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 Madrasas : les fabriques d'islamistes

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mihou
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mihou


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08052006
MessageMadrasas : les fabriques d'islamistes

Madrasas : les fabriques d'islamistes

Même si le gouvernement pakistanais s'efforce de mieux contrôler les écoles coraniques du pays, celles-ci demeurent une vaste entreprise de lavage de cerveaux au profit des fondamentalistes.

De notre envoyé spécial Olivier Weber

Les calots blancs se balancent doucement au-dessus d'une tablette de bois, comme un lent métronome. Agés de 8 à 20 ans, les élèves de la madrasa Binoria, à Karachi, ânonnent des sourates du Coran écrites en arabe dont, la plupart du temps, ils ne comprennent pas un mot. « C'est du par-coeur ! » lâche, satisfait, un enseignant ventripotent qui secoue son turban, tandis qu'une nuée de corbeaux survole la grande ville de l'océan Indien. Auteur d'un roman qui se déroule en partie à Karachi, Salman Rushdie écrit aussi que « cette ville est pleine de fous ». Elan de démesure, certes. Mais, à Binoria, les fous de Dieu sont légion.

Cinq mille étudiants s'entassent là, pour la plupart internes, nourris et logés gratuitement. Certains perçoivent de l'argent de poche, de 70 à 500 roupies par mois (1 à 7 euros). D'autres bénéficient d'aides privées. Dans les étages, des ouvriers s'affairent à agrandir l'école coranique. A l'entrée de la madrasa veillent deux gardes armés.

Pour pénétrer dans la madrasa Binoria, l'une des plus grandes écoles coraniques du Pakistan, l'une des plus radicales aussi, il faut franchir plusieurs quartiers de Karachi, dépasser l'immeuble jaune et décrépi où naguère se sont réfugiés les assassins du journaliste américain Daniel Pearl, décapité en 2002, puis tourner à l'angle d'un fast-food KFC détruit par un attentat à la bombe en septembre et s'arrêter à 100 mètres de la mosquée, devant un petit restaurant où une voiture piégée a explosé. A l'entrée de la madrasa, les gardes sont un peu nerveux. « On ne sait pas d'où peut venir le coup. A Karachi, entre sunnites et chiites, entre radicaux et modérés, entre fondamentalistes eux-mêmes, tous les coups sont permis », dit Ashraf, le guide qui nous accompagne.

Dans les étages, Uzair Hazarvi, l'un des responsables de la madrasa, montre les chambres où s'entassent les matelas. Dans l'une d'elles, deux étudiants en tunique bleue de 14 et 16 ans évitent les regards. Citoyens américains, Nur et Youssef sont arrivés un an plus tôt pour suivre les cours de cette madrasa et apprendre le Coran. Lever à 5 h 30, prières à 6 heures, puis cours toute la journée, avec huit heures d'étude du Livre saint, extinction des feux à 21 heures. Quand le président Pervez Moucharraf a demandé, le 29 juillet, aux 3 500 étudiants étrangers (dont 400 Américains) de quitter le pays, Youssef a commencé à faire ses valises. Puis il a décidé de rester dans sa chambre, que ses parents de Baltimore paient 1 500 roupies par mois (22 euros). « La loi n'est pas appliquée », avoue Uzair Hazarvi. « 250 étrangers sont encore accueillis ici, ajoute Youssef. Des Thaïlandais, des Malaisiens, des Soudanais, des Russes, des Chinois... »

Dans une chambre voisine, sans fenêtre, un Français de 16 ans se repose entre deux cours coraniques. Abdelhaïm Aboubacar, c'est du moins le nom qu'il décline, est né à Clichy-sous-Bois de parents maliens. Il a débarqué à Binoria trois ans plus tôt. « Mes parents m'ont payé le billet, et depuis je ne suis pas rentré en France. C'est ma famille qui règle mon internat, avec 1 700 roupies (24 euros) envoyés tous les mois par Western Union. » Dans deux ans, si tout va bien, l'étudiant sera de retour en France. Ses sorties sont rares. Le soir, dans la chambre qu'il partage avec des Africains, après le repas du soir pris en commun dans la cour près des cuisines infestées de mouches, il poursuit ses études, comme une quinzaine d'autres Français à Karachi ou ailleurs. Les filles, la musique, le cinéma, Abdelhaïm Aboubacar les considère comme haram, interdits. Rien, dit-il, ne pourra le détourner de sa voie studieuse.

