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 Observateurs des élections au Togo:une impression paradoxale

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brigitte
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brigitte


Nombre de messages : 65
Localisation : France/Togo
Date d'inscription : 24/11/2005

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23102007
MessageObservateurs des élections au Togo:une impression paradoxale

Observateurs
des élections au Togo: une impression paradoxale


(Nîmes,
21 octobre 2007. Anne-Sophie Dentan et Philippe Verseils, Défap. Publié dans
"Journal Chrétien", 23 octobre 2007)




Les missions d’observation internationales et tous les
autres partenaires du Togo ont déclaré à l’unanimité que les élections
législatives du 14 Octobre dernier avaient été libres, justes et transparentes.
Ils ont félicité le Peuple togolais pour la maturité dont il a fait preuve tout
au long de ce processus et pour le climat de calme qui a régné pendant toute la
durée du scrutin et du dépouillement. La Conférence des Églises de Toute
l’Afrique (CETA) s’est fortement mobilisée pour accompagner ce processus de
consultation démocratique en déployant sur tout le territoire près de 60
observateurs nationaux et une douzaine d’observateurs internationaux. Nous
étions deux français envoyés pour cette mission par la CEVAA et le DEFAP et
nous en revenons avec une impression paradoxale.

Après un
temps de préparation et de formation dans les locaux de la CETA à Lomé nous
sommes partis dans la région centrale, à près de 500 km au Nord de Lomé, dans
deux préfectures différentes, celle de Sotouboua et celle de Tchamba. Avec le
support des grilles d’observation qui avaient été mises au point par une
coalition d’organismes de la société civile (la CODEL) dont la CETA fait
partie, nous avons suivi tout le processus du scrutin dans de nombreux bureaux
de vote, de l’ouverture des bureaux à la fermeture, puis nous avons assisté au
dépouillement. Ensuite nous avons suivi l’acheminement des urnes jusqu’à la
CELI (Commission des Élections Locale Indépendante) qui, dans chaque
préfecture, était chargée de récolter les résultats de chaque bureau de vote
(144 pour Tchamba et 199 pour Sotouboua). Chaque urne scellée contenant les
fiches des résultats du scrutin et les bulletins était ouverte devant les sept
membres de la CELI, les résultats enregistrés et notés sur un état
récapitulatif puis envoyés directement par internet à la CENI (Commission
Électorale Nationale Indépendante) à Lomé. Cet enregistrement des résultats a
duré toute la nuit et jusqu’à la fin de la journée du lundi dans la plupart des
préfectures.

Premières
constatations:


Nous avons
été frappés du sérieux de la plupart des membres des bureaux de vote et leur
investissement pour un bon déroulement du scrutin. D’une façon générale les
procédures de vote dans les bureaux ont été suivies avec application et le
scrutin s’est déroulé dans le calme et sans agitation, dans des conditions
matérielles pourtant souvent difficiles. Nous avons également été impressionnés
par l’implication de toute la population. Le taux de participation a été très
élevé (85%) et nous avons vu combien ce vote était important pour tous ceux qui
y participaient. Avant même l’ouverture à 7h00 du matin, de longues files
étaient formées devant les bureaux de vote et le temps d’attente, debout,
souvent au soleil, était parfois de plusieurs heures. Il était visible que ce
scrutin revêtait une importance toute particulière, en premier lieu
certainement pour effacer le souvenir prégnant de la mascarade électorale et
des terribles massacres qui ont suivi l’élection présidentielle de l’actuel
président Faure Gnassingbe Eyadéma en 2005. Par ailleurs, l’enjeu était, pour
l’opposition, de parvenir à avoir la majorité absolue au sein de la nouvelle
assemblée nationale et de pouvoir alors proposer une modification de la
constitution qui permette un rééquilibrage des pouvoirs entre le président de
la république et le gouvernement. Aujourd’hui la quasi-totalité des pouvoirs
sont entre les seules mains du chef de l’état.

Nous avons
pu constater l’implication de tous pour parvenir à une bonne tenue de ces
élections dans la transparence, le calme et sans violence. Le dépouillement
s’est, dans la plupart des lieux, effectué dans des conditions difficiles, à la
lumière de bougies et de lampes torches, mais n’a pas donné lieu à de fortes
contestations. Dans la plupart des bureaux de votes, tous les membres du bureau
et les divers délégués des différents partis présents ont signé la fiche de
résultats, manifestant ainsi leur accord sur la régularité des résultats
affichés. Dans les deux préfectures où nous étions pour suivre l’enregistrement
des résultats, les procédures nous ont également semblé être correctement
respectées dans l’ensemble.

Les autres
observateurs de la CETA, et aussi ceux d’autres organismes que nous avons
croisés, ont, pour la plupart, fait des constations similaires, à quelques
exceptions près.

