Retour sur les enjeux autour de la Banque du Sud
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par
Éric ToussaintDeux tendances opposées sont à l’œuvre en Amérique latineD’une part, le gouvernement des
Etats-Unis et les pays de l’Union européenne réussissent à sceller avec
les pays de la région des accords bilatéraux de libre échange qui sont
favorables à leurs entreprises. Les privatisations massives des années
1980 et 1990 ont été mises à profit par celles-ci pour prendre le
contrôle d’un grand nombre de secteurs économiques vitaux pour le
développement. Les flux de capitaux vont de la région vers les pays les
plus industrialisés via le remboursement de la dette, le rapatriement
des profits des transnationales du Nord, la fuite des capitaux
organisée par les capitalistes latino-américains, la dette publique
interne est en forte augmentation, les conditions de vie stagnent et
les plus exploités s’appauvrissent un peu plus, même si certains
programmes d’assistance publique limitent les dégâts (Brésil,
Argentine, Venezuela, Equateur).
D’autre part, les nombreuses mobilisations populaires des dernières
années se traduisent par l’élection de gouvernements dont certains
cherchent à inverser le cours historique des trente dernières années et
à affronter la première tendance décrite plus haut en réinstaurant un
contrôle public sur les ressources naturelles du pays (Venezuela,
Bolivie, Equateur), sur d’autres secteurs clés de l’économie
(Venezuela) et en mettant en échec certains projets stratégiques des
Etats-Unis (échec de l’ALCA en novembre 2005 et difficulté de mise en
œuvre du Plan Colombie à cause de l’opposition du Venezuela, de
l’Equateur [1]
et de la Bolivie). Certains gouvernements entreprennent des réformes
sociales en menant une politique redistributive. Le Venezuela dès 1999,
la Bolivie depuis 2006 et bientôt l’Equateur ont entrepris une
modification de leur constitution dans un sens démocratique.
L’alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) réunit le
Venezuela, la Bolivie, Cuba, Haïti, le Nicaragua et, en tant
qu’observateur, l’Equateur.
La création d’une Banque du Sud projetée pour la fin 2007 est une pièce importante de cette contre-tendance.
Les préparatifs de la Banque du SudDepuis février 2007, l’Argentine et le
Venezuela, auxquels s’est associée la Bolivie, se sont mis d’accord
pour créer la Banque du Sud. A ces trois pays se sont ajoutés
rapidement l’Equateur, le Paraguay, et tout dernièrement,
officiellement depuis le 3 mai, le Brésil. Le texte qui était soumis à
discussion des ministres, avant que l’Equateur n’intervienne dans
l’élaboration avec une proposition originale, était daté du 29 mars et
constituait une proposition de l’Argentine et du Venezuela. La
proposition équatorienne a été élaborée par le ministre des Finances de
l’Equateur, Ricardo Patiño, et quatre membres de son cabinet, auxquels
étaient associés 3 étrangers, Jorge Marchini [2], Oscar Ugarteche [3]
et moi-même. Cette proposition, élaborée en une quinzaine d’heures les
27, 28, 29 avril, a été soumise le 30 avril au Président Correa par le
Ministre des Finances, accompagné de son cabinet et de moi-même. Le
Président Correa a ratifié cette proposition, qui a été immédiatement
envoyée aux représentants des autres pays. Le 3 mai, à Quito, la
réunion ministérielle, présidée par le Président de l’Equateur, a duré
de 4 à 5 heures. J’étais invité à faire partie de la délégation
équatorienne. Les autres pays étaient représentés par leur ministre des
Finances et, généralement, un ou une vice-ministre ou un membre de
cabinet.
Ce qui est en jeu maintenant c’est un
sommet présidentiel, qui se tiendra avant la fin du mois de juin tel
qu’il est écrit dans la Déclaration de Quito. Ce sommet adoptera un
texte qui définira ce qu’est la Banque du Sud et proclamera la création
définitive de cette institution.
Quelle orientation prônait le texte rédigé par l’Argentine et le Venezuela ?Le texte initial rédigé par l’Argentine
et le Venezuela est tout à fait surprenant et choquant parce que le
diagnostic de départ comprend des considérations tout à fait
compatibles avec la vision néolibérale, la vision de la Banque Mondiale
(BM), la vision de la pensée économique dominante, la vision de la
classe capitaliste, sur les causes des faiblesses de l’Amérique Latine.
