source:
http://fr.news.yahoo.com/24072006/326/quand-jean-pierre-chevenement-et-le-fbi-
jouent-aux-conspirationnistes.html
lundi 24 juillet 2006, 14h40
Quand Jean-Pierre Chevènement et le FBI jouent aux conspirationnistes...
Par Carlo Revelli, sa biographie
Cet article a été rédigé par un reporter d'AgoraVox, le journal média
citoyen
qui vous donne la parole.
Que faut-il penser quand un journaliste d'investigation respecté écrit un
livre
pour nous expliquer que la CIA a recruté en Bosnie les terroristes qui ont
contribué aux attentats du 11 septembre ? Que faut-il penser quand un ancien
ministre de la défense et de l'intérieur, Jean-Pierre Chevènement, décide
d'écrire la préface d'un tel ouvrage en déclarant qu'il « constitue une mine
de
révélations pour quiconque cherche à comprendre les enjeux géostratégiques
mondiaux » ? Que faut-il penser quand le FBI déclare qu'il n'existe aucune
preuve à ce jour qui permette d'associer Ben Laden aux attentats du 11
septembre ? Que faut-il penser quand aucun média français ne traite de ces
sujets ?
Jürgen Elsässer est un historien et journaliste allemand spécialiste des
Balkans. Il a écrit une douzaine de livres de géopolitique au cours des dix
dernières années ; ancien rédacteur en chef du quotidien berlinois Junge
Welt,
il a également été rédacteur de nombreux quotidiens et hebdomadaires
allemands.
Quelques approfondissements biographiques sont disponibles sur son site, sur
celui de son éditeur ou sur la Wikipedia allemande.
Le 1er avril 2006, Jürgen Elsässer sort la version française d'un ouvrage
dont
on n'a pas beaucoup entendu parler en France : Comment le Djihad est arrivé
en
Europe.
Ce petit livre s'est vendu uniquement à 6000 exemplaires en Allemagne, et la
version française, publiée en Suisse par un tout jeune éditeur (Xenia),
n'est
pas bien distribuée en France (quasiment introuvable en librairie, trois
semaines de livraison sur le site de la FNAC, distribution indirecte sur
Amazon...). Or, tant le profil de l'auteur du livre (un journaliste
d'investigation respecté) que celui de l'auteur de la préface (un ancien
ministre de l'intérieur français) devraient permettre d'établir un minimum
d'intérêt et de confiance...
Très succinctement, nous pouvons dire que dans son long travail
d'investigation,
l'auteur a essayé de prouver le lien existant entre les guerres dans les
Balkans
et les attentats du 11 septembre 2001. Ainsi, en remontant la piste des
kamikazes du 11 septembre, il est arrivé directement en Bosnie où les
moudjahidin sont recrutés et entraînés par les services secrets occidentaux,
la
CIA en tête....
Une synthèse du livre est disponible sur le site de l'auteur et ceux qui
souhaitent aller plus loin peuvent également écouter le podcast audio de la
conférence qui s'est déroulée avec l'auteur le 6 mai 2006, au prestigieux
Club
suisse de la presse (qui comprend parmi ses membres des prix Nobel et des
prix
Pulitzer) et qui était intitulée : "Comment le Djihad est arrivé en Europe :
Islamisme et services secrets".
