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 Leurres du Nouveau partenariat pour l’Afrique

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zapimax
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zapimax


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16062005
MessageLeurres du Nouveau partenariat pour l’Afrique

Leurres du Nouveau partenariat pour l’Afrique


Gouvernance pour une Afrique en marche… Le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), qui constitue désormais l’alpha et l’oméga de toute décision sur le continent, ne fait qu’accentuer les dérives anciennes.



Par Tom Amadou Seck
Economiste sénégalais, auteur de La Banque mondiale et l’Afrique de l’Ouest. L’exemple du Sénégal, Publisud, Paris, 1997.


Adopté par l’Union africaine, à Lusaka (Zambie), en juillet 2001, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) prétend définir la stratégie des 53 pays d’Afrique face à la mondialisation pour les prochaines décennies. Devenu la référence obligée de tous les discours sur l’essor économique du continent noir, ce plan a été conçu par cinq « poids lourds » de la politique africaine – les présidents Thabo Mbeki (Afrique du Sud), Olusegun Obasanjo (Nigeria), Abdelaziz Bouteflika (Algérie), Hosni Moubarak (Egypte), Abdoulaye Wade (Sénégal) – et a reçu le soutien formel du G8 aux sommets de Kananaskis, au Canada, en 2002, et d’Evian en 2003. Malgré les pronostics enthousiastes de ses promoteurs, le Nepad repose sur un certain nombre d’erreurs stratégiques qui permettent de douter de son efficacité.

En « partenariat » avec les institutions économiques et financières internationales – Fonds monétaire international (FMI), Banque mondiale, Organisation mondiale du commerce (OMC) –, ce énième plan de développement ambitionne d’atteindre des taux de croissance annuelle de 7 % durant les quinze premières années et de diminuer la pauvreté de moitié d’ici à 2015. Louable, cette ambition paraît difficilement réalisable, en raison, d’une part, des faiblesses de financement du Nepad et, d’autre part, de son incapacité à sortir du carcan des politiques néolibérales.

Ce sont principalement les investissements directs étrangers (IDE) qui doivent en assurer le financement. Or l’Afrique ne reçoit que 1 % des flux mondiaux d’IDE, à savoir 17 milliards de dollars en 2001, contre 10 % pour l’Amérique latine et 20 % pour l’Asie. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), cette faiblesse est due à un environnement économique, juridique et judiciaire « peu attractif » : instabilité politique, guerres civiles, absence de transparence institutionnelle et relations contractuelles peu développées. Le soutien financier ne pourra pas non plus provenir de l’aide publique au développement, en baisse très sensible depuis plusieurs années (1). En outre, l’accompagnement financier annoncé par le G8 est resté lettre morte.

Le réalisme serait donc de se tourner vers les financements Sud-Sud (Afrique du Sud, pays pétroliers et asiatiques) et l’épargne locale. Mais 40 % de cette épargne sont placés à l’extérieur de l’Afrique, alors que pour l’Asie cette fuite des capitaux n’est que de 3 % – 17 % pour l’Amérique latine. Les profits réalisés par les entreprises africaines ou occidentales sur le continent sont investis au Nord. En conséquence, il serait nécessaire de sécuriser l’épargne intérieure et de freiner cet exode des capitaux : mise en place des institutions soutenant le crédit à long terme (banques d’investissement), financement décentralisé pour les petites, moyennes et micro entreprises (secteur informel ou économie populaire) et pour l’agriculture familiale.

Selon certaines études, si l’Afrique réduisait la fuite des capitaux dans la même proportion que l’Asie, son stock de capital augmenterait de 50 % (2). En définitive, le développement se finance par l’épargne locale, puis seulement par les IDE. L’aide publique au développement accompagne le processus et non l’inverse. Selon la Cnuced, ce sont les investissements publics qui « tirent » les investissements privés, ces derniers ne se plaçant pas spontanément dans un pays ou une région (3). Ce constat n’est pas pris en compte par le Nepad.

