Israël face à ses contradictions

lundi 7 août 2006 , par Milton Dassier








En détruisant à l’aveugle une démocratie renaissante, en échouant à mettre un terme aux actions du hezbollah, Israel est en train de mettre à bas toute la rhétorique néoconservatrice.

Quand on lit et regarde les articles et reportages sur le conflit, on s’étonne de la façon dont on néglige l’arrière-plan historique : le Liban a subi une occupation de son territoire par l’armée israélienne et ses mercenaires de l’armée du Liban Sud (ALS) jusqu’en l’an 2000 avant d’en être chassé par le Hezbollah. En diabolisant le Hezbollah comme groupe terroriste, on cherche à duper l’opinion publique internationale.

Le Liban est un pays "laboratoire", une démocratie exemplaire où cohabitent plus de 15 communautés religieuses, ethniques et culturelles différentes dans une certaine harmonie et un équilibre très fragile. Ce sont les puissances étrangères qui, à chaque fois, ont mis à mal cette tendance naturelle vers la démocratie, la concorde et la prospérité du peuple libanais.
L’attaque israélienne était prévue depuis longtemps

Les faucons israéliens ont gagné la bataille politique en Israël, ils ont convaincu l’opinion publique israélienne que le hezbollah constituait une menace importante pour Israël et ainsi montré la fragilité de l’état hébreu. Leur raisonnement est simple : le hezbollah a des armes de destruction qui par leur nombre pourraient atteindre des infrastructures indispensables à Israël : complexes pétrochimiques, bases militaires, fabriques d’armement, routes, ports, télécommunications et le rendre vulnérable. Avec les déclarations bellicistes du président iranien, les israéliens se voyaient prochainement dans l’oeil du cyclone de la guerre subie à leurs portes. Ils ont donc mené une guerre choisie, préventive et punitive.
Une guerre préventive et punitive

Les intentions et les motivations d’Isarël sont maintenant lisibles :

- Prévenir tout conflit, toute attaque d’envergure de la part d’une armée de franc-tireurs de plus en plus forte, de mieux en mieux armée ;

- prévenir et avertir les puissances comme la Syrie et l’Iran qu’Israel ne reculera devant aucun scrupule, devant aucune considération morale pour mener, le cas échant, une guerre totale.

- Punir le Liban et son peuple d’être arabe et donc solidaire des actions d’une partie de lui-même : le Hezbollah. Un Hezbollah classé comme organisation terroriste mais qui possède un groupe important de députés au parlement libanais et deux ministres dans le gouvernement !

- Obtenir une victoire rapide pour rassembler une opinion publique qui doute de plus en plus de la politique néosioniste après la mort d’Arafat et l’arrivée au pouvoir du Hamas, la restitution des colonies de la bande de Gaza et la construction du mur.

Israël se comporte comme un état voyou, on frappe, on fait le plus mal possible et on discute ensuite en argumentant et en justifiant l’inacceptable grâce à la rhétorique américaine de légitime défense, de lutte contre le terrorisme, de lutte contre le fascisme islamique, de défense des valeurs occidentales et de choc des civilisations.
Une mayonnaise qui ne prend plus

Malgré le silence, la désinformation, les accusations d’antisémitisme, la bienveillance de certains médias, la poule aux oeufs d’or de la lutte contre le terrorisme ne pond plus que la haine, la destruction et l’anéantissement de peuples et de pays.

La lutte contre ce qu’on appelle le terrorisme perd ainsi toute sa cohérence.

En effet comment peut-on faire croire que le hezbollah ne serait pas une armée de franc-tireurs, de maquisards se battant pour leur pays ? Même si les relations entre les chiites libanais et l’Iran ne sont un mystère pour personne, on oublie de dire que cette amitié date de plusieurs siècles, qu’elle ne repose pas seulement sur une convergence d’intérêts de circonstance mais sur une relation profonde et historique.

En 1941, les résistants français se virent affublés de la qualification de terroristes par les nazis et leurs complices de l’extrême-droite française au pouvoir à Vichy. Les résistants aussi, étaient armés par des puissances étrangères qui, d’une certaine façon les instrumentalisaient tout en cautionnant moralement leurs combats.

J’ai du mal à croire qu’un groupe de terroristes, comme ils disent, serait capable de tenir tête à une armée suréquipée, surentraînée, inspirée par une idéologie nationaliste radicale, le sionisme, et soutenue par les USA sur le plan logistique.

J’ai du mal à croire que les actions d’un groupe terroriste reçoivent le soutien d’une très grande partie de la population libanaise qui a déjà subi des années de guerre civile et d’attentats terroristes tous azimuth sans oublier la soumission à la Syrie et l’invasion israélienne des années 80-90.