Une journaliste suisse, Silvia Cattori, a également interviewé Jürgen
Elsässer
et a publié son entretien sur plusieurs médias « alternatifs » ou militants
(Voltairenet, Bellaciao, Oulala, Le Grand Soir...). Certains extraits de
l'interview sont intéressants et montrent bien le très fort scepticisme de
l'auteur allemand face à la thèse officielle de l'administration américaine
:
« C'est le seul ouvrage qui établisse le lien entre les guerres dans les
Balkans
des années 1990 et les attentats du 11 septembre 2001. Tous les grands
attentats, à New York, à Londres, à Madrid, n'auraient jamais eu lieu sans
le
recrutement par les services secrets américains et britanniques de ces
djihadistes à qui l'on attribue les attentats. [...] Les informations que
j'ai
collectées à de multiples sources démontrent que ces djihadistes sont des
marionnettes entre les mains de l'Occident et non pas, comme on le prétend,
des
ennemis. »
« Les néoconservateurs, groupés autour de Richard Perle, avaient rédigé un
document, un an avant le 11 septembre, selon lequel l'Amérique avait besoin
d'un évènement catalyseur comme l'attaque de Pearl Harbour. Le 11 septembre
fut
cet évènement catalyseur. Je crois que les gens autour de Perle ont souhaité
les
attentats du 11 septembre. »
« Immédiatement après le 11 septembre, un certain nombre d'agents israéliens
ont
été arrêtés aux États-Unis. Ils étaient présents sur les lieux où se
préparaient
les attentats. Il y a des analystes qui disent que c'est là une preuve
qu'Israël
était directement impliqué dans ces attentats. Mais cela pourrait également
signifier autre chose. Il se pourrait que ces agents observaient ce qui se
passait, qu'ils étaient au courant que les services secrets américains
soutenaient ces 'terroristes' dans la préparation de ces attentats, mais
qu'ils
garderaient leur savoir pour s'en servir au moment opportun, et pouvoir
exercer
un chantage le moment venu : 'Si vous ne soutenez pas davantage Israël, nous
allons livrer ces informations aux médias'. Il y a même une troisième
possibilité, à savoir que ces espions israéliens voulaient prévenir les
attaques mais ont échoué. En ce moment, nous savons seulement que ces types
étaient sur place et qu'ils ont été arrêtés. Des investigations
supplémentaires
sont nécessaires. »
« Bush est stupide. Il n'est qu'un instrument entre les mains d'autres
personnes. »
« Oui, il y a un double gouvernement qui échappe au contrôle de Bush. Ce
sont
des néoconservateurs, comme Cheney, Rumsfeld, Wolfowitz, Perle, des gens
liés
au pétrole et aux industries militaires. Le chaos global est dans l'intérêt
de
l'industrie militaire : quand il y a le chaos dans le monde entier, on peut
vendre des armes et le pétrole plus cher. »
Le but de cet article n'est pas d'entrer dans le détail du contenu de ce
livre
ni d'apporter un quelconque jugement. Je n'ai ni les compétences, ni les
connaissances nécessaires pour vérifier avec certitude les thèses de
l'auteur.
Ce qui m'intéresse ici, c'est de mettre en évidence le soutien que
Jean-Pierre
Chevènement apporte à cet ouvrage, notamment via la préface qu'il a rédigé,
dont voici quelques extraits :
« La traduction française du livre de Jürgen Elsässer Comment le Djihad est
arrivé en Europe constitue une mine de révélations pour quiconque cherche à
comprendre les enjeux géostratégiques mondiaux. »
« Ce que montre, en revanche, avec un grand luxe de détails Jürgen Elsässer,
c'est le véritable chaudron du terrorisme islamiste qu'ont constitué les
guerres yougoslaves tout au long des années quatre-vingt-dix. Les attentats
du
11 septembre 2001 à New-York, de Madrid le 11 mars 2003, et du 7 juillet
2005 à
Londres, font tous émerger des personnages qui, à des titres divers, ont été
des
vétérans des guerres de Bosnie. Il semble qu'il s'agisse là de connexions si
gênantes qu'il faille absolument les taire ou les dissimuler. »
« Le livre de Jürgen Elsässer est fort instructif sur le rôle des services
spéciaux dans la manipulation des conflits (et des opinions publiques
droguées
aux idéologies identitaires). Il est vrai que les services se prennent
souvent
les pieds dans leurs propres intrigues. Dans la société hypermédiatique où
nous
vivons, leurs manigances finissent toujours par être éventées. »
« Même si Jürgen Elsässer nous étourdit parfois sous la multiplicité de ses
sources et l'abondance de ses références, rendons hommage à son érudition :
son
livre contribuera utilement à un sain pluralisme et à l'éclosion de vérités
pas
toujours bonnes à dire. Saluons son immense travail et la contribution
salubre
que son livre apporte à un débat démocratique débarrassé des a priori
trompeurs
qui obscurcissent la compréhension des enjeux et retardent l'heure d'une
paix
juste dans les Balkans et ailleurs. »
Comment est-il possible que l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement exalte
à
un tel point l'œuvre et les théories d'un journaliste que beaucoup
définiraient
comme conspirationniste ? Comment se fait-il qu'aucune maison d'édition
française n'ait accepté de publier cet ouvrage ? Comment se fait-il qu'aucun
média français n'ait annoncé la sortie du livre, malgré la prestigieuse «
sponsorship » de Chevènement ?