Le Nepad définit des priorités d’action : infrastructures, énergie (hydroélectrique, solaire...), nouvelles technologies de l’information et de la communication, accès des exportations africaines aux marchés des pays développés, agriculture, santé (lutte contre les grandes endémies), ressources humaines. Cependant, ces objectifs risquent de demeurer hors de portée dans la mesure où le Nepad ne rompt pas avec les prescriptions néolibérales des institutions de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale), de l’OMC et de l’Union européenne (accords de Cotonou) (4). Il ne constitue pas un projet de société pour le continent. Sa grande faiblesse théorique est de n’avoir pas effectué une critique pertinente des plans d’ajustement structurel (PAS) mis en œuvre à partir des années 1980, et de reprendre, malgré leur échec consommé, les principes économiques appliqués depuis vingt ans : privatisations, intégration au marché mondial, suppression des protections douanières, libéralisation de tous les secteurs de l’économie (5).

Or, non seulement ces politiques n’ont pas apporté les résultats économiques escomptés, mais elles détruisent le tissu social, déjà fragile, des pays concernés. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), entre 1990 et 2002, le revenu par habitant a baissé chaque année de 0,4 % et le nombre de pauvres a augmenté de 74 millions par an (6). En effet, les PAS ont imposé la réduction des investissements publics servant à consolider les infrastructures de base, et soutenu en particulier la privatisation de certains secteurs vitaux comme l’eau, l’énergie ou l’éducation.

L’ensemble de ces infrastructures, nécessaires à la survie ou au bien-être des populations, s’est délabré, tandis que les entreprises, souvent occidentales, qui en devenaient propriétaires faisaient de substantiels profits (7). Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « l’Afrique subsaharienne devrait être la seule région du monde où le nombre de pauvres continuera à augmenter d’ici à 2015, et donc la seule région où les objectifs de développement fixés à l’occasion du millénaire ne seront certainement pas atteints ». En conséquence, la croissance recherchée par le Nepad ne peut être crédible et bénéfique que si elle est tournée vers les besoins fondamentaux des populations.

Au lieu de se consacrer à ces besoins vitaux, le Nepad donne la priorité aux grandes infrastructures de prestige (interconnexion de routes régionales et continentales, grands réseaux de télécommunications, etc.), qui, en outre, renforcent la dépendance technologique et financière (difficultés d’entretien, d’exploitation...) vis-à-vis des entreprises multinationales des pays développés. Cette politique ne favorise pas la promotion des petites et moyennes entreprises (PME) et surtout des microentreprises du secteur informel qui constituent l’essentiel du tissu économique des pays africains. Ces entreprises ont créé la grande majorité des emplois depuis vingt-cinq ans.

Au Sénégal, par exemple, dénotant la démission de l’Etat vis-à-vis de ses missions de service public, l’économie populaire (dite « informelle ») et l’agriculture familiale contribuent pour plus de 51 % du produit intérieur brut (PIB). Pour M. Adama Sow, consultant sénégalais, « ce n’est pas l’informel qu’il faut réformer, mais l’Etat... Ce dernier sera attractif lorsque les impôts seront employés à construire des écoles et des hôpitaux », et non pas à servir les intérêts de la classe dirigeante. Ces dérives de l’Etat patrimonial ne sont pas suffisamment prises en compte par le Nepad.

En outre, le Nouveau partenariat favorise une agriculture entrepreneuriale et intensive. Or, au Sahel, c’est la recherche de la sécurité alimentaire, reposant sur la valorisation de la petite agriculture familiale, qui peut permettre de lutter contre la pauvreté et l’exode rural. Appuyée sur la grande propriété (avec irrigation), l’agriculture capitaliste est surtout développée en Afrique australe, en particulier en Afrique du Sud et au Kenya. Elle paraît inadaptée aux autres régions du continent, car nécessitant l’usage d’un machinisme agricole qui fragilisera encore davantage l’emploi et le tissu social de ces régions.

Les conséquences de ce type d’agriculture sont la disparition de la propriété foncière collective, la course aux rendements, le recours aux engrais chimiques et l’endettement. Une révolution « verte » (révolution technologique, cultures attelées, intensification...) suivie d’une réforme agraire authentique n’est pas envisagée par le Nepad. Il serait plus judicieux de mettre en place une réforme agraire fondée sur l’équité et une juste indemnisation (et non sur l’expropriation-sanction comme c’est le cas au Zimbabwe). C’est une des priorités pour lutter contre les famines et la dépendance alimentaire du continent.

