Gruda, Agnès
Houston, Texas - Terrell Morgan a tout perdu. Sa maison, ses meubles, ses vêtements, et peut-être même sa fille aînée et sa belle-mère, dont elle n'a pas eu de nouvelles depuis trois jours.
Son histoire ressemble à celle de milliers d'autres rescapés de Katrina qui s'entassent depuis trois jours dans l'Astrodome de Houston, cet ancien stade transformé pour l'occasion en un vaste camp de réfugiés. Contents d'avoir enfin pu boire, manger et prendre une douche, ils n'en meurent pas moins d'inquiétude pour ceux de leurs proches qui sont restés en enfer.
Comme d'autres, Terrell Morgan s'était attendue au pire, lundi dernier, le jour où l'ouragan s'est abattu avec toute sa force sur La Nouvelle-Orléans. Mais la tempête est passée et sa maison a tenu bon. Alors, la jeune femme a poussé un gros soupir de soulagement. Trop tôt, car le pire était pour le lendemain, quand l'eau, libérée par les digues défoncées, s'est mise à monter et à noyer peu à peu tous ses biens.
Avec son mari Saul, sa belle-mère et cinq de ses six enfants, Terrell Morgan a fini par fuir sa maison quand elle a eu de l'eau jusqu'aux aisselles.
Sa belle-mère impotente a été installée dans un panier que la famille a fait glisser sur l'eau jusqu'au centre des congrès de la ville. Incapable de grimper les marches de l'édifice, la vieille dame a été dirigée vers un autre abri.
Pendant deux jours, Terrell, Saul et les enfants ont vécu sans lits, sans couvertures, dans une chaleur épaisse imprégnée d'une forte odeur d'urine. Ils dormaient par terre, sur un sol jonché d'excréments.
Hier matin, finalement, la famille est arrivée à Houston. Avec ses lits de toile verte cordés à perte de vue, l'Astrodome craquait de partout. Les nouveaux réfugiés ont donc été dirigés vers un centre d'exposition adjacent, le Reliant Center. Hier après-midi, épuisée et en larmes, Terrell Morgan attendait toujours qu'on lui assigne une place. " Je n'ai plus rien, pas même quelques vêtements pour mes enfants ", se lamentait-elle.
Sa fille aînée, Markeisha, habitait chez une tante à La Nouvelle-Orléans. Terrell est incapable de la joindre. " Je ne sais pas où elle est ", sanglote la jeune femme. " Quelqu'un nous a dit que ma mère est ici, mais on ne sait pas où ", s'inquiète de son côté son mari Saul.
20 000 rescapés à Houston
Plus de 20 000 rescapés sont déjà arrivés à Houston. Dans la seule matinée d'hier, on a accueilli 1700 nouveaux venus. Jeudi soir, les autorités publiques du comté de Harris avaient tenté de détourner quelques autobus vers d'autres villes. Mais devant les cris d'indignation des réfugiés, on a plutôt décidé d'aménager deux nouveaux refuges.
Avec leurs lits alignés sur l'ancien terrain de jeu des Astros de Houston, les réfugiés sont coincés comme des sardines. Des infirmières circulent entre les lits et répondent à leurs besoins les plus pressants. Elles leur distribuent des aspirines ou des serviettes hygiéniques et soignent quelques égratignures.
D'autres réfugiés nécessitent des interventions plus sérieuses. " Il y a ici des gens avec une colostomie, qu'il faut nettoyer, ou des diabétiques qui ont perdu leur insuline ", explique l'infirmière Phyllis McCulley, bénévole à l'Astrodome. Un cancéreux qui a réussi à prendre l'autobus vers Houston dans la nuit de jeudi est même décédé à bord du véhicule.