De deux choses l'une. Soit ce journaliste est réellement un fanatique
conspirationniste (Chevènement aussi, du coup) et il faut donc dénoncer ses
idées et les combattre. Soit ce qu'il dit est cohérent et vraisemblable, et
il
faut en débattre. Mais la solution de l'omerta médiatique demeure pour moi
un
mystère.
Par ailleurs, Jürgen Elsässer n'y va pas par quatre chemins, même au sujet
de
Ben Laden et de son organisation. Selon lui, en effet, Al Qaida n'existe pas
réellement, et est avant tout un concept marketing de propagande de la
politique extérieure américaine... Cela ne vous fait pas drôle, que
Chevènement
cautionne ces propos ?
A ce sujet, le FBI aurait récemment déclaré qu'à ce jour, il n'y aurait
aucune
preuve de l'implication de Ben Laden dans les attentats du 11 septembre.
J'utilise le conditionnel car cela me semble tellement énorme que je crains
le
canular Internet bien ficelé. Pourtant, sur son site Web, le FBI consacre
une
fiche à Ben Laden en indiquant bien qu'il est recherché pour les attentats
de
1998 contre les ambassades américaines, mais aucune mention n'est faite pour
sa
prétendue participation aux attentats du 11 septembre !
Sur le site du Muckrarer Report on trouve la news suivante :
« Le 5 juin 2006, l'équipe de l'association Muckraker Report a appelé le FBI
pour savoir pourquoi l'avis de recherche de Ben Laden n'indique pas sa
participation aux attentats du 11 septembre. Nous avons parlé avec Rex Tomb,
Chief of Investigative Publicity au FBI (et responsable, selon l'AFP, de
l'unité du FBI chargée de dresser la liste des dix criminels les plus
recherchés des Etats-Unis) qui nous a dit : « La raison pour laquelle le 11
septembre n'est pas mentionné dans l'avis de recherche de Ousama Ben Laden
est
que, à ce jour, le FBI n'a pas de preuves tangibles de son implication dans
ces
attentats. Formellement, Ben Laden n'est accusé de rien par rapport au 11
Septembre. Le travail du FBI est de réunir des informations et des preuves.
C'est le Département de la Justice qui décide s'il y a assez de preuves pour
inculper quelqu'un et pour le présenter devant un jury fédéral. Dans le cas
des
attentats de 1998, Ben Laden a été formellement inculpé et son cas présenté
devant des jurés. Dans le cas du 11 septembre, il n'a été accusé de rien car
le
FBI n'a pas de preuves attestant son implication dans les attentats de 9/11.
»
Je ne vous cache pas que je n'ai pas été forcément rassuré par le site de
cette
association. J'ai fait quelques recherches et j'ai vu que la news est
reprise à
l'infini sur pas mal de médias dits « alternatifs », mais malheureusement,
je
n'ai trouvé aucun média traditionnel qui ait commenté cette information. Un
député et journaliste italien, Giulietto Chiesa, en parle sur son site web.
Mais ce qui m'a finalement conforté dans ma recherche, c'est de trouver un
article de la célèbre revue américaine Wired, daté du 29 septembre 2001 (
!),
qui interroge le même Rex Tomb, lequel fournit exactement la même réponse !
Après cinq ans d'enquêtes, la position du FBI n'a pas changé d'un iota au
sujet
du lien de Ben Laden avec les attentats du 11 septembre...
Ainsi, après avoir constaté que les attentats de Londres n'étaient
absolument
pas liés à Al-Qaida, le FBI déclare qu'il n'a jamais possédé de preuves
contre
Ben Laden, qui pourtant a été dénoncé comme le coupable certain par
l'ensemble
des télévisions de la planète environ douze minutes après les attentats...
Jeu 27 Juil - 3:16 par mihou