Le Nepad se présente comme un partenariat avec les pays du G8 et les institutions multilatérales (Banque mondiale, FMI, OMC). Pour « rassurer » ces institutions et les investisseurs, une « institution de surveillance mutuelle des pairs » a été mise en place. Ce mécanisme consiste à soumettre chaque pays à l’examen, par les autres pays, de ses performances, concernant le respect de certains principes de « bonne gestion » de la chose publique : droits humains, indépendance des institutions judiciaires, lutte contre la corruption, économie de marché, en un mot « bonne gouvernance » (Cool. Seuls 15 pays sur 53 ont accepté de se plier à l’exercice ; ce sont ceux qui ont connu une alternance démocratique récente, comme le Sénégal, le Ghana, le Nigeria, le Kenya, l’Afrique du Sud. S’il présente l’avantage de mobiliser des contrôles « africains », ne risque-t-il pas d’accroître la soumission idéologique du continent aux principes néolibéraux ? En outre, reposant sur un volontariat peu vraisemblable, ce mécanisme manque par nature de crédibilité.

D’où la nécessité de contre-pouvoirs venant de la société civile, expression des sans-voix. Or la conception du Nepad demeure technocratique. Dans le communiqué final de leurs rencontres régionales consacrées à ce plan, en février 2003, à Dakar (9), les associations de 15 pays d’Afrique de l’Ouest « regrettent de n’avoir pas été associées au processus de la conception, de la mise en œuvre et de la vulgarisation du Nepad ». Compte tenu de leur rôle de solidarité en réseau et de contre-pouvoirs dans des pays comme le Sénégal, certaines, parmi les plus représentatives, comme la Confédération nationale de concertation des ruraux (CNCR), une association qui regroupe les petits producteurs, et l’Union nationale des commerçants de l’informel, ont d’autant plus exprimé leurs préoccupations que le Sénégal fut l’un des premiers promoteurs du projet et que, dans ce pays, les populations qu’elles représentent fournissent plus de 70 % de la richesse nationale (économie populaire et agriculture familiale).

Au total, le Nepad ne lève aucune des ambiguïtés du partenariat avec les pays développés : il demeure étrangement silencieux sur la dette. Et sur le fait que la mondialisation ne connaît que la compétition. D’où la nécessité d’une position commune des pays africains pour adopter un protectionnisme sélectif et, notamment, de lutter contre les subventions à l’agriculture des pays développés comme les Etats-Unis et l’Union européenne.

Seule l’émergence d’une véritable opinion publique éclairée (liberté de la presse et d’opinion) peut garantir un projet de développement répondant aux besoins réels des Africains ; et non à ceux des institutions de Bretton Woods. Comme l’enseigne le sage africain Keba M’Baye, « l’Afrique doit attendre tout... de l’Afrique d’abord... ».
Tom Amadou Seck.

(1) Lire David Sogge, « Une nécessaire réforme de l’aide internationale », Le Monde diplomatique, septembre 2004.

(2) Haut conseil de la coopération internationale, « Les priorités de la coopération pour l’Afrique subsaharienne et le nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique », Paris, avril 2002.

(3) « Les flux de capitaux et la croissance en Afrique », Cnuced, Genève, 2000.

(4) Les accords de Cotonou.

(5) Lire Demba Moussa Dembélé, « Mauvais comptes du franc CFA », Le Monde diplomatique, juin 2004.

(6) PNUD, Rapport sur le développement humain, New York, 2003.

(7) Lire Sanou M’Baye, « L’Afrique noire face aux pièges du libéralisme », Le Monde diplomatique, juillet 2002.

(Cool Lire Bernard Cassen, « Le piège de la gouvernance », Manière de voir n° 61 : « L’euro sans l’Europe », janvier-février 2002.

(9) « Pour comprendre le Nepad », sous la direction d’Alain Agboton, Les Cahiers de l’alternance, Cesti/Fondation Konrad Adenauer, Dakar, Sénégal, mai 2003.
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