Parlementaires: touche pas à mon régime spécial Par Rue89 19H48 02/10/2007
Oubli de taille dans la réforme des régimes de retraite annoncée par Xavier Bertrand: députés et sénateurs sont épargnés.Les heureux gagnants de la réforme des régimes spéciaux sont
désormais connus. Outre les marins et les mineurs, dont l'espérance de
vie est plus faible que les autres salariés, deux catégories vont
échapper aux fourches caudines du ministre du Travail: les députés et
les sénateurs!
Xavier Bertrand en personne s'est fendu d'un discours
mardi matin devant le Sénat, pour présenter sa grande réforme. Après
une dizaine de jours de concertation avec les syndicats, le ministre du
Travail a clairement annoncé la couleur. Ce sera une réforme par
décrets, avant la fin du mois de décembre. Explication du ministre:
"Les régimes spéciaux doivent faire face aux mêmes
enjeux démographiques et financiers qui ont conduit à ajuster les
paramètres des retraites des salariés du secteur privé, des
indépendants, des agriculteurs ou plus récemment des fonctionnaires."
Sont concernées, toutes les professions affiliées aux régimes
spéciaux: les cheminots de la SNCF, les conducteurs de la RATP, dont le
régime remonte à 1946, les gaziers, les électriciens ou encore les
employés de l'Opéra de Paris qui, eux, sont protégés par un régime
royal de 1698. En tout, souligne Xavier Bertrand, cela représente
"1 100 000 retraités pour 500 000 cotisants". Le bon équilibre de
l'ensemble représente pour l'Etat une dépense annuelle d'environ 5
milliards d'euros.
Une réforme en douceur, mais pas pour tout le mondeDans l'ensemble, les nouveaux régimes de ces professions seront
alignés sur le statut de la fonction publique: quarante ans de
cotisation, indexation des pensions sur les prix et non sur les
salaires et fin du système des "retraites-couperets", automatiques,
souvent à 50 ans. Tout cela, assure le ministre, se fera
progressivement...
"Ce ne sera pas une réforme-couperet, et une chose est
claire: nous n'harmoniserons pas les durées de cotisation du jour au
lendemain, pas plus que nous n'introduirons brutalement un mécanisme de
décote qui bouleverserait les projets de vie des agents de ces
entreprises. Nous ne l'avons pas fait pour les autres régimes, avec les
réformes précédentes de 1993 et 2003. Nous ne le ferons pas davantage
pour les régimes spéciaux."
Les députés et les sénateurs, eux, n'ont pas trop de souci à se
faire. Bénéficiaires d'un régime de retraites extrêmement avantageux où
une année cotisée égale deux années du régime normal, ils ont droit à
des retraites tout à fait confortables: 1500 euros pour un mandat, 3000
euros pour deux mandats.
Comme l'expliquent
nos confrères du Figaro, cela pouvait se justifier quand l'activité
était temporaire. Mais depuis que la politique est devenue un métier...
Sans compter que les fonctionnaires devenus parlementaires peuvent
continuer à cotiser pour les caisses de leur corps d'origine. Ou
comment se constituer une double retraite! A titre d'exemple, pour
2006, la caisse de retraite de l'Assemblée nationale à elle seule a
versé plus de 34 millions d'euros sous forme de pensions.
Or, les parlementaires sont les seuls à pouvoir modifier leur propre
système. Et ce, pour une raison simple: toute modification de ce régime
très spécial passe par un changement des règlements de l'Assemblée
nationale et du Sénat. La dernière réforme date de 2003, mais n'a fait
subir aucun changement profond à ce régime spécial. Et pour l'instant,
aucun autre projet de réforme n'est en cours dans les deux hémicycles.
Les députés pas choqués... quand ils connaissent leur statutEt visiblement, le gouvernement a oublié ce détail. Comme les
députés que nous avons interrogés qui, pour la plupart, ne connaissent
pas leur régime. Pourtant vice-président de l'Assemblée nationale, le
député PS Jean-Marie Le Guen avoue "ne pas connaître le dossier". Les
socialistes ne semblent pas particulièrement choqués: Manuel Valls
considère que "ce n'est pas les 800 parlementaires qui mettent en
danger le régime général des retraites" et Philippe Martin déplore
surtout que rien ne soit entrepris à l'encontre des "retraites chapeau
des grands patrons du CAC 40".
A droite, en revanche, on affiche de la bonne volonté: "Le régime
des parlementaires doit aussi passer à la moulinette", estime Yves
Jégo. Comme Nicolas Dupont-Aignan, pour qui "il ne doit pas y avoir de
privilèges dans notre République":
De leur côté, les syndicats ne sont pas très préoccupés par cette
question. "On est bien sûr pour une égalité entre les différents
régimes, souligne Christian Roche, le conseiller fédéral de la CGT sur
cette question, mais ça ne veut pas dire alignement par le bas. Nous,
on souhaite donner un socle de garanties commun pour tous les
salariés." Et la centrale syndicale de s'en prendre... aux
agriculteurs. Christian Roche:
"Les régimes spéciaux sont plutôt contributeurs au
système de retraite. Qui reçoit? Les régimes alignés, comme par exemple
celui des agriculteurs. Six milliards d'euros vont vers les exploitants
agricoles, alors que leur cotisation est très basse, c'est ce que dit
le dernier rapport de la Cour des comptes. Evidemment, politiquement,
c'est délicat."
Le 18 octobre, le gouvernement et Xavier Bertrand sauront s'ils ont
joué finement la partie. Cheminots, gaziers, électriciens et autres
bénéficiaires des régimes spéciaux sont appelés à faire une journée de
grève. Sans les fonctionnaires qui, eux, pourraient se mobiliser en
novembre.
Julien Martin et David Servenay
Mer 3 Oct - 8:34 par mihou