L’«Envoyé spécial de la Paix»
par Gilad Atzmon
29 juin 2007
traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
Quel grand jour, pour les convulsionnaires de la paix! Un nouvel
envoyé au Moyen-Orient vient d’être nommé auprès du Quartette, et
ce n’est autre que l’ex-Premier ministre britannique, Tony Blair. Blair,
ce même Blair qui a donné le feu vert aux Israéliens pour aplatir
Beyrouth. Blair, ce même Blair qui a déclenché une guerre illégale en
Irak. Blair, ce même Blair qui, d’après les Conventions de Genève,
doit être tenu personnellement responsable de plus de 700000
morts de civils en Irak, pour avoir été incapable de «protéger des
populations civiles contre certaines conséquences d’un conflit» [1].
Un homme susceptible d’être accusé de génocide, à La Haye. C’est
parfait: un homme qui devrait normalement terminer son existence
derrière des barreaux est en train de devenir un envoyé de paix…
Mais, après tout, ça n’est peut-être pas une mauvaise idée.
Apparemment, c’est son partenaire, à Washington, qui a manigancé
ça depuis le début. Il est tout à fait possible que dès lors que la paix
est en jeu, ce soient de fait les fomenteurs de guerres, les criminels
assoiffés de sang, les hommes ne connaissant ni merci ni
compassion qui soient à la hauteur. En fin de compte, un violeur en
sait sans doute plus sur les délits sexuels qu’un innocent juge de
province. Nous ne devons jamais oublier que pour Bush, y compris
Sharon, le massacreur en grand de Sabra et Chatila, était ni plus ni
moins qu’un «homme de paix».
Qui connaît le fin du fin, en de telles matières compliquées? Il est
tout à fait possible que Bush ait raison. Il se peut qu’avoir répandu
le sang en une telle quantité ait pu qualifier Blair pour être un faiseur
de paix. Pourtant, il y a là un petit problème. Juste une question
marginale à régler avant que Blair atterrisse dans les docks
internationaux de Gaza ou à l’héliport vibrant d’activité de Ramallah.
Le Hamas démocratiquement élu, le parti pour lequel le peuple
palestinien a voté, n’est pas réellement content du nouvel envoyé. Si
j’avaisl’occasion de lui parler, je lui dirais: «Voyez-vous, M. Blair, il
se trouve qu’aujourd’hui, c’est au Hamas que vous devez parler. Et
les Libanais, y avez-vous pensé, aux Libanais, M. Blair? Vont-ils
accueillir chez eux, à bras ouverts, l’homme qui, voici un an à peine,
a approuvé avec enthousiasme la destruction de l’infrastructure de
leur pays, de leur capitale et de leurs régions méridionales?»
«Aussi ai-je une petite suggestion à vous faire, M. Blair. Juste avant
que vous deveniez colombe, en passant, en route pour votre
première mission de paix, faites un petit détour par La Haye, et
prenez la file. Démontrez-nous, ainsi qu’à nos frères, dans la région,
que vous êtes véritablement un homme d’harmonie et de paix. Ne
vous faites pas de souci: vous avez toujours cru en ce que vous
faisiez. Vous avez toujours clamé que vous étiez persuadé que la
libération du peuple irakien était la meilleure chose à faire. Vous
croyiez, aussi, que la destruction de l’infrastructure du Liban
apporterait de la stabilité à la région. Vous pensiez que le fait de
rejeter le gouvernement palestinien démocratiquement élu était faire
preuve d’humanisme.»
Ne cédez pas, M. l’ex-Premier ministre; vous aurez toujours vos
deux plus proches amis à vos côtés. Vous allez sans doute faire
appel aux services de Lord Goldsmith pour mener vos combats
légaux. Il sera sûrement d’accord, le moment venu: n’est-ce pas lui
qui vous a donné l’approbation légale pour déclencher votre
«petiteguéguerre» illégale? Vous ne devriez pas avoir de soucis
d’argent, non plus. Lord Levy, votre financier n° 1 se chargera des
frais. Et puis, votre petit trafic au Nouveau Parti Travailliste, avec ces
aspirants à la pairie avançant de l’argent est désormais connu de
tous: il n’y a donc plus rien à craindre.»
Je suis persuadé que dès lors que notre bébé colombe adoré aura
été disculpé par la cour internationale de justice, il sera infiniment
plus efficace, comme faiseur de paix. Il pourrait même être le premier
à combler ce fossé qui sépare les ennemis, dans la région. C’est là
une opportunité que nous ne saurions laisser échapper, et même s’il
échouait, cela ne devrait pas trop nous tracasser, car Papa Bush
pourra toujours le nommer énième nouveau Premier ministre irakien.
Je ne pense absolument pas que Blair va nous manquer; en
revanche, nous allons nous en souvenir.
Une autre idée m’a traversé l’esprit, tandis que je rassemblais ces
mots que j’adresse à M. Blair: si c’est bien vrai qu’il soit
effectivement le nouvel Envoyé spécial de Paix au Moyen-Orient, je
voudrais postuler moi-même à un rôle qui me convienne: en ce qui
me concerne, j’aspire à devenir le Grand Rabbin de
Grande-Bretagne!
°°°°°
[1]: Convention de Genève – 2ème partie: Protection générale des
populations contre certaines conséquences d’un conflit, article 13.
Les attendus de la 2ème partie couvrent l’ensemble des populations
de pays en guerre, sans aucune distinction basée sur la race, la
nationalité, la religion ou l’opinion politique, et visent à alléger les
souffrances causées par la guerre.