Les lieux
plus sensibles ont été les villes plus importantes où l’opposition est
majoritaire ou plus forte. Cela a été particulièrement difficile et tendu dans
les deux CELI de Lomé et notamment celle de Lomé Centre qui devait recevoir 750
urnes et où l’enregistrement des résultats n’a pu s’achever que le mardi soir
dans une grande confusion. Les présidents et rapporteurs des bureaux de vote
sont restés dehors, à coté de leurs urnes pendant 3 jours et deux nuits! C’est
au sujet de ce qui s’est passé à cette étape du scrutin, et tout
particulièrement dans les CELI de Lomé, que les contestations sont les plus
vives, d’autant que ce sont les lieux de vote très majoritairement favorables à
l’opposition.

Nous avons
pu passer toute la journée du mardi dans la CELI de Lomé Centre et nous avons
constaté que les procédures d’enregistrement n’étaient plus toujours faites
devant des personnes de partis différents comme cela était normalement prévu et
que l’élimination des bulletins nuls était faite de façon extrêmement
rigoureuse, ce qui, de fait, défavorisait l’opposition dans ces bureaux de vote
qui lui sont acquis. Les résultats de cette CELI de Lomé Centre qui concernent
l’élection de 5 députés n’ont toujours pas été promulgués une semaine plus tard
et sont toujours en cours de vérification.

D’après les
résultats que nous avons observés, dans la quasi-totalité des 750 bureaux de
vote de cette circonscription, l’UFC menait avec près de 80 à 85% des voix et
devrait donc obtenir la totalité des cinq sièges. Il est pour nous très clair que,
si ce n’était pas le cas, les résultats de cette circonscription auront été
truqués.

Quelques
réflexions:


À la suite
de ces 8 jours passés et de tout ce temps d’observation, nous repartons avec
une conviction paradoxale.

À part la
situation de Lomé et de quelques autres lieux signalés par d’autres
observateurs, nous n’avons pas observé et nous n’avons pas été informés
d’irrégularités pouvant modifier significativement le résultat. C’est pourquoi,
en ce qui concerne le déroulement formel de ce scrutin, nous sommes en accord
avec l’ensemble des déclarations des diverses organisations ayant envoyé des
observateurs nationaux ou internationaux pour dire que globalement les
résultats proclamés correspondent aux suffrages exprimés dans les urnes.

Mais nous ne
pouvons pas dire pour autant que ces élections soient justes et que le RPT a
légitimement obtenu la majorité des sièges à l’assemblée nationale, et ce pour
au moins les trois raisons suivantes:

Le
découpage électoral


• Même si le
Togo n’est certes pas le seul pays où il en soit ainsi, le découpage électoral
est très favorable au pouvoir en place. Il faut dans certaines circonscriptions
du Nord, favorables au RPT, environ 10 000 électeurs pour un siège de députés
alors qu’il en faut 100 000 dans certaines du sud, favorables à l’opposition.
Par exemple, dans la région de Kara, la circonscription d’Assoli a 2 sièges de
députés et compte 22 937 électeurs alors que la Préfecture du Golfe à Lomé
compte, elle, 277 861 électeurs pour le même nombre de sièges. Dans ces
circonstances, il est clair que la majorité absolue de sièges pour le RPT ne
signifie pas qu’il ait en réalité la majorité des voix des Togolais.

• La peur

• Les
massacres qui ont suivi les élections de 2005 ont certainement fait bien plus
de morts que les 700 reconnus, sans parler de tous les blessés et les brimades
plus ou moins violentes qui les ont accompagnés. Nous avons senti combien tout
ce déchaînement de violence, dont beaucoup n’arrivent toujours pas à parler,
est encore présent et pesant. Ce souvenir prégnant a d’ailleurs certainement
permis qu’il n’y ait eu aucun incident lors de ce scrutin qui, comme la
campagne électorale qui l’a précédé, s’est déroulé dans un très grand calme.

Mais la peur
de représailles est tenace. Une personne qui nous a accompagnés a insisté pour
qu’on lui fasse une attestation officielle qui justifie le fait qu’elle n’ait
pas pu voter car elle redoutait ce qui pourrait lui arriver si cela
s’apprenait.

Dans ce
climat de peur encore très présent et que l’on connaît bien dans tous les pays
où la dictature règne ou a régné, des rumeurs ont circulé comme quoi, par
exemple, des caméras filmaient les votes et qu’il fallait ‘bien’ voter sinon
cela se saurait et alors...

On nous a
fait part aussi de pressions plus directes ou d’achats de votes, bien possibles
dans la situation de réelle survie que nous avons constatée chez la plupart des
familles togolaises.

