Comment les islamistes attaquent la France
Enquête Anecdotes à faire frémir, rapports secrets et confidences décryptées, Christophe Deloire, journaliste au Point, et Christophe Dubois, grand reporter au Parisien, racontent, au gré de scènes inédites, les coulisses de la guerre des islamistes contre la République et la propagation du « fascisme vert ». Extraits de « Les islamistes sont déjà là » qui paraît le 26 août aux éditions Albin Michel.
EXTRAITS
Prière, Place Beauvau
La Commission d'organisation du culte musulman se réunit le 22 novembre 2000, dans la salle 1 bis de l'hôtel de Beauvau. Un responsable de la composante la plus importante des notables musulmans, l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), Boubaker el-Hadj Amor, se met à genoux en direction de La Mecque et prie comme à la mosquée. Le conseiller du ministre, Alain Billon, ne l'en empêche pas. Alors que la réunion touche à sa fin, vers 18 heures, il proteste enfin : « Je voudrais faire un rappel à l'ordre, un rappel à l'ordre extrêmement sérieux. » [...]
« Monsieur, votre prière tout à l'heure dans ce lieu même était inconvenante. Ce fait ne doit plus se reproduire. Si je ne vous ai pas interrompu, c'est par courtoisie. » Le secrétaire général de l'UOIF, Fouad Alaoui, n'apprécie guère le rappel à l'ordre. Il défend son camarade : « Nous sommes dans une période de l'année où il y a interférence de prières, de temps de prières qui nous sont obligatoires. »
Si l'administration ne cède pas, Alaoui menace de sortir et d'aller faire les prières ailleurs. Mais alors cela perturbera tout le processus de négociation. Boubaker el-Hadj Amor réclame la parole avec insistance : « Je quitte l'université à midi pour prendre mon train à 12 h 25 afin d'honorer cette réunion et d'être à l'heure. Il se trouve que nous avons, comme dit le frère, des prières à des heures fixes. Soit on accepte que l'on fasse ces prières ici, soit on décrète des demi-heures d'arrêt et je les ferai sur le trottoir, je pense que cela ne posera aucun problème, je ne pense pas que les flics vont m'arrêter. » A son tour, le président de la séance précédente, Mohamed Boukhima-Moussaoui, justifie ses actes : « Les fonctionnaires de l'administration n'ont pas participé, et pour cause peut-être, à cette fatiha [prière]. Ce n'est donc nullement du prosélytisme, loin s'en faut, loin s'en faut. » Il ajoute un « second point », sur les prières : « Les prières ont été régulièrement pratiquées dans cette salle au vu et au su de tout le monde : aucune réflexion n'avait été faite auparavant. » L'argument porte. Alain Billon en reste bouche bée. L'islam des orthodoxes vient de remporter une victoire.
Les ambiguïtés de Chirac
Constant à dénoncer Ben Laden, le chef de l'Etat ne l'est pas autant s'agissant des analyses. Le 4 janvier 2002, lors de la présentation des voeux du corps diplomatique, il indique qu'« analyser les événements du 11 Septembre, c'est également réfléchir sur le décalage entre la condamnation quasi unanime des attentats par les gouvernements et les réactions de certains peuples [...]
« Quelles leçons tirer de ces attentats, mais aussi des réactions qu'ils ont suscitées ? » se demande le chef de l'Etat. A cette question il ne donne pas toujours la même réponse. Un jour, Chirac assure que le terrorisme « n'est que crime », mais, ajoute-t-il, « comment ne pas voir que la misère, le désespoir, l'humiliation peuvent offrir un terrain propice ? » Le chef de l'Etat prescrit un remède consistant à « réduire le fossé qui se creuse entre les pays qui bénéficient des fruits du développement et une part de l'humanité qui s'enfonce dans la pauvreté ». Cinq mois plus tard, Chirac dit tout le contraire, il considère que c'est « une grave erreur de mélanger terrorisme, disons "terrorisme de type Ben Laden", et problème de la pauvreté dans le monde ». Il assure alors que « le fossé entre pays riches et pays pauvres n'a aucune part dans l'action des groupes terroristes de ce type ».
