité " créent des réactions virulentes. Il y a quatre ans, à Belgrade, une manifestation de la Fierté gaie a subi l'assaut d'un groupe de gros bras, sous l'oeil indifférent des policiers.
Mais les pires endroits sur la planète gaie, ce sont encore ceux dont on ne sait rien, comme le Yémen ou le Sénégal, dit Philippe Colomb, de la section française d'Amnistie internationale. Car cela signifie que la répression y est particulièrement efficace. Au point où aucun mouvement de défense des gais ne peut y prendre racine.
Contrairement à l'adage, pas de nouvelles, cela peut aussi signifier de bien mauvaises nouvelles...
La faute des autres
Gruda, Agnès
Quelques jours après le quadruple attentat de Londres, le quotidien
britannique The Guardian a publié la lettre d'un lecteur en colère.
"Oui, les terroristes sont barbares, écrivait-il, mais il ne faudrait pas oublier les crimes contre l'humanité récemment commis à Fallouja, Nadjaf, Qaïm, Jénine et dans les villages et les montagnes d'Afghanistan."
"Qui est le plus barbare ?" se demandait ensuite l'auteur du texte, Salim Lone, ancien porte-parole de la mission des Nations unies en Irak. Il n'est pas le seul à évoquer les fautes occidentales en général, et celles de Washington en particulier, chaque fois qu'une bombe explose au coeur d'une métropole.
D'abord, on dénonce la terreur islamiste. Ensuite, on rappelle les morts innocents en Irak, en Afghanistan ou en Palestine. Les deux exposés sont reliés par un "mais". Du coup, les horreurs des uns semblent justifier les horreurs
des autres.
Tout le problème réside dans ce "mais", s'insurge Khaled Hroub, professeur à l'Université de Cambridge, où il dirige un projet de recherche sur les médias arabes. Bien sûr, il y a un certain lien entre le terrorisme et les bourdes
occidentales au Moyen-Orient, reconnaît-il. Mais en reliant systématiquement ces deux réalités, on aboutit à un discours ambigu où le cri d'indignation se transforme en une approbation subtile de la violence.
J'ai joint M. Hroub jeudi matin, à Londres, au moment même où la capitale britannique était paralysée par une nouvelle menace terroriste. Il était exaspéré. "J'en ai assez de ce "mais". Même les peuples les plus opprimés ont d'autres moyens pour défendre leurs droits que la terreur", s'indignait ce Palestinien musulman.
La veille de notre conversation, M.Hroub, avait fait paraître un article dans Al Hayat, journal arabe publié à Londres, dans lequel il appelait les musulmans à "désigner le crime par son nom" et à cesser de diluer la terreur dans les fautes des autres.
N'est-ce pas ce qu'ils font depuis quelques jours ? Cette semaine, les leaders musulmans en Grande-Bretagne sont allés jusqu'à émettre une "fatwa" contre les semeurs de bombes. Même chose au Canada, où 120 imams se sont unis, dans un geste sans précédent, pour signer une déclaration commune contre la violence.
Est-ce assez ? Non, affirme Tareq Fatah, qui a fondé un groupe de musulmans progressistes à Toronto. Il trouve que c'est un bon pas on n'avait pas vu une telle unanimité après les attentats du 11 septembre 2001, par exemple mais que cela reste un tout petit pas.
En affirmant que rien, dans l'islam, ne sanctionne la violence, les imams
canadiens font l'économie d'une réflexion fondamentale : celle qui porterait sur le rôle que jouent les mosquées dans la flambée de l'extrémisme islamique.
C'est aussi ce que pense un intellectuel musulman en Grande-Bretagne, Ziauddin Sardar, selon qui les imams commettent un péché capital en soutenant que l'islam n'a rien à voir avec les crimes des terroristes.
Au contraire, affirme-t-il dans le New Statesman, " les terroristes sont le produit d'une mentalité spécifique qui tire ses racines dans l'histoire de l'islam ". Autrement dit, pour vraiment dénoncer le terrorisme, les imams doivent porter un regard critique sur les enseignements de l'islam. Et on en est encore loin.
Khaled Hroub n'en a pas moins le sentiment que les attitudes changent dans le monde arabe. Lorsque nous nous sommes parlé, jeudi, il venait tout juste de regarder une conférence de presse de Tony Blair... retransmise en direct sur Al-
Jazira. Cette chaîne n'aurait pas accordé une telle place à un leader occidental il y a deux ou trois ans, selon lui.
Le ton dans les grands médias arabes change lui aussi, constate-t-il. Ils sont moins militants, accueillent de nouveaux invités et s'ouvrent à de nouvelles opinions opposées de manière de plus en plus explicite au terrorisme.