Comment imaginer que Tsahal, l’armée d’Israel ne soit pas une armée impériale au service d’un état colonial ? Même s’il y a des voix qui s’émeuvent en Israël, la tendance actuelle là-bas est bien au bellicisme, à la névrose agressive censée soulager des années d’intifada. Enfin un véritable ennemi, enfin une véritable guerre qui canalisera des années de frustrations, des années d’échecs pendant lesquelles les principes démocratiques, les idéaux d’humanité, de paix et de prospérité ont volé peu à peu en éclat au fur et à mesure du désespoir palestinien.
Le sketch décrié de Dieudonné : visionnaire

Le sketch de Dieudonné à l’émission de Fogiel était donc prémonitoire. L’axe du bien US-Israel, le salut fasciste, cet ultra-nationalisme que l’on croyait limité à des colons illuminés et fanatiques, ceux chez qui on avait recruté celui qui tua Rabin, le premier ministre israélien qui avait signé les accords de paix d’Oslo. Tout cela résonne comme une vision proche de la situation actuelle. Vous ne croyez pas ? Le sketch rappelait tranquillement mais fermement qu’Israël abritait en son sein des faucons et des fanatiques capables du mal au nom de la prétendue lutte contre l’axe du mal et non des anges du bien comme on tente de nous le faire avaler. Dieudonné avait simplement repris les concepts dont on nous gave (axe du mal, lutte contre le terrorisme) pour les détourner et en montrer la stupidité.

Dieudonné en avait pris plein la gueule, les milices d’extrême-droite (LDJ, Betar), les associations sionistes, des juristes et même le gouvernement français (Perben, Raffarin) avaient cautionné son lynchage. On avait parlé d’antisémitisme, on s’était scandalisé de cette assimilation du peuple d’Israël à cette caricature pourtant bien présente et qui gagne des points aujourd’hui jusqu’à envahir une très grande partie de l’opinion publique israélienne.

Dieudonné avait visé juste et son sketch retentit plutôt désormais comme une anticipation. Le chantage à l’antisémitisme, poison mortel de l’esprit critique, continue de plus belle mais tout comme la guerre d’Israël au Liban, il se révèle un échec notamment sur le plan judiciaire (Dieudonné, Edgar Morin). Certains médias font très attention désormais que tout soit lisse et plat à l’antenne concernant ce qui pourrait apparaître comme "potentiellement antisémite", audimat et vente d’écrans de pub oblige.. On est dans une dialectique qui donne ceci : Etre antisémite c’est être mauvais, donc appartenir au royaume du mal. Etre sioniste, c’est à l’opposé, défendre l’état juif, donc être du côté du bien..

Le public fait mine de croire ce qu’on lui dit mais au fond, il comprend bien qu’un bonhomme comme Dieudonné se voit reprocher finalement de ne pas jouer la partition politiquement correcte du show-biz et ne fait que se servir de sa liberté d’expression. Et en plus, il fait rire !
Le mensonge comme arme de destruction massive

On se plaint d’un traitement partisan de l’information en France à propos de ce qui se passe au Liban. Des journalistes et reporters qui font bien attention de nous rapporter les souffrances des israéliens face aux attaques du Hezbollah. Par la même occasion, insidieusement et peut-être malgré eux, ils nous font découvrir les faiblesses, les dysfonctionnements de la "démocratie sioniste" :

- traitement inégal dans les secours et la sécurité civile des arabes israéliens,

- mensonges révélés de la propagande militaire,

- non respect des conventions internationales sur l’utilisation de certaines armes et sur les actions contre les civils libanais,

- bavures en tout genre,

- propos racistes dans la presse isrélienne,

- mensonges à la communauté internationale.

Exemple d’un de ces mensonges et pas des moindres : il est révélé aujourd’hui que, lors d’une visite de Condoleeza Rice à la ministre des affaires étrangères israélienne, le bombardement de Canaa qui venait d’avoir lieu lui fut caché et qu’elle ne l’apprit que quelques heures plus tard par un de ses conseillers une fois la visite terminée.

Les USA ont donc eu recours à l’ONU, histoire de gagner du temps et ainsi donner quelques jours à Israël pour finir de passer le karcher..
Sarkozy : à l’insu de son plein gré

Le ministre de la police de la république française, ce néo-sionniste et néocon s’est rangé sur les positions de Bush au début de l’attaque israélienne mais reste bien silencieux depuis, surtout après les félicitations publiques du premier ministre israélien.

Beaucoup de franco-libanais, beaucoup de français, y compris à droite, comprennent désormais le danger qu’il y a à suivre cet homme-là qui s’abstient de soutenir l’action de la diplomatie de son propre gouvernement, se permet de prendre parti au nom d’intérêts partisans et personnels alors que son gouvernement joue une carte de conciliateur qui exclut toute préférence affichée.

En agissant ainsi, en foulant aux pieds les résolutions et les initiatives de son gouvernement, en se montrant aussi partisan et aligné sur les positions néosionnistes et bushiennes, Sarkozy a montré son absence de vision politique et perdu ainsi toute crédibilité.

En cas d’échec en 2007, il aura toujours la possibilité de débarquer à Tel-Aviv et demander l’asile politique. Nous sommes rassurés pour lui !