À leur arrivée, les réfugiés sont triés, et les plus amochés sont dirigés vers des hôpitaux. À l'Astrodome, on a installé une clinique médicale et un centre de santé mentale. Ce n'est pas un luxe: les réfugiés sont " hébétés ", selon Mme McCulley. " Ils se promènent en demandant: Vous n'avez pas vu mon frère? Vous n'avez pas vu ma soeur? "
Un babillard d'information pour les disparus a été aménagé au fond du stade. Des rescapés y ont épinglé des messages poignants. " Je cherche ma mère, mon fils, ma fille et mes trois petites-filles ", dit l'un de ces messages, qui énumère ensuite les noms des disparus. Mais il n'y a pas que des mauvaises nouvelles: " Ton fils Kwame Evans est vivant ", affirme une fiche adressée à Diane Evans.
De nombreux rescapés, pour la plupart des gens d'origine modeste- ils travaillent comme femmes de ménage, gardiens de sécurité ou aides-cuisiniers- n'ont jamais quitté la Louisiane. Ils profitent de leur mauvaise fortune pour découvrir Houston. Au centre-ville, on les reconnaît à leurs bracelets roses qui leur donnent droit aux rations alimentaires, et aux nombreux enfants qui s'accrochent à leurs bras.
Mais pourquoi tous ces gens n'ont-ils pas quitté la ville plus tôt, sans risquer d'y laisser leur peau? " C'est une question de moyens, avance Roctivea Jones, une jeune femme de 24 ans qui a nagé jusqu'à un pont et passé deux jours à errer dans une Nouvelle-Orléans inondée avant de réussir à attraper un bus pour Houston. Cette employée d'une compagnie de sécurité raconte qu'elle venait tout juste de payer son loyer de septembre quand l'ouragan a balayé sa ville. " Je n'avais nulle part où aller, et pas d'argent pour payer une chambre d'hôtel ", dit-elle.
" Mon univers n'existe plus ", ajoute-t-elle. Son univers, c'est, entre autres choses, une ville où plus du quart de la population vit sous le seuil de la pauvreté. Et où les Noirs forment les deux tiers de la population- mais la presque totalité des réfugiés sauvés in extremis des ravages de Katrina.
Mobilisation internationale contre des tribunaux islamiques au Canada
Gruda, Agnès
Plus de 80 organisations implantées en Europe occidentale demandent au Canada de fermer la porte à la justice islamique. Elles prévoient tenir une série de protestations, le 8 septembre prochain, à Paris, Londres, Amsterdam, Düsseldorf et Stockholm.
Cette campagne internationale répond à l'appel d'une coalition canadienne qui proteste contre l'application de la charia en matière de litiges familiaux et s'inquiète de l'implantation possible de tribunaux islamiques en Ontario.
Le cas échéant, cela équivaudrait à " privatiser le droit sur la base de lois religieuses, avec un impact redoutable pour les femmes ", dénonce Gisèle-Eva Côté, de Droits et Démocratie, organisation canadienne établie à Montréal qui fait partie de la coalition anti-charia.
" Si les pays occidentaux acceptent de telles régressions, imaginez ce qui va se passer dans les pays musulmans ", s'inquiète Michèle Vianès, présidente de Regards de femmes, association féministe qui coordonne la manifestation du 8 septembre en France.
Selon elle, si des tribunaux islamiques devaient voir le jour au Canada, il y aurait des répercussions graves pour " toutes les femmes de la planète ". Mme Vianès est en contact avec de nombreuses organisations féministes du Maghreb. " Ces femmes me disent que s'il y a des reculs en Occident, elles ne seront plus capables de continuer leurs luttes ", rapporte-t-elle.
Marion Boyd
Cette mobilisation internationale fait suite au rapport très controversé publié en décembre 2004 par l'ex-ministre de la Justice ontarienne, Marion Boyd. Celle-ci donnait son appui aux arbitrages religieux en matière de droit familial, autorisés en Ontario depuis près de 15 ans, tout en préconisant l'implantation de véritables tribunaux islamiques sanctionnés par l'État. Dans ce rapport, Mme Boyd faisait fi des craintes évoquées par l'Association des femmes musulmanes du Canada, qui s'inquiètent de l'avènement d'un système de droit parallèle, inéquitable pour les femmes.
