Les Echos, no. 19567
International, jeudi 22 décembre 2005, p. 6
Union européenne
La Commission européenne veut favoriser l'immigration économique légale
JACQUES DOCQUIERT
Bruxelles a présenté un plan d'action pour favoriser l'immigration économique légale dans l'Union européenne au moment où une pénurie de main-d'oeuvre menace la plupart des Etats membres.
L'évolution démographique de l'Europe risque de la priver de 20 millions de travailleurs entre 2010 et 2030. Pour affronter cette pénurie de main-d'oeuvre, le recours à une immigration économique légale accrue paraît inévitable. Elle est d'ailleurs déjà amorcée puisqu'en 2004 cette population a augmenté de 2,3 millions, pour représenter près de 4 % de la population totale des Vingt-Cinq.
Confrontée à ce phénomène, la Commission a présenté, hier, un « plan d'action » pour encadrer et organiser cette immigration légale en rappelant que les gouvernements resteront les seuls habilités à fixer le nombre d'immigrants autorisés à s'installer sur leur territoire et à organiser leur marché du travail. Ce programme, qui couvre la période 2006-2009, a fait l'objet d'une concertation avec les autorités nationales compétentes, les partenaires sociaux, les représentants des pays tiers concernés et de la société civile. Une audition publique a été organisée en juin dernier pour confronter leurs points de vue, Bruxelles concluant qu'une politique commune de l'immigration économique est souhaitée par la plupart des parties concernées même si certains pays, comme l'Allemagne, répugnent à confier de nouveaux pouvoirs à l'Union en ce domaine, où les décisions ne peuvent être adoptées qu'à l'unanimité.
Un véritable réseau
La Commission annonce une série de propositions législatives destinées à harmoniser les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins d'emploi. Une directive cadre fixerait les droits fondamentaux de ces travailleurs et quatre directives spécifiques préciseraient, pour les harmoniser, les conditions d'entrée et de séjour des travailleurs hautement qualifiés et aussi des travailleurs saisonniers, du personnel transféré au sein d'une entreprise et des stagiaires rémunérés.
Pour les travailleurs saisonniers, le commissaire responsable, Franco Frattini, a expliqué qu'il songeait à créer un document combiné faisant office de permis de séjour et de permis de travail permettant à son détenteur d'exercer, pendant quatre ou cinq ans, une activité saisonnière dans l'Union au lieu d'y rester illégalement.
L'exécutif communautaire souhaite par ailleurs mettre en place une série d'instruments non législatifs pour améliorer l'échange et la coordination des informations sur cette immigration économique en créant un véritable réseau européen des migrations légales qui aiderait à la fois les travailleurs concernés ainsi que les gouvernements et les entreprises qui les accueillent. Pour favoriser l'intégration de ces travailleurs et de leurs familles, Bruxelles entend encourager la création de dossiers d'information sur leurs droits ainsi que de cours de langue et d'instruction civique. Enfin, pour ne pas encourager une fuite des cerveaux redoutée par les pays d'origine, la Commission prévoit une coopération avec ces pays pour gérer ces flux migratoires dans l'intérêt de toutes les parties, notamment en encourageant les migrations circulaires, c'est-à-dire prévoyant au bout d'un certain temps un retour temporaire ou définitif dans le pays de départ et également des formations professionnelles et des cours de langue dans les pays d'origine, sous la responsabilité des autorités locales ou des ONG. « Cette immigration économique constitue, pour nous, un défi et une opportunité. Si nous nous dotons d'une politique cohérente, prévisible et efficace, nous pouvons le gagner », a expliqué Vladimir Spidla, le commissaire responsable de l'Emploi et des Affaires sociales.
JACQUES DOCQUIERT