Encourager le rapatriement de médecins africains
source :RFI
La République démocratique du Congo ne dispose que de 2 880 médecins dont 1 180 concentrés à Kinshasa. L’Afrique, globalement, compte 4% à peine du personnel de santé mondial. En cause, l’insécurité, les mauvaises conditions de travail, les salaires insignifiants qui encouragent la fuite des cerveaux africains. Et la pénurie de personnel qualifié au sud du Sahara, risque encore d’empirer avec les nouvelles politiques européennes d’« immigration choisie » qui renforceront l’exode des professionnels de santé africains vers l’Europe. En totale contradiction avec la théorie du codéveloppement prônée par Bruxelles.
Le docteur Denis Mukwege est un des très rares chirurgiens restés au Sud Kivu, en RDC. Gynécologue obstétricien formé en France, il opère dans des conditions particulièrement difficiles à l’hôpital de Panzi à Bukavu, des femmes détruites, mutilées, victimes de violences sexuelles.
«Nous recevons, en moyenne, 10 femmes victimes de violences sexuelles par jour. Parmi ces 10 femmes, un quart va subir une intervention lourde. L’hôpital n’était pas préparé pour cela. Pour une population de quatre millions d’habitants au Sud Kivu, nous n’avons que 166 médecins, quatre chirurgiens, trois gynécologues et deux dentistes, pour quatre millions de personnes ! Ces chiffres montrent que la pénurie du personnel de santé se fait sentir avec beaucoup plus d’acuité encore au Sud Kivu.
Nous pensons que lorsque des médecins souhaitent rendre service à cette partie du globe, il faudrait trouver des mécanismes pour les assister et encourager leur rapatriement. Je suis certain qu’il y a de nombreux médecins africains, actuellement en Europe, qui aimeraient retourner en Afrique. Mais dans les conditions actuelles, caractérisées par l’absence de salaires ou des salaires insignifiants, une sécurité sociale inexistante, des malades qui ne peuvent pas payer, il va de soi que ces médecins, même après avoir achevé leur formation, ne voudront pas revenir en Afrique.»
Des ONG comme Médecins du monde et le Secours catholique, en appellent donc à la responsabilité de l’Europe. Elles mettent en doute l’efficacité de l’aide budgétaire européenne à des gouvernements qui ne rémunèrent pas leurs personnels de santé. Et demandent à l’Union européenne de financer elle-même des programmes pour encourager le rapatriement des médecins africains.
par Anne-Marie Mouradian
[03/06/2006]