Si le gouvernement ontarien devait suivre les recommandations de Mme Boyd, le Canada deviendrait le premier pays occidental à autoriser de tels tribunaux.
Vu de Paris, un tel scénario paraît incompréhensible. " Nous avions l'impression que le Canada était en avance en ce qui a trait aux droits des femmes ", s'étonne Mme Vianès. Elle a reçu près de 400 lettres de protestation et compte profiter de la manifestation du 8 septembre pour les remettre à l'ambassadeur du Canada en France. De nombreuses organisations féministes, mais aussi des écrivains, des journalistes et des militants laïques s'associent au mouvement de protestation.
L'implantation de la charia en Occident fait partie des ambitions politiques des islamistes, fait valoir Homa Arjomand, militante anti-charia en Ontario qui a eu l'idée de faire des vagues à l'étranger pour faire pression sur le gouvernement ontarien et l'inciter à rejeter le rapport Boyd. " Sa loi sur les arbitrages familiaux et sa politique de multiculturalisme rendent l'Ontario vulnérable aux politiques islamistes. Mais si les tribunaux islamiques sont autorisés ici, ils le seront ensuite ailleurs ", prévient Homa Arjomand, une Iranienne qui a fui la dictature des ayatollahs.
La plupart des manifestations du 8 septembre se tiendront devant des ambassades canadiennes. Mais le ministre canadien des Affaires étrangères, Pierre Pettigrew, signale qu'elles font référence à une compétence provinciale, qui échappe donc à son champ d'action.
Les 25 ans de Solidarnosc: fête amère à Gdansk
Gruda, Agnès
Un concert de Jean-Michel Jarre qui a réuni 100 000 personnes dans la ville côtière de Gdansk. Une conférence politique qui a attiré des centaines de personnalités à Varsovie. Et une grande cérémonie à laquelle assisteront aujourd'hui une vingtaine de chefs d'État venus en Pologne pour souligner le 25e anniversaire de Solidarnosc- Solidarité, le premier syndicat libre indépendant à avoir vu le jour dans l'ancien bloc communiste.
Mais tous les flonflons de la fête ne parviennent pas à faire oublier que la commémoration de cet événement historique se déroule dans un climat d'amertume et de désenchantement.
Le journaliste Bernard Guetta, l'un des premiers correspondants occidentaux à avoir accouru à Gdansk durant l'été chaud de 1980, raconte dans le quotidien suisse Le Temps comment tout avait basculé, dans la nuit du 16 au 17 août.
La grève des chantiers navals durait alors depuis quelques semaines et les délégués d'atelier étaient prêts à accepter une augmentation salariale de 30 %. Pas question, avait clamé un électromécanicien moustachu, pour qui la grève allait bien au-delà des conditions salariales.
Acclamé, Lech Walesa réussit ce jour-là à renverser le cours de l'Histoire. Les grévistes passent la nuit à rédiger leurs revendications: reconnaissance de partis politiques, liberté de parole, droit de grève.
Le 31 août, le pouvoir cède et signe des accords qui consacrent la reconnaissance officielle du syndicat. Neuf ans plus tard, le mouvement Solidarité, appuyé par des millions de sympathisants, fera tomber le régime pro-soviétique au pouvoir en Pologne.
" L'élan polonais vers la liberté, puis le courage et la détermination des peuples de l'Europe centrale et orientale ont fait qu'en 1989 le système communiste s'est écroulé, le mur de Berlin est tombé, et c'est grâce à cela que l'Europe a pu s'unir en 2004 ", a dit lundi Bronislaw Geremek, grande figure de Solidarnosc, aujourd'hui député européen.
Les grèves de Gdansk ont donné lieu à une révolution aussi importante que la révolution américaine ou la révolution française, a estimé hier l'ancien conseiller de l'ex-président des États-Unis Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski, invité à Varsovie.
