La délocalisation touche maintenant les services - Quand les emplois s'exportent
AFP
Édition du mercredi 17 décembre 2003
Washington -- Les services américains délocalisent de plus en plus des emplois vers des pays à bas coût de main-d'oeuvre, tels que l'Inde, faisant craindre des jours sombres pour l'emploi aux États-Unis comme cela a été le cas pour l'industrie.
Un centre d’appels de Bangalore, en Inde. Les pays bénéficiant de la délocalisation des emplois seront ceux où la main-d’œuvre est aussi éduquée et où les salaires ne sont pas aussi élevés que dans les grands pays industrialisés, à savoir la Chine, le Mexique, les Philippines et surtout l’Inde.
Agence Reuters
Depuis quelques mois, les grands groupes de service américains, surtout technologiques, montent l'un après l'autre des plans de relocalisation d'emplois pour couper dans les coûts salariaux.
Le géant de l'informatique IBM compterait ainsi exporter quelque 4700 emplois d'informaticiens en Chine et en Inde notamment, selon un article paru lundi dans le Wall Street Journal, que le groupe s'est refusé à confirmer. Avant IBM, le numéro un du conseil, Accenture, avait annoncé le recrutement de plus de 5700 employés pour ses centres d'appels en Inde, et Google, l'ouverture prévue d'un centre de recherche et développement à Bangalore, la capitale technologique de l'Inde.
La délocalisation d'emplois n'est pas nouvelle aux États-Unis, mais elle concernait surtout le secteur manufacturier jusqu'à présent. On entend souvent à ce propos l'argument d'une évolution historique inéluctable qui transférerait la spécialisation industrielle à la Chine, par exemple.
«Pourquoi les choses devraient-elles être différentes pour les emplois qualifiés et les non qualifiés ? Cela fait partie de la transition rapide que nous connaissons vers une économie plus intégrée», assure John Challenger du cabinet de placement Challenger, Gray and Christmas.
Selon les projections du cabinet Forrester, le secteur des services aux États-Unis devrait délocaliser quelque 3,3 millions d'emplois dans les 15 prochaines années, représentant 136 milliards $US en salaires.
L'attrait de l'Inde
À une époque où le coût des télécommunications est en chute libre, la tentation est grande de transférer hors des frontières les emplois de conseil, de finance ou de maintenance téléphonique. Les pays bénéficiant de ce processus seront ceux où «la main-d'oeuvre est aussi éduquée et où les salaires ne sont pas aussi élevés que dans les grands pays industrialisés», souligne M. Challenger, à savoir la Chine, le Mexique, les Philippines et surtout l'Inde.
Fin novembre, le premier ministre indien, Atal Behari Vajpayee, se faisait l'avocat des délocalisations dans son pays en vantant l'accroissement de la rentabilité pour les entreprises et «la hausse des dividendes» versés aux actionnaires. Les entreprises de leur côté ne tarissent pas d'éloges envers ce pays qui produit le plus de diplômés de langue anglaise après les États-Unis. «Le plus gros avantage de l'Inde est le grand nombre de personnes qualifiées. L'Inde est une solution pour nos clients et cela va monter en puissance», assurait au début du mois un responsable d'Accenture, Martin Cole.
Cette tendance ne fait pas les affaires des salariés américains. D'abord parce qu'ils doivent parfois participer au processus de délocalisation. Selon le Wall Street Journal, les employés d'IBM devront eux-mêmes former leurs successeurs étrangers. Le même quotidien affirmait en novembre que l'opérateur téléphonique AT&T Wireless cherchait des volontaires parmi ses employés pour aller en Inde former des salariés, dans le cadre de la suppression de 10 % de ses effectifs.
Cela augure surtout d'heures sombres pour l'emploi américain. «Cela signifie moins de créations d'emplois. Même si l'économie se redresse rapidement, la croissance de l'emploi ne sera pas aussi forte que pendant l'expansion des années 1990», avertit M. Challenger.
Le chômage touche 5,9 % de la population active aux États-Unis, qui ont perdu 2,4 millions d'emplois depuis 2001, surtout dans le secteur de la fabrication.