Le Figaro, no. 19221
Le Figaro Économie, lundi 22 mai 2006, p. 30
DÉCRYPTAGE
IDEES POUR DEMAIN
La fuite des cerveaux peut être une chance pour l'Afrique
Sixtine LEON DUFOUR
BLUFF OU PAS, le président sénégalais, Abdulaye Wade, affirmait récemment vouloir ramener les études de médecine au Sénégal de sept à cinq ans : « parce ce que ainsi la France ne pourra plus nous voler nos médecins ». Une réponse à l'immigration « choisie » prônée par le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy.
C'est à ce thème que s'est intéressé CAPafrique (Centre d'analyses et de proposition pour l'Afrique), un think-tank parrainé, entre autres, par Claude Bébéar de l'Institut Montaigne et spécialisé sur les questions africaines.
En insistant sur le fait que le secteur de la santé est particulièrement touché par la fuite des cerveaux, « pourtant d'une importance décisive en matière de développement », écrivent Matthieu Loitron et Michaël Cheylan. A cet égard, l'OMS (Organisation mondiale de la santé) précise que dans sa grande majorité, le continent n'atteint pas le taux recommandé de 1 médecin pour 5 000 habitants (il y en a 1 pour 300 en France). Probablement parce qu'un quart des médecins formés sur le continent travaille aujourd'hui dans l'OCDE...
HEC à Dakar
Ne dit-on pas, en effet, qu'il y a plus de médecins éthiopiens à Chicago qu'en Afrique ou de médecins béninois en France qu'au Bénin ?
Evidemment, si le « pillage des talents » continuait, le Continent s'en trouverait encore plus déstabilisé. Mais CAPafrique veut, aussi, y voir un levier pour le développement. « Les pays africains peuvent tirer de grands bénéfices du fait que leurs chercheurs, ingénieurs ou médecins se forment et travaillent de concert avec des spécialistes des pays du Nord », poursuit Matthieu Loitron. « C'est un atout et même, dans certains cas, une nécessité. » A une condition : que ces séjours au Nord d'un diplômé du Sud, servent in fine la cause du développement.
Pour ce faire, il importe que les établissements supérieurs français jouent un rôle clé dans la formation d'élites africaines en France « mais aussi en Afrique », à l'instar « d'HEC qui vient de s'implanter à Dakar. » Ensuite que les lois sur l'immigration soient ainsi faites qu'elles ne « suscitent plus la peur panique de ne pas pouvoir revenir en Europe en cas de retour temporaire au pays. »
Et enfin, de concentrer l'Aide publique au développement vers les secteurs qui pâtissent le plus de la fuite des cerveaux. Et non plus au financement d'hypothétiques projets pseudo-culturels, comme cela a été trop souvent vu.
Encadré(s) :
CAPafrique
- CAPafrique (Centre d'Analyse et de Proposition pour l'Afrique), parrainé par Claude Bébéar, président-fondateur de l'Institut Montaigne, est un think-tank qui réunit aujourd'hui une dizaine de chercheurs. Ils veulent notamment promouvoir et renouveler la réflexion sur l'Afrique et améliorer l'efficacité des politiques publiques sur ce sujet.