Amertune et nostalgie
Mais 25 ans plus tard, les héros de la révolution sont bien fatigués. Quelques jours avant l'anniversaire du 31 août, Lech Walesa, aujourd'hui âgé de 61 ans, a remis sa carte aux autorités d'un syndicat dans lequel il ne se reconnaît plus. Et qui lui reproche d'avoir troqué ses outils contre une limousine et des gardes du corps.
Outrage suprême, Walesa a récemment fait la paix avec le président actuel de la Pologne, l'ex-communiste Aleksander Kwasniewski, qui se trouvait du côté du régime au moment des grèves- une réconciliation qui enrage les nouveaux leaders de Solidarité.
Il y a du dépit dans l'air. Pour Janusz Sniadek, président actuel du syndicat, la joie de la liberté retrouvée est ternie par les problèmes de chômage, de corruption et de criminalité, et par le fait que " les crimes communistes n'ont toujours pas été punis ".
Depuis son passage à la démocratie, la Pologne n'a en effet jamais réglé les comptes avec son passé. Or, depuis le printemps, la publication des listes d'anciens collaborateurs ou recrues potentielles de la sécurité communiste a lancé une véritable chasse aux sorcières au pays, éclaboussant plusieurs vieux héros- y compris Lech Walesa.
Ce sale climat a incité d'anciens leaders de 1980 à bouder la fête. C'est le cas d'Adam Michnik, ex-dissident libéré de prison au lendemain du 31 août.
Aujourd'hui, il dirige l'un des plus grands journaux polonais, Gazeta Wyborcza. Il y a signé cette semaine un texte amer et nostalgique. Août 1980 a été l'occasion d'un " festival de liberté, de patriotisme et de vérité ", rappelle-t-il. Une pureté disparue depuis 15 ans sous une avalanche de " divisions, de luttes de pouvoir, de scandales de corruption, de mépris du droit et de courses de rats ".
Quant à ceux qui dénigrent les héros de la révolution, ils lancent " une grenade dans une bécosse: certains seront blessés, mais tous vivront dans la puanteur ", dénonce-t-il. Pour conclure avec tristesse que les Polonais célèbrent ce 25e anniversaire " salis, blessés et frustrés ".
La chronique ironique qui voit et entend tout... à sa façon
Hachey, Isabelle; Gruda, Agnès
AFP; AP
DES CHIFFRES QUI PARLENT
22,7
Pourcentage d'adultes obèses aux États-Unis.
5 000 000
Somme en euros, demandé pour le rachat de la maison natale du pape Benoît XVI en Bavière. La propriétaire se dit lassée des touristes.
6 000 000
Nombre de dollars gagnés à la loterie par l'Ontarienne Thelma Hayes, 89 ans, qui dit n'avoir aucun projet, à part celui de s'acheter "une nouvelle paire de bas".
ICI ET AILLEURS
ANGLETERRE
SVP, rendez-moi ma belle-mère
Les Anglais préfèrent les animaux aux humains, disent les méchantes langues. C'est parfois vrai. Des extrémistes ont persuadé des fermiers du Staffordshire de mettre un terme à l'élevage de cochons d'Inde destinés à la recherche médicale. Pendant six ans, Christopher Hall et sa famille ont été soumis à une insoutenable campagne de haine: menaces de morts, appels à la bombe, incendies criminels, vandalisme... la goutte qui a fait déborder le vase, c'est le vol des restes de Gladys, la belle-mère de M. Hall, au cimetière local !
ÉTATS-UNIS
Pare-bullshit
Bill Moyer, 73 ans, est un homme prévoyant. Le vétéran de la Deuxième Guerre mondiale et du Vietnam a pensé à apporter son Bullshit protector à la 106e convention des vétérans américains des guerres étrangères, à Salt Lake City. Un instrument qui lui a été fort utile lorsque son président, George W. Bush, a pris la parole.