Pour le président de la République, la thèse de l'intellectuel américain Samuel Huntington sur le « choc des civilisations » est, ni plus ni moins, « absurde et criminelle ». Le président prône le « dialogue des cultures ». Un jour, il affirme même à un visiteur que « les racines de l'Europe sont autant musulmanes que chrétiennes ». Curieux. Un autre jour, celui qu'un imam de l'Aisne a qualifié de « premier imam de France » formule des propos auxquels Samuel Huntington pourrait souscrire : « Je pense que le monde s'oriente petit à petit vers des grands blocs. Mais je pense que, parmi ces grands blocs, il y en a deux au moins qui devront être solidaires face aux autres qui ont une culture différente. C'est l'Europe et les Etats-Unis, parce que nous avons en gros la même culture, les mêmes valeurs, et donc au total les mêmes intérêts. » En l'occurrence, Chirac s'adresse à un public américain (1)...
1. Interview au New York Times, 22 septembre 2003.
« Mama Oussama » veut se reposer en France
C'est l'un des secrets les mieux gardés de la République. Le gouvernement de Lionel Jospin a pris soin qu'aucune fuite ne soit possible. Ce secret tient en une phrase : en octobre 2001, la mère de Ben Laden a demandé à venir se reposer en France. Cela à peine un mois après le 11 septembre 2001.
Le jour de l'attentat le plus retentissant de l'Histoire, celle que toute la famille Ben Laden appelle « Mama Oussama » est chez elle, à Damas, en Syrie [...] Au cours des semaines qui suivent, la pression entourant la famille du chef d'Al-Qaeda éprouve la vieille dame. Elle souhaite se « mettre au vert », pour récupérer de ses émotions, et songe... à une retraite tranquille dans l'Hexagone. [...] Sa requête transite par des « canaux officieux ». Il faut comprendre, selon l'une des rares personnalités françaises dans la confidence, le circuit discret des services de renseignement. La demande remonte au plus haut niveau. Dans les cercles du pouvoir, on ne voit pas ce que la France aurait à y gagner. Surtout, les conseillers ministériels se souviennent d'un précédent fâcheux. En 1992, un scandale avait éclaté après l'hospitalisation à Paris du terroriste palestinien Georges Habache. Décision est donc prise de refuser l'admission de « Mama Oussama » sur le territoire. La mère de l'homme le plus recherché de la planète ne coulera pas de jours paisibles en France.
Le vin de la République
La France ne cédera jamais face à l'Iran. Pendant les dîners officiels, on sert du vin à table. Cela ne se discute pas. Le 22 janvier 2004, le ministre délégué au Commerce extérieur, François Loos, convie son homologue iranien Mohamed Shariatmadari à dîner à Bercy. Autour de la table, le président de Peugeot-Citroën, Jean-Martin Folz, et celui d'Alstom, Patrick Kron, débattent sur le « voile à l'école » avec la délégation iranienne. Les grands patrons boivent des verres de grands crus sans que les invités musulmans quittent la table. Un détail ? Non. Une quasi-victoire diplomatique, si l'on songe aux requêtes usuelles des ayatollahs. La vue d'une bouteille d'alcool les fait fuir. La République étant maîtresse chez elle, l'Elysée, Matignon et les ministères résistent sans cesse aux injonctions de prohibition. A chaque visite, le conflit protocolaire revient sur la table. Jusque-là, les discussions finissaient toujours par la suppression des repas en commun. Ainsi de la visite d'Etat du président iranien, Mohamad Khatami, prévue en avril 1999. A l'époque, ce dernier ne veut avoir aucun spiritueux sous les yeux lors du toast officiel à l'Elysée. Téhéran est ferme : « Les critères islamiques sont clairs et habituellement respectés lors des visites du président à l'étranger. » Paris résiste. L'ivresse des retrouvailles entre les chefs d'Etat est reportée.