Onze mille madrasas parsèment le Pakistan, accueillant 1,5 million d'étudiants, souvent issus des campagnes, des bas-fonds et des quartiers pauvres. Leur budget : 27 milliards de roupies (385 millions d'euros). « Soit autant que le budget de l'Education nationale », souligne un proche du président Pervez Moucharraf, qui a engagé un véritable bras de fer avec les muftis des madrasas. Depuis les attentats de Londres du 7 juillet, le « général-président » veut réformer ces madrasas. D'autant que l'un des quatre kamikazes aurait séjourné dans une école coranique du Pakistan. Certaines madrasas sont ainsi connues pour avoir formé des talibans, ou expédié des djihadistes en Afghanistan. Signe d'un engouement constant, 22 000 demandes d'ouverture de madrasas ont été déposées dans la seule province du Pendjab.

« C'est du lavage de cerveau ! tempête le général Javed Hussein, proche de Moucharraf. Les jeunes qui sont enrôlés dans les madrasas n'ont aucun recul. Les chefs religieux les manipulent ! Bien souvent, les élèves ne savent même pas ce qu'ils apprennent. » A la veille de son départ pour les Nations unies en septembre, Moucharraf confiait à ce vieil ami qu'il ne pouvait fermer les madrasas, car il ferait face à trop d'ennemis... « 18 % des fondamentalistes proviennent des madrasas », précise Aftab Ahmed Sherpao, le ministre de l'Intérieur. Selon un rapport des services secrets, les kamikazes sont en grande partie recrutés par les djihadistes dans les madrasas. « D'un autre côté, si on interdit ces écoles, ne serait-ce que les radicales, nuance un journaliste à Karachi, ce sont des couches entières de la population qui en souffriront. »

Et c'est là où le bât blesse. Car le succès des madrasas résulte de la faillite de l'Etat pakistanais - seuls 2 millions de citoyens paient l'impôt, pour une population de 150 millions d'âmes. Moucharraf en est conscient, qui relance les efforts de ses ministres pour l'Education, dans un pays où le taux d'alphabétisation est de 51 %. Autre écueil : les madrasas ont longtemps été le fer de lance des militaires. Surtout sous le dictateur Zia ul-Haq, mort dans un attentat à bord de son avion Hercules en 1988. « Zia a utilisé les madrasas pour combattre les Soviétiques, dit un influent religieux de Karachi, le mufti Mohammed Moyanuddin. Les mollahs ont alors reçu des armes en masse et une pluie de dollars. » Selon le principal d'une école coranique, « les armes circulent encore dans certaines madrasas de Karachi ».

C'est le fils du dictateur Zia, Ijaz ul-Haq, qui est justement chargé des écoles coraniques. Ministre des Affaires religieuses, cet ancien cadre de la Bank of America tempère les élans répressifs de Moucharraf. « Tout cela est du long terme. Le lavage de cerveau, nous ne pouvons l'empêcher. La seule solution est d'introduire des cours modernes avec de l'histoire-géo, des maths, de l'anglais. »

Déjà, le gouvernement a marqué un point. Les puissantes organisations de madrasas, dont le Front uni des institutions religieuses, ont enfin accepté que leurs écoles soient répertoriées. Nul ne connaît en fait leur nombre exact. Mais les chefs religieux ont refusé de livrer leurs sources de financement, comme le demande pourtant Moucharraf. Un secret d'Etat !

A la madrasa Binoria, un ingénieux système permet ainsi de financer le cursus des 5 000 étudiants et l'hebdomadaire Akhbarul-Madaris. Trois restaurants, dont le huppé Binoria Restaurant, « au service de la Cause », plusieurs dizaines de magasins et une poste privée engrangent chaque année plusieurs centaines de milliers d'euros. « Nous sommes largement bénéficiaires », lâche avec un sourire Uzair Hazarvi. La madrasa bénéficie aussi de l'aumône musulmane, la zakat, ainsi que des largesses des émigrés pakistanais, notamment ceux de Grande-Bretagne.

« Nous ne sommes pas des terroristes, s'insurge Mohammed Naheem, le principal de Binoria. Tout cela est de la propagande des médias occidentaux ! Ce sont les Américains qui ont voulu envoyer des combattants issus des madrasas faire la guerre en Afghanistan. Le 11 septembre 2001, ils ont brusquement changé d'avis... » Assis dans un salon climatisé, entouré d'une kyrielle de conseillers barbus, le mufti de Binoria ne tarit pas d'éloges sur ses protégés venus d'ailleurs. « Regardez les Français qui sont ici. Quand ils ont débarqué à Binoria, ils se comportaient mal, se battaient. Maintenant, ce sont de bons êtres humains. Moucharraf, lui, nous fait un show. Il joue double jeu. Un jour, il veut fermer, l'autre, il laisse faire ! »

