L'ange gardien et la pasionaria
Hachey, Isabelle; Gruda, Agnès
Les infirmières l'appellent la " gardienne de sécurité ". Michelle Champagne, préposée à l'entretien, veille au grain devant les portes vitrées de l'unité SARM, au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS).
" Vous devez mettre une jaquette, vous laver les mains puis les frotter avec un gel antiseptique ", explique-t-elle aux visiteurs. Ce n'est qu'une fois ces conditions remplies qu'elle consent à ouvrir les portes.
Inaugurée en avril, l'unité SARM (pour staphylocoque doré résistant à la méthicilline) est une aile exclusivement consacrée aux porteurs de la bactérie. L'idée, toute simple, c'est d'éviter l'infection des autres patients. Le CHUS est pourtant l'un des rares établissements de la province à s'être doté d'une telle unité.
Chacune des 10 chambres a son propre stéthoscope et son appareil à tension, qui n'en sortent jamais. Les infirmières sont aussi confinées à l'unité pendant tout leur quart de travail. " Elles n'ont pas le droit de toucher à d'autres malades, explique Alain Latendresse, adjoint à l'infirmière-chef. C'est important parce que c'est nous qui transportons la bactérie. "
Le CHUS s'est retrouvé au coeur de la tourmente, à l'été 2004, quand le Dr Jacques Pépin a révélé qu'une centaine de patients de l'hôpital étaient morts après avoir contracté la bactérie C. difficile. Depuis, les gestionnaires ont pris le taureau par les cornes. Trois millions ont été investis en prévention.
L'hôpital a formé une soixantaine de " sentinelles "- des préposés, des techniciens en radiologie ou des inhalothérapeutes qui rappellent à leurs collègues de se laver les mains régulièrement.
Quand un malade atteint du C. difficile quitte sa chambre, on décroche les rideaux, on lave les murs, bref, on désinfecte tout... deux fois plutôt qu'une. Mieux, on utilise deux équipes différentes. " Si un employé fait deux fois le même trajet, instinctivement, il va repasser aux mêmes endroits ", explique Danielle St-Louis, directrice des soins infirmiers et de la qualité au CHUS.
L'hygiène totale
Quand la crise du C. difficile a éclaté, tout l'hôpital Charles-LeMoyne a été passé à l'eau de Javel. Jusque dans ses moindres recoins. Rapidement, les taux d'infection ont dégringolé.
Aujourd'hui, dès que trois patients sont frappés par cette bactérie dans une même aile de l'hôpital, c'est toute l'unité de soins qui subit ce traitement radical.
Cet hôpital de la Rive-Sud de Montréal est aujourd'hui considéré comme un modèle en matière de lutte contre les infections nosocomiales. Son infectiologue, Isabelle De Corre, a la réputation d'une pasionaria qui se tue à dire que la prévention est un investissement rentable.
Sur ses fiches power point, le bilan frappe. L'hôpital a investi 375 600 $ pour prévenir les infections. Mais en bout de ligne, cela permettra d'économiser 1,2 million- 100 000 $ par mois. Le souci de rentabilité se manifeste jusque dans les moindres détails. Le service de buanderie vient de remplacer les vieux draps de coton par des draps en polyester, qui ne laissent pas échapper de mousses sur le plancher. " Nous avons moins besoin de passer la vadrouille, ça nous laisse du temps pour autre chose ", dit Mme De Corre, pour qui il n'est pas question de choisir entre propreté et salubrité.
" Nous sommes passés à la culture de l'hygiène totale ", dit-elle. Un concept qui s'accommode mal des planchers sales.
La chronique ironique qui voit et entend tout... à sa façon
Côté, Charles; Gruda, Agnès; Thibodeau, Marc
BBC
DES CHIFFRES QUI PARLENT
12
Nombre de Japonais dont la mort pourrait avoir été causée par le Tamiflu, qu'ils avaient pris pour se prémunir contre la grippe aviaire.
59
Nombre de personnes exécutées aux États-Unis en 2004. C'est six de moins que l'année précédente.
89
Âge de la plus vieille personne exécutée. La plus jeune avait 18 ans.