Le texte met en évidence que c’est le faible développement des marchés
financiers qui serait la cause principale des problèmes de l’Amérique
Latine. Les considérants généraux précisent qu’il faut promouvoir la
constitution d’entreprises multinationales de capital régional, sans
préciser qu’elles doivent être publiques. Connaissant l’orientation de
l’Argentine, le fait qu’on ne précise pas qu’elles soient publiques
veut dire soit qu’elles sont privées, soit qu’elles sont mixtes.
Toujours dans les considérations générales, on dit qu’il s’agit de
promouvoir le développement des marchés de capitaux et des marchés
financiers régionaux.
Deuxième élément : le projet propose la création d’une Banque du Sud
qui aurait pour fonctions à la fois celles de Banque de Développement
et de Fonds Monétaire de Stabilisation. Un Fonds de Stabilisation
consiste en un organisme régional qui vient en aide aux pays de la
région lorsqu’ils sont soumis par exemple à des attaques spéculatives.
Pour faire face à ces attaques spéculatives, ils ont besoin de réserves
de changes importantes pour se protéger. Le projet commun
Argentine-Venezuela proposait un seul organisme qui s’appelle Banque du
Sud, et qui a pour fonction à la fois la Banque de Développement et de
Fond Monétaire. Il n’y a rien de choquant de ce point de vue là. Par
contre, ce qui est choquant, c’est que de nouveau on dit que la
fonction est de développer les marchés de capitaux, de favoriser
l’industrie, le développement de l’infrastructure, l’énergie, le
commerce. Dans ce projet, on ne met pas du tout en avant la protection
de l’environnement ou les politiques culturelles et éducatives. Vu le
diagnostic de départ, on peut craindre que les politiques
macro-économiques qui vont être recommandées restent dans la logique de
l’ajustement structurel, de politiques orthodoxes monétaristes. On dit
aussi que la Banque va s’endetter sur les marchés financiers.
Troisième élément important et choquant : la proposition de l’Argentine
et du Venezuela prévoit que le droit de vote sera fonction de l’apport
de chaque pays. Ainsi, si l’Argentine apporte trois fois plus que
l’Equateur ou le Paraguay, l’Argentine a trois fois plus de droit de
vote. On applique là la clé de répartition de droit de vote qui prévaut
à la BM, au FMI, à la BID (Banque Interaméricaine de Développement). On
applique donc un critère antidémocratique et on fait de cette
institution, au niveau de son fonctionnement, la réplique de ce que
l’on critique par ailleurs. Au niveau des membres, la proposition de
l’Argentine et du Venezuela laisse la possibilité à ce que des Etats
d’Afrique et d’Asie participent avec un statut d’observateurs à la
Banque. C’est positif car cela augmente la dimension du Sud. Mais, bien
que ce ne soit pas explicite, on peut penser qu’une place serait
également accordée à des institutions financières multilatérales. On
sait par ailleurs que, dans les discussions qui ont eu lieu en mars et
en avril 2007, certains membres de cabinet, notamment d’Argentine,
envisageaient que la BM et la BID soient actionnaires (sans droit de
vote), de la Banque du Sud. Le comble, c’est que la dernière partie, le
chapitre 8, « Immunité, Exemption et Privilège », est la reproduction
des statuts de la BM, du FMI et de la BID. Il est dit dans ce projet, à
l’article 42, que les archives sont inviolables, ce qui veut dire qu’il
n’y a pas d’audits possibles de la Banque du Sud. Il est également dit
que le personnel de la banque, directeurs, fonctionnaires et employés,
est exonéré d’impôt. Il est dit, à l’article 45 - là c’est un copier /
coller pur et simple des statuts de la BM et du FMI - qu’il y a
immunité totale par rapport aux procédures judiciaires et
administratives se rapportant à des actes portés par des fonctionnaires
dans le cadre de leur mission.
Ce projet est issu des réunions d’une
commission technique et aurait été l’unique projet soumis à la
discussion si l’Equateur n’avait pas décidé de produire lui-même une
proposition nouvelle. Le texte proposé par l’Argentine et le Venezuela
est tout à fait cohérent avec la politique qui domine l’orientation du
gouvernement Kirchner en Argentine, en revanche il est totalement
incohérent par rapport aux positions adoptées par le Venezuela. Une
explication plausible : les sherpas argentins et vénézueliens qui ont
rédigé ce texte sont des techniciens formés dans des universités
anglo-saxonnes, et sont favorables à l’économie dominante néolibérale.
