Les forces spéciales israéliennes se tiennent « fin prêtes ».
Par Chris Floyd, Moscow Times, 16 décembre 2005.
Nous le savons désormais : l’Iran sera la prochaine proie des flammes. Le coup sera porté par personne interposée, ce qui ne mettra pas les vrais responsables à l’abri de la tempête de feu qui s’ensuivra : représailles et conséquences imprévues. Déjà, à l’heure qu’il est, la mort épouvantable de nombreux innocents de différentes nationalités est en gestation.
C’est le 27 octobre que le Rubicon de ce nouveau conflit a été franchi. Étrangement, pour cette résurgence de l’ancienne inimitié des héritiers d’Athènes et de la Perse, l’événement décisif a eu lieu à la limite du cercle arctique, au Cosmodrome de Plesetsk ; c’est de là qu’une fusée russe a mis sur orbite un satellite-espion iranien, le Sinah-1. [2] Ce lancement, qui est passé quasiment inaperçu sur le moment, a hâté l’instant de l’inévitable frappe des installations nucléaires iraniennes : d’après le Sunday Times, Israël se prépare actuellement à une attaque qui aura lieu au plus tard fin mars.
Le Premier ministre Ariel Sharon, sur le pied de guerre, a ordonné aux forces spéciales de se tenir « fin prêtes » à attaquer. Cependant que le projet iranien d’enrichissement d’uranium - qui permettra à ce pays de se doter de l’arme nucléaire - est le facteur clé, le nouveau programme spatial iranien constitue aux yeux de Sharon « un point de non-retour » et motive la planification actuelle de l’attaque. Le Sinah-1 n’est que le premier d’une série de satellites que les Russes s’apprêtent à lancer au cours des prochains mois.
Les Iraniens disposeront donc bientôt d’un réseau satellitaire qui pourra les avertir d’une attaque israélienne, bien que ses capacités techniques ne semblent bien pâles comparées à celles des satellites espions israéliens et américains capables de détecter le moindre remous dans la barbe d’un mollah de Téhéran. Qui plus est, fin novembre, la Russie a signé un contrat d’un milliard de dollars par lequel elle s’engage à vendre à l’Iran un système de défense moderne, à même de détruire les missiles guidés et les BGL [3], affirme le Sunday Times. Il sera également opérationnel dans quelques mois.
Il existe bien entendu un autre « facteur d’accélération » : les prochaines élections israéliennes, prévues le 28 mars. Sharon, qui a quitté le Likoud pour fonder son propre parti basé sur le culte de la personnalité, va se trouver face à un électorat récalcitrant, avec d’anciens camarades de parti disposés à garantir une attaque des installations nucléaires iraniennes si Sharon est trop « faible » pour agir avant les élections. Il est possible qu’il prenne cette décision fédératrice - qui de plus lui épargnerait ce coup de la droite - et attaque Téhéran. Sans doute, cette action serait bien reçue par les Israéliens, tout le monde étant d’accord sur ce point : on ne peut pas permettre aux Iraniens de se doter d’armes nucléaires dont les Israéliens sont eux-mêmes abondamment pourvus.
Elle serait aussi bien reçue par Washington. Seul un idiot peut s’imaginer que les idiots du régime Bush, prêts à faire couler le sang pour s’assurer la totale domination du Proche-Orient, ont renoncé à leur ambition sous prétexte que la situation en Irak est partie en capilotade entre leurs mains. Pour ces machinateurs, l’Irak n’a représenté qu’un moyen de se rapprocher du « lointain ennemi », l’Iran. Manifestement, ils se sont servis de Saddam lui-même pendant des années, comme d’une arme utile pour matraquer les Iraniens, jusqu’à ce qu’il commette une erreur fatale en s’en prenant aux vieux partenaires de business de la famille Bush, la famille royale koweitienne. Le meurtre, la torture et les hostilités sont toujours les bienvenus lorsqu’ils servent les élites qui détiennent le pouvoir à Washington, mais les bravades sont interdites.
La bravade de Saddam n’a duré que quelques mois avant que la première Guerre du Golfe ne rabaisse sa superbe, en revanche voici 25 ans que l’Iran fait des pieds de nez à Washington. Pour les accros au pouvoir des rives du Potomac, l’Iran n’a jamais été puni comme il aurait fallu après avoir viré le shah et s’être emparé de l’ambassade américaine de Téhéran. Les 600 000 Iraniens qui ont été tués par l’armée de Saddam, soutenue par les Américains, ne sont pas pris en compte dans ce calcul sordide : le régime de Téhéran est toujours debout et ne s’est jamais repenti de ses actes. Oui, ces choses-là comptent aux yeux de ces gens qui, pour cacher leur incompétence et pour se donner plus d’importance en identifiant leur propre psyché à une entité de masse abstraite - la nation, le volk, l’oumma, la tribu etc. À l’instar d’Osama, qui n’a jamais pardonné les Croisades, les partisans de Bush sont prêts à envoyer des innocents à la mort pour apaiser le traumatisme des « humiliations ».
La folie endémique de l’humanité joue un rôle dans cette affaire. Mais la vraie motivation des partisans de Bush est... ce qui les motive. L’Iran-même n’est en fait qu’un moyen pour se rapprocher du but ultime : mettre les vannes du pétrole du Proche-Orient et de l’Asie Centrale entre les mains de marionnettes de l’Amérique, afin de freiner l’ascension politique de la Chine et de l’Inde et de s’assurer de l’avènement d’une « nouvelle ère américaine » [4] de profits et privilèges inébranlables. Qui en bénéficierait ? L’élite, comme d’habitude. Les citoyens américains, ces pigeons, ne retireront rien de ces petits jeux géopolitiques, seulement le droit de payer les factures et de réceptionner les sacs à viande.
Un Iran détenteur de l’arme nucléaire se dresserait en travers de cette glorieuse route dorée tel un rempart persan ; il est donc urgent d’en démolir les échafaudages avant que les parois n’en soient achevées. Le régime Bush mène déjà à l’Iran une guerre « de faible intensité », en manipulant le groupe moudjahidin terroriste el-Khalq qui recherche des cibles potentielles et commet des attentats à la bombe, apprend-on dans Common Dreams [5]. Le MEK est une étrange secte militariste iranienne qui assassinait autrefois des représentants du gouvernement des États-Unis, puis qui avait conclu une alliance avec Saddam pendant la guerre Irak-Iran (1980-1988). Par la suite, ils continuèrent à travailler pour Saddam, lui servant d’hommes de main pour réprimer brutalement les Chiites et les Kurdes ; la cruauté de leurs tortures était légendaire. Ce qui n’a pas empêché Bush de louer les services de ces terroristes saddamistes, apprend-on dans Newsweek.
Avec l’intraitable président Mahmoud Ahmadinejad - encore un pignouf sur mesure, prêt pour la diabolisation - comme représentant d’un régime haïssable, Bush et Sharon n’auront pas de mal à déclencher la frénésie guerrière nécessaire à l’attaque. Au cours des quelques mois à venir, nous allons assister à la comédie « diplomatique » habituelle, tandis que l’on peaufinera les préparatifs militaires. Mais l’incendie menace ; l’on entend déjà les gémissements de mort de l’avenir.
Chris Floyd
- Voir les notes [6]
- Source : Globalresearch.ca, 20 décembre 2005.
www.globalresearch.ca