Est-ce pour cela que le soutien au terrorisme décline dans la population? Ou, au
contraire, les médias arabes ne font-ils que suivre l'opinion publique? Quoi
qu'il en soit, un récent sondage réalisé par le Pew Research Institute montre que la violence contre les civils est de moins en moins populaire dans les pays arabes.
Comment expliquer cela? "Les gens voient que le terrorisme est contre-productif, que les musulmans sont de plus en plus les victimes de la violence", analyse M. Hroub. Un peu comme si d'attentat en attentat, on se dirigeait vers une sorte de
surdose de violence.
Cela empêchera peut-être de nouveaux jeunes de s'enrôler dans l'armée d'Allah. Le problème, c'est que ceux qui sont déjà prêts à mourir pour le djihad se fichent bien de l'opinion publique.
LA VIOLENCE EN CHIFFRES
Depuis trois ans, le soutien à la violence contre les civils est passé de :
73% à 39% au Liban,
de 41% à 25% au Pakistan,
de 27% à 15% en Indonésie,
et de 40% à 13% au Maroc.
Source : le Pew Research Institute
La chronique ironique qui voit et entend tout... à sa façon
Gruda, Agnès; Thibodeau, Marc
AFP; BBC
DES CHIFFRES QUI PARLENT
5 - Pension, en millions de livres, que doit verser un riche homme d'affaires
anglais à son ex-conjointe. Son avocat, furieux, a indiqué qu'il aurait payé moins cher en compensation s'il avait renversé la femme avec une voiture. Convaincant.
6194 -
Nombre de lames de verre recouvrant la Grande bibliothèque qui peuvent encore exploser. À ce rythme, il faudra bientôt penser à en commander de nouvelles, sinon le spectacle va tourner court.
150 - Nombre d'années durant lesquelles la ville de Rockport, au Massachusetts, a interdit la vente d'alcool. Les aubergistes ont finalement eu raison de l'interdit il y a quelques mois. Une autre illustration du déclin moral de l'Occident ?
ICI ET AILLEURS
ÉGYPTE
Vive les attentats de Londres !
Le père de Mohammed Atta, pilote présumé du premier avion à s'être écrasé dans les tours du World Trade Center en septembre 2001, a indiqué cette semaine en entrevue téléphonique à la chaîne américaine CNN qu'il se réjouissait des attentats meurtriers de Londres et souhaitait en voir d'autres. Poussant la rhétorique un cran plus loin, il a affirmé que les musulmans qui fustigent de telles attaques sont des traîtres avant de finalement réclamer 5000$ pour une entrevue filmée. Il a précisé que cette somme irait directement au financement de nouvelles attaques. Avec un père comme ça...
OUGANDA
Des vierges instruites
Le gouvernement ougandais, souvent cité comme un modèle africain en matière de lutte contre le sida, peut compter sur la créativité sans limite de ses
parlementaires pour parvenir à ses fins. L'un d'eux, Sulayiman Madaada, offre
depuis peu de payer les études universitaires de jeunes femmes qui sont vierges
à leur sortie de l'école secondaire, dans l'espoir, notamment, de freiner la
propagation du VIH. Une équipe de travailleurs de la santé sera spécifiquement
chargée d'assurer l'examen gynécologique des candidates. Une idée pour les
évangélistes américains ?
ILS, ELLES ONT DIT...
Éclairé
"Vous n'avez pas à être un kamikaze dans une démocratie, ils ont choisi de
l'être."
Le chef de Scotland Yard, IAN BLAIR, commentant l'action des auteurs des
attentats du 7 juillet. Dans un pays qui n'est pas démocratique, c'est bien d'être kamikaze ?
Méchant
"Le perroquet n'avait aucune chance de s'enfuir."
Un juge britannique, SHAMIN QURESHI, expliquant pourquoi il a condamné à cinq mois et demi de prison un homme ayant décapité son volatile devant femme et enfant. Encore un coup d'Al-Qaeda ?
Pressé
"Je ne pensais plus, je souffrais."
Un adolescent canadien arrêté cette semaine près d'Ottawa alors qu'il filait à
195 kilomètres à l'heure. Un urgent besoin d'uriner, a-t-il expliqué aux policiers. Pissant.
EN HAUSSE... EN BAISSE
- LES INSURGÉS IRAKIENS (en hausse)
Les militants irakiens, qui multiplient ad nauseam les attaques meurtrières,
sont "efficaces", a statué cette semaine le secrétaire à la Défense américain, Donald Rumsfeld, en adoptant un ton professoral. Un petit collant avec ça ?
- POSTES CANADA (en baisse)
La société d'État a été sévèrement blâmée cette semaine parce que des cadres ont harcelé des postiers ayant dénoncé les pratiques frauduleuses de leurs collègues. Bravo pour l'exemple.