On peut espérer que ce texte n’ait pas été réellement lu, approuvé et
assumé par la Présidence du Venezuela.
Par rapport à ce texte de l’Argentine et du Venezuela, que prévoit le projet présenté par l’Equateur ?L’Equateur propose trois instruments :
un Fonds Monétaire Régional, une Banque du Sud et la création d’une
unité monétaire du Sud. L’Equateur propose d’aller vers une monnaie de
l’Amérique de Sud qui permettrait aux pays d’échanger entre eux dans
leur monnaie alors qu’aujourd’hui les échanges entre pays de l’Amérique
latine se réalisent essentiellement en dollars. Ce troisième instrument
a tout de suite était accepté par l’Argentine, le Venezuela, le Brésil,
le Paraguay et la Bolivie.
Le texte proposé par l’Equateur
commence par des considérations générales importantes. La première
considération consiste à dire que les deux organismes, le Fonds
monétaire du Sud et la Banque du Sud, ou l’organisme unique s’il n’y a
qu’une Banque du Sud, doivent garantir l’application effective des
droits humains et doivent permettre l’application des accords et
critères et traités internationaux qui se réfèrent aux droits
économiques, sociaux et culturels. On voit tout de suite que dans
l’approche de l’Equateur n’est pas une approche commerciale ou
économiciste. C’est une approche en terme de droits humains. Il s’agit
de mettre en place des outils économiques qui doivent servir à garantir
l’application des droits humains fondamentaux. Dans les considérations,
on part également du constat que les politiques de type néolibéral de
la BM et du FMI, c’est dit implicitement, ont abouti à une aggravation
des conditions de vie d’une grande partie des populations, à une
augmentation des inégalités dans la distribution des revenus et des
richesses, une perte de contrôle des pays de la région sur leurs
ressources naturelles, à un renforcement de la tendance migratoire.
Face à cela, il faut mettre en pratique des politiques publiques pour
renforcer des structures publiques permettant aux pays de récupérer le
contrôle sur les ressources naturelles et leur appareil productif de la
région, dont une bonne partie est passée aux mains des transnationales
du Nord.
Quelles sont les autres propositions originales de l’Equateur en ce qui concerne la Banque du Sud ?Ce qui est important, c’est que ces
deux organismes ne doivent pas s’endetter sur les marchés de capitaux,
à la différence de la Banque Mondiale et de la BID. Il faut savoir que
la BM, qui s’endette sur les marchés de capitaux, justifie très souvent
la politique néolibérale qu’elle mène en disant qu’il est fondamental
de garder la mention AAA comme banque d’emprunt sur les marchés de
capitaux pour pouvoir emprunter au taux le plus bas. Si on veut mener
des politiques qui ne cherchent pas la rentabilité à tout prix, il ne
faut pas dépendre de cette notation. C’est pourquoi le capital de la
Banque du Sud, qui lui permet de faire des prêts, devrait provenir de
quatre sources : 1) d’un apport en capital des pays membres ; 2)
d’emprunts de la Banque auprès des pays membres (contrats qui ne
dépendent pas de bons émis sur les marchés de capitaux régionaux ou du
Nord) ; 3) d’impôts globaux communs, à savoir différents types de taxes
globales qui seraient appliquées par les pays membres et dont la
recette serait transmise à la Banque de Développement, comme une taxe
Tobin, une taxe sur les revenus rapatriés par les transnationales, une
taxe de protection de l’environnement, etc. ; 4) des dons. Si un Fonds
Monétaire du Sud était mis en place, il est prévu que l’argent dont il
disposerait pour venir en aide aux pays qui en ont besoin, est une
partie des réserves de chaque Etat membre mise à disposition du Fond en
cas de nécessité. Le Fonds peut faire appel en cas de besoin à 20% des
réserves de changes de tous les pays qui en sont membres. Par exemple,
la Bolivie est attaquée par des spéculateurs : immédiatement le Fonds
demande à la Banque Centrale du Brésil, de l’Argentine, du Venezuela,
du Paraguay et de l’Equateur de transférer, en quelques heures, 20% des
réserves pour utiliser cette somme pour défendre la Bolivie. Précision
importante : cela veut dire qu’on ne bloque pas des fonds en
permanence, on les réunit seulement en cas de nécessité.
Dim 27 Mai - 21:04 par Tite Prout