A 1 000 kilomètres de là, loin de la fournaise de Karachi et de l'agitation des taudis, Moucharraf ne baisse pas la garde. « Il ne faut pas abandonner l'étude de l'islam aux obscurantistes, dit-il dans sa vaste résidence de Rawalpindi, ville jumelle de la capitale Islamabad. C'est une bataille à long terme. Maintenant il faut gagner les esprits et les coeurs. »

Dans la campagne au sud d'Islamabad, à l'orée des plantations, une école modèle accueille 400 étudiantes qui désirent recevoir une formation religieuse sans se soumettre pour autant à la rigueur des écoles coraniques. « C'est l'équilibre idéal entre une madrasa et l'école classique, dit la principale de la Model Dini Madrasa, Shagufta Rauf. Ici, nous avons des cours d'informatique, d'anglais, de maths, d'histoire-géo. » Les trois institutions modèles sont la fierté de Moucharraf, qui veut en créer six autres. « Ces écoles vont représenter une vraie révolution, le fleuron du Pakistan ! s'enthousiasme le ministre des Affaires religieuses. Et elles permettront de changer peu à peu les madrasas les plus radicales. »

A Karachi, dans le quartier chic de Clifton, à deux pas de la plage qui ouvre sur l'océan Indien, le mufti de la madrasa Jamia Islamia n'est pas de cet avis. « Les trois écoles modèles sont déjà un échec, tranche Mohamed Moyanuddin. L'encadrement est mauvais. Et on ne peut pas mélanger les genres ! Regardez, même en Arabie saoudite, la tradition est gardée depuis les temps du Prophète. Au Pakistan, nous continuerons aussi. » Dans les salles de son école, construite sur son terrain et d'inspiration « deobandi », le courant de pensée des talibans, s'entassent 850 étudiants, dont 700 internes, pour beaucoup issus de familles aisées. Depuis cette madrasa, un enfant de 13 ans s'est rendu voilà quelques années en Afghanistan en clamant : « J'espère être martyr pendant le djihad ! » Parfois, le mufti du bord de mer s'oppose à son homologue de Binoria. L'un éduque les enfants de la gentry pakistanaise, l'autre ceux des taudis et des katchi abadis, les terribles bidonvilles de Karachi. Mais le mufti du bord de mer et le mufti des bas-fonds s'entendent au moins sur un point : les séminaires de la pensée islamique ne baisseront pas de sitôt les armes
Le défi de moucharraf

De discrètes annonces ont parsemé la presse pakistanaise ces derniers mois. Objet : recruter des consultants afin d'améliorer l'image du Pakistan à l'étranger. Et cela sur l'injonction de Moucharraf lui-même.

L'idée du président pakistanais : démontrer que son pays n'est plus un havre de paix pour les fondamentalistes. Et que le pays des Purs est le meilleur ami de l'Ouest. Dur, dur, quand au même moment les talibans et autres militants d'Al-Qaeda continuent de ferrailler à la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan. « On ne peut pas nous en vouloir : nous avons tout fait, et nous avons payé un lourd tribut en hommes dans la chasse à Al-Qaeda », soupire le ministre de l'Intérieur, Aftab Sherpao. « Au lieu de nous critiquer, souffle un des plus proches conseillers de Moucharraf, l'Occident ferait bien de revoir sa copie : nous, on traque les islamistes quand Londres les a longtemps recueillis. » Un rapport de l'International Crisis Group publié en septembre apporte un bémol à ces élans : « Le refus des militaires de céder le pouvoir réel aux civils et la marginalisation des partis modérés ont encouragé les extrémistes religieux. L'instabilité augmente et les conflits sectaires menacent d'être hors de contrôle. » O. W.
Interview Dominique Wolton, Directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la communication

Le Point : Les chaînes de télévision occidentales ont-elles une influence déterminante sur la façon dont le monde arabo-musulman nous voit ?

Dominique Wolton : Absolument. Lors de la conquête des ondes, l'Occident pensait qu'en diffusant ses images il contribuerait à ce que le monde se démocratise, sans comprendre que chacun possède ses propres philosophies, ses religions et son système de vision. De plus, l'Occident ne comprend pas que la violence, la sexualité, les modes de vie et les styles qu'il montre puissent choquer une autre culture. La curiosité passée, la réaction aux médias occidentaux est de plus en plus négative. Les peuples constatent que ce ne sont pas des outils de communication, mais des médias de transmission de systèmes de valeur. Pis, ils s'aperçoivent que nous considérons les autres cultures en retard par rapport à nous. Ce raisonnement suscitera toujours des réactions négatives