ICI ET AILLEURS
LONDRES
Journal pas très intime
Le prince Charles n'est pas content depuis que le journal britannique Mail a publié des extraits de son journal intime. Non, il n'y était pas question de sa tumultueuse liaison avec Camilia Parker Bowles, encore moins de tampons hygiéniques. Mais le prince se laissait aller à des commentaires pas très élogieux sur la Chine, qualifiant les apparatchiks de ce pays d'"horribles vieilles statues de cire", entre autres amabilités. Le prince Charles a décidé de poursuivre le journal, qui nous aura quand même permis d'apprendre que sa Majesté a des opinions.
PAYS BAS
Mort d'un moineau
Un moineau a été abattu lors d'un concours de dominos aux Pays-Bas. Sa mort a causé une vague d'indignation parmi les défenseurs des animaux. La chaîne de télévision qui organisait ce concours a même reçu des menaces de mort. Pour calmer les choses, elle a promis de rendre hommage à l'oiseau lors de la diffusion de l'événement. L'assassin a des circonstances atténuantes: le moineau avait eu le temps de renverser 23 000 pièces de domino et allait poursuivre son oeuvre destructrice s'il n'avait pas été brutalement arrêté. Question: y a-t-il quelqu'un qui ne soit pas un loser dans cette histoire ?
ILS, ELLES ONT DIT...
Limpide
"Je tiens à préciser que je n'ai pas rencontré René Simard pour une raison très simple: je ne pouvais pas le rencontrer."
- MICHEL VASTEL, expliquant pourquoi il n'a pas interviewé le frère de Nathalie Simard pour la rédaction du livre qu'il consacre à l'histoire de la jeune femme.
Satisfait
"La saison des idées a réglé à peu près tous les enjeux."
- BERNARD LANDRY au "Point", après l'élection d'André Boisclair à la tête du Parti québécois.
Technophobe
"C'est inquiétant. Aujourd'hui, les exciseuses ont des portables et des téléphones. Il suffit de les contacter et elles font le déplacement à domicile."
- RACHEL GOGOUA, présidente de l'Organisation nationale pour l'enfant, la femme et la famille (ONEF) de la Côte d'Ivoire, une ONG qui lutte contre l'excision.
Prête
"Bien sûr, pourquoi pas!"
- VAIRA VIKE-FREIBERGA, ex-Montréalaise et présidente de la Lettonie, dans une interview au journal espagnol El Mundo, se disant prête à devenir secrétaire générale de l'ONU. Et déplorant qu'aucune femme n'ait encore occupé ce poste.
Ça, c'est winner!
EN HAUSSE... EN BAISSE
- LES LOSERS
René Lévesque, Jacques Parizeau, Bernard Landry... amenez-en, des losers.
- PIERRE PETTIGREW
Il y a une grosse poutre dans son oeil... de loser ?
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Des arbitrages douloureux
Gruda, Agnès
Depuis la crise du C. difficile, les hôpitaux québécois font la guerre aux différentes bactéries qui guettent leurs patients. Avec un succès inégal. À la veille de la publication d'un plan d'action national contre les maladies nosocomiales, La Presse fait le point dans une série d'articles publiés depuis hier, et jusqu'à lundi.
C'est une nuit de septembre et les urgences de l'hôpital du Sacré-Coeur débordent. Dans la salle d'observation prévue pour quatre patients, 16 civières sont collées les unes contre les autres. Il n'y a pas assez de rideaux pour protéger l'intimité des patients. Parmi eux, un homme porteur du SARM, le staphylocoque doré résistant à la méthicilline.
L'infirmier Hugues Tremblay n'en revient pas. Comme le C. difficile, le SARM est une maladie nosocomiale, une infection que l'on peut contracter, par contagion, lorsqu'on se fait soigner à l'hôpital.
Le patient a beau être simplement " colonisé ", et non infecté par la bactérie, dans la grande promiscuité des urgences, les risques de contamination augmentent.
L'infirmier prend une photo de la salle bondée et l'envoie à TQS. Outré par ce manque de loyauté, l'hôpital congédie M. Tremblay. Le syndicat proteste.
En attendant de connaître son sort, l'infirmier s'interroge. Depuis que l'épidémie de Clostridium difficile a déferlé sur le réseau hospitalier québécois, des millions ont été investis en prévention. " Mais qu'est-ce que ça donne si les patients sont ensuite collés au point que les civières se touchent? " demande-t-il en entrevue avec La Presse.
" Ce patient n'était pas un pestiféré, et il avait besoin de soins ", rétorque Thérèse Bigras, infirmière responsable de la prévention des infections à Sacré-Coeur.
" Était-ce idéal? Non ", ajoute le microbiologiste de l'hôpital, Gilbert Pichette. " Mais nous isolons nos patients dans la mesure de nos possibilités. Notre travail tient souvent à l'art du compromis. "
Il y a deux ans, la crise du C. difficile a eu l'effet d'un électrochoc sur le réseau hospitalier québécois. Des infectiologues qui se battaient autrefois contre des administrations indifférentes remercient le ciel- enfin, on les écoute!
" Autrefois, pour obtenir des fonds, j'étais en compétition avec des appareils à résonance magnétique ", dit Gilbert Pichette. Il y a deux ans, il était si excédé de ramer à contre-courant qu'il a remis sa démission. De retour à Sacré-Coeur, il affirme qu'il n'a plus à se battre: la crise de C. difficile a défoncé le mur de l'indifférence. Mais il reste un autre mur: celui de la dure réalité.
Madame pipi
Cette réalité, ce sont, entre autres, des bâtiments vétustes, une architecture inadéquate, ou encore des salles de bains rarissimes.
L'hôpital du Sacré-Coeur est un ancien sanatorium où, autrefois, s'entassaient les tuberculeux. Il n'est pas rare que plus de 40 patients partagent une même salle de bains.
C'est le cas dans l'aile de gériatrie, qui était jusqu'à tout récemment le principal foyer de transmission du Clostridium difficile. " C'est toujours là que le feu prenait ", dit Thérèse Bigras.
Il y a trois mois, l'hôpital a eu l'idée de confier à une seule employée le soin de laver les deux salles de bains de ce secteur. Avec son uniforme bleu et ses lingettes, Brigitte St-Jacques est toujours prête: elle nettoie la cuvette, essuie les robinets après le passage de chaque patient.
Résultat: non seulement les toilettes du département de gériatrie scintillent de propreté, mais le " foyer d'infection " semble avoir été éteint. Et Sacré-Coeur affiche aux dernières nouvelles des taux de contamination relativement bas: six cas de C. difficile par 10 000 patients-jour.
L'hôpital est très fier de sa " madame pipi ". Mais cette expérience fait ressortir, par contraste, l'état piteux d'autres salles de bains. Le jour de notre passage, la toilette des urgences dégageait une odeur d'urine, son plancher était maculé de taches collantes et sa poubelle débordait de papiers chiffonnés. Une toilette nickel, une autre repoussante... Tous conviennent que ce n'est pas idéal. Mais généraliser l'expérience de l'aile gériatrique coûterait une fortune.
Sacré-Coeur n'est pas le seul hôpital à être confronté à de douloureux arbitrages. À Maisonneuve-Rosemont, les patients infectés au C. difficile sont depuis peu isolés dans une aile de l'hôpital. Pourtant, aux urgences, l'hôpital doit parfois faire cohabiter des cas de SARM avec des cas de C. difficile. " C'est loin d'être parfait, mais nous avons des contraintes d'espace ", dit l'infectiologue Ewa Sidorowicz.
Cet hôpital de 700 lits, où le C. difficile s'accroche envers et contre tous, doit recevoir d'ici quelques mois une cinquantaine de nouveaux lavabos. Car les gels désinfectants accrochés à l'entrée des chambres ne suffisent pas. Seul le lavage consciencieux des mains peut freiner la transmission du C. difficile.
En janvier dernier, le ministère de la Santé a accordé 20 millions supplémentaires aux hôpitaux, pour les aider dans leur bataille contre les maladies nosocomiales. Les hôpitaux ont embauché des infirmières, acheté des robinets à infrarouge, réorganisé leurs services d'entretien.
Mais comme le signale Alain Poirier, directeur national de la santé publique, plusieurs établissements ne sont toujours pas capables d'isoler les patients infectés. Et leurs " aménagements physiques " demeurent largement inadéquats.
Au début de 2006, le ministère de la Santé doit annoncer de nouveaux investissements, destinés cette fois à des réfections majeures. En attendant, le C. difficile recule, mais les taux d'infection demeurent supérieurs aux niveaux enregistrés avant l'explosion de l'épidémie. Et les patients risquent toujours de quitter l'hôpital plus malades que lorsqu'ils y sont entrés...