Le fait que
dans la majorité des bureaux de vote, les résultats soient, en général, soit 70
à 90% pour le RPT, soit 70 à 90% pour l’opposition, nous paraît être un signe
de la réalité de cette peur et de la pression qu’elle exerce sur le vote.

• Le
système électoral


• C’est, en
premier lieu, un système de consultation de la population bien complexe et
étranger à l’immense majorité de la population. En particulier dans les
campagnes (des régions qui ont massivement voté pour le RPT) la très grande
majorité des électeurs ne savent pas lire. Le bulletin de vote unique ne
comporte que les sigles des listes électorales auprès desquels il faut apposer
son empreinte. Nous avons vu combien cette procédure était étrange et difficile
en particulier pour les personnes âgées. Nous ne pouvons pas nous empêcher de
penser que nombreux ont dû poser leur doigt sur le sigle qu’on leur avait auparavant
montré, qu’ils reconnaissaient et sur lequel on leur a dit d’appuyer.

C’est aussi
une question culturelle que l’on ne peut évacuer. Le système électoral est
destiné à solliciter le vote personnel. Mais comment s’articule réellement le
droit coutumier ou l’appartenance communautaire à cette conception occidentale
de l’expression individuelle? Nous avons vu, l’un et l’autre, entrer dans
plusieurs bureaux de vote des chefs du village qui allaient librement dans le
bureau et parlaient aux uns et aux autres alors que l’accès à ces bureaux était
par ailleurs extrêmement règlementé et que normalement ils ne devaient pas y
pénétrer.

Là encore,
le vote massif pour tel ou tel parti dans la plupart des bureaux nous interroge
sur l’adéquation de ce type de scrutin.

En
conclusion:


• Ces
remarques veulent souligner que nous sommes conscients que beaucoup de choses
se sont jouées en amont ou à coté du seul déroulement du vote. Dans une des
CELI dans laquelle nous étions, il y a eu à un moment un affrontement dont nous
n’avons pas pu connaître l’objet. Tous les membres de la CELI sont alors
partis, hors de vue des observateurs, dans un bureau à coté pour discuter... ou
négocier?

Ils sont
ensuite revenus et ont repris l’enregistrement des résultats comme si de rien n’était.

Nous ne
pouvons jamais, de l’extérieur, observer que le dessus de l’iceberg et porter
un avis que sur le plan formel du déroulement du processus électoral.

Mais cela ne
reflète pas l’ensemble de ce qui se joue à ce moment là. C’est pourquoi nous
avons voulu faire part de cette conviction contradictoire qui nous habite au
retour de cette mission d’observation des élections législatives au Togo.

Tous les
observateurs ont déclaré que le processus a globalement été régulier.

(Il faudrait
d’ailleurs peut-être aussi s’interroger sur la marge réelle de liberté d’un
certain nombre d’observateurs, notamment ceux de l’Union Européenne qui a
énormément investi dans la réalisation de ces élections et qui attend de
pouvoir enfin reconnaître un pouvoir légitime au Togo pour reprendre la
coopération interrompue depuis plus de 10 ans ou ceux de certains pays, dont le
nôtre, quand on connaît en particulier le rôle et les propos de la France
notamment au moment de la mort d’Eyadéma père ou de la soi-disant élection de
son fils en 2005.)

Mais si nous
partageons l’avis des observateurs sur le déroulement formel de ces élections,
nous comprenons en même temps la profonde frustration que nous avons ressentie
chez tous ceux qui, notamment dans les rues de Lomé, se sentent dépossédés
d’une victoire qu’ils avaient tant espérée et qu’ils sont certains d’avoir
obtenue. C’est la première fois que tous les partis avaient accepté de
participer au scrutin et l’espoir était immense.

Nous avons
le sentiment paradoxal d’un scrutin juste et d’une fausse victoire!

Mais en même
temps nous pensons que la tenue de ces élections est un tournant fondamental et
incontournable pour l’histoire du peuple togolais.

L’avenir
démocratique de ce pays ne peut pas se jouer sans un passage aux urnes quelles
que soient les limites d’un tel mode de scrutin dans la réalité économique,
culturelle et politique dans laquelle il se trouve.

La réussite
du processus formel, dans le calme et avec la participation de tous est
extrêmement importante, un premier pas insuffisant et insatisfaisant mais
incontournable dans la marche vers la démocratie. Comme le recommande la CODEL,
dont est membre la CETA, dans la conclusion de son communiqué:

«Les
élections législatives du 14 octobre constituent sûrement une étape cruciale
dans la vie de la nation togolaise. Cela dit, elles ne sauraient à elles seules
résoudre les problèmes urgents auxquels le pays est confronté en matière de
gouvernance, de promotion de l’État de droit, de développement et de cohésion
nationale.»
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http://blogs.nouvelobs.com/brigitte/
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