Le bréviaire salafiste
C'est un spectacle d'un autre temps, devant la mosquée al-Irchad. La scène se déroule rue Louison-Bobet à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en juillet 2001. [...] Venue de région parisienne et du Nord-Pas-de-Calais, la foule de fidèles se presse à un séminaire salafiste. [...] Au micro, les prêcheurs saoudiens vantent la polygamie, « un droit pour tout musulman, quel que soit le pays dans lequel il vit ». Le féminisme n'influence pas trop ces maîtres à penser. Pour eux, les femmes doivent être « accompagnées de leur mari ou par un autre homme de la famille pour tout déplacement hors du domicile conjugal ! » « Que faire lorsqu'une femme ne veut pas porter le hidjab ? » interroge un apprenti salafiste. « L'homme doit s'efforcer de démontrer à sa femme qu'elle a tort de ne pas vouloir le porter », répond le cheikh Bazmoul. Si elle n'est pas convaincue ? « L'homme peut divorcer. » Un autre se pose une question métaphysique : « Peut-on parler à une femme ? » L'ouléma lui rétorque : « Il est interdit à tout musulman de parler à une femme qui n'est pas sa propre femme. On ne doit pas entendre la voix d'une femme. Elle se doit de parler doucement. » Les consignes sont strictes, d'un archaïsme qui défie la raison. Un cheikh s'enflamme : « Les musulmans doivent vivre en dehors des valeurs et des traditions occidentales. »
Les théologiens évoquent le haram (les interdits, en islam). La liste est longue ! Il est interdit à un musulman de pénétrer dans un cimetière catholique, « y compris pour un Français converti souhaitant assister à l'enterrement d'un membre de sa famille ». Il est aussi interdit « pour les personnes malades d'appeler le médecin ou de prendre des remèdes car seul Dieu guérit ». Il est interdit d'avoir un chien chez soi et d'entrer dans des toilettes, endroit réputé satanique, sans prononcer d'implorations telles que « Dieu, protège-moi de Satan ! » Il vaut mieux entrer avec le pied gauche, pour en sortir avec le pied droit. Les gourous ont leur idée sur tout. Répondant aux questions des fidèles, le cheikh Bazmoul délivre des recommandations fondamentales : la peau de cochon peut être utilisée en vêtements et le vinaigre servir d'assaisonnement. Mais après avoir mangé de la viande de chameau, les ablutions sont obligatoires.
Débusquer Ben Laden
Avant même les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone, un Français travaille dans son coin sur les « financements d'Oussama ben Laden ». Ancien assistant au Parlement français et au Congrès américain, Jean-Charles Brisard travaille à la direction de la prospective de Vivendi Universal, sous les ordres de l'ancien magistrat antiterroriste Alain Marsaud. En passant des centaines d'heures sur le Web, le jeune homme décrypte la nébuleuse financière de la famille Ben Laden. Marsaud lui apporte un peu d'aide, en le faisant profiter de ses contacts. Un jour, l'ancien magistrat organise un dîner dans un restaurant du Marais avec le directeur adjoint de la DST, Jean-François Clair, et l'ancien coordinateur de la lutte antiterroriste aux Etats-Unis, John O'Neill. Reconverti dans la sécurité du World Trade Center, celui-ci mourra d'ailleurs sous les décombres des deux tours. Après le 11 septembre, le rapport de Brisard défraie la chronique. La rumeur veut même que Jacques Chirac l'ait remis en main propre à George Bush. Le PDG de Vivendi Universal, Jean-Marie Messier, ne tire aucune fierté de la nouvelle notoriété de Brisard. Le « maître du monde » se sent soudain tout petit face à Ben Laden. Al-Qaeda n'aurait-elle pas l'idée de se venger contre l'une des filiales de Vivendi ? « Par mesure de sécurité » le gêneur est licencié. Brisard se reconvertit en enquêteur privé. Mandaté par un avocat américain ayant déposé une class action - une plainte de masse - contre l'Arabie saoudite, il s'échine depuis à tenter de démontrer l'implication de la monarchie saoudienne dans les attentats.
Lun 8 Mai - 11:17 par mihou