Au moment où les canons se sont tus entre le mouvement Hezbollah et l’armée israélienne, des Guinéens languissent toujours dans des prisons où ils sont déténus depuis pour certains près de 2 ans. Leur odyssée est d'autant plus compliquée, que la Guinée n'ayant pas de relations diplomatiques avec l'Etat Hébreux, il n'y a aucune communication officielle entre les deux pays.

Quoique les jeunes guinéens affirment être bien traités par les autorités israéliennes, être en prison n'est pas une sinécure affirment t-ils.

Voici l'histoire d'un de ces jeunes que Guinéenews© a pu interroger depuis leur centre de détention pour étranger enIsraël .

« Je suis en prison en Israël avec au moins une centaine de Guinéens. Nous avons payé entre 4.500 et 5.000 dollars américains à des passeurs qui nous ont dit qu'en Israël, il y a beaucoup d'emplois, que nous pourrons gagner facilement jusqu'à 3.000 dollars par mois. Avec le chomage et la misère qui règnent en Guinée, l'offre était tentante. Après avoir consulté avec nos parents, nous avons décidé de vendre des biens immobiliers afin de financer le voyage.

L'intermédiare était un Monsieur du nom de Ousmane, qui se dit entrepreneur en batiment et qui possède une boutique à Soliprimo. Nous lui avons donné aussi deux millions de FG chacun afin qu'il puisse nous fournir un passeport. Chose qui fut faite et nous nous sommes embarqués le 22 janvier 2006 sur Casablanca avec la RAM. Du Maroc, nous sommes partis directement sur le Caire où nous attendaient des contacts: deux Guinéens dont un boiteux, qui se disait étudiant et qui répond au nom de Tahirou. Nous lui avons remis la deuxième tranche du passage qui était de 1.200 dollars chacun. Il nous a mis en contact téléphonique avec un Guinéen résident à Tel Aviv qui serait la personne qui devrait nous acceuillir en Israël.

Après quelques jours au Caire, nous avons été mis en contact avec des Arabes Bédouins nomades qui nous ont embarqués dans des minivans jusqu'au désert du Sinaï. C'est là que les problèmes ont commencé.

Nous avons marché une dizaine de jours, presque sans manger. Il faisait très chaud et nous n'étions pas habitués à cette chaleur qui dépassait les 50 degrés parfois. La nuit, il faisait un froid incroyable et nous n'étions pas protégés. Les Arabes et nous ne nous comprenions pas, car personne d'entre nous ne parlait arabe et eux non plus ne parlaient pas anglais. En plus, ils étaient armés de fusils automatiques et nous avions peur.

C'est au 10ème jour de marche, que nos "accompagnateurs" nous ont demandé de leur payer encore 1.400 dollars. Pourtant, ce n'était pas ça qui avait été convenu. Les Arabes ont menacé de nous abattre et de laisser nos corps dans le désert. Nous n'avions pas le choix. Nous avons marchandé et finalement nous leur avons donné 1.000 dollars chacun.

Dans la nuit du 22 au 23 janvier 2006, nous nous sommes retrouvés dans une base militaire israélienne en pleine nuit. Des balles de sommation furent lancées par les soldats israéliens, car ils nous prenaient pour des terroristes palestiniens. Ça tirait de toutes part et instinctivement nous nous sommes couchés à terre ce qui a du sauver notre vie. Une illumination de fusées tirées par les soldats éclaira toute la zone comme en plein jour. Ça criait en arabe, en hébreux et en anglais. Nous pensions que notre fin était venue. Nous pleurions tous.

Après interrogatoire, les militaires nous ont transmis aux services de l'immigration qui nous ont mis en détention dans les prisons de Bershevat et pour les mineurs dans la prison pour enfant de Jo'ar. Parmis nous, se trouvent des mineurs de 15 ans. Depuis 9 mois, nous sommes dans ces prisons. Généralement, nous sommes bien traités par les Israéliens. Nous avons la télévision, Internet, le téléphone portable. Nous recevons 3 copieux repas par jour. Les autorités israéliennes nous disent que comme il n'y a pas de relations diplomatiques entre la Guinée et l'Israël, ils ne peuvent nous ramener dans notre pays. Une ONG israéliene Migration Internationale s'est penchée sur notre sort et nous rend visite parfois. Ils nous ont proposé d'entamer des démarches pour nous faire rappatrier en Egypte comme c'est de là bas que nous sommes venus. Mais personne ne veut retourner chez les Arabes en Egypte après ce qui s'est passé. Dans la prison de Ramlit où je suis il y a 32 Guinéens sur les deux étages de notre aile. Il y a aussi des Soudanais, des Russes et des Slovaques».

En janvier 2006, le quotidien israélien Haaretz avait rapporté qu'une partie des jeunes mineurs guinéens avaient fait une grève de la faim pour exiger leur rapatriement en Guinée.

Guinéenews© n'a pu joindre les présumés passeurs au numéro de téléphone donné par les jeunes Guinéens. Quand au ministre des Affaires Etrangères interrogés il y a peu par Guinéenews© sur l'épineuse question de l'immigration, Mamadi Condé avait déclaré: « le problème de l’immigration n’est pas que guinéen seulement. C’est plutôt une question d’actualité qui préoccupe le monde entier».

La crise économique et la mauvaise gouvernance poussent de plus en plus des Guinéens à tenter l'émigration avec parfois des conséquences dramatiques. Plusieurs Guinéens seraient morts dans les pirogues d'embarcations qu'ils ont emprunté pour se rendre sur les Îles Canaries depuis le Sénégal. Pour pallier cette tragédie, tout récemment, la Guinée et l'Espagne ont étudié « les modalités et dispositifs de rapatriement» de 200 immigrants guinéens parvenus de « façon illégale» dans l'archipel des Canaries. Cette concertation a eu lieu en marge d'une « visite de travail » éclaire à Conakry du ministre espagnol des Affaires Etrangères et de la coopération qui a offert en outre au gouvernement une aide de plusieurs millions d'euros.

Pour tous les observateurs, un pays aussi riche que la Guinée ne devrait pas être un pays d'émigration et le consensus est qu'avec une bonne gouvernance, les Guinéens auraient pu faire de leur pays le phare économique de l'Afrique de l'Ouest.


Guinéenews
http://www.guineenews.org/articles/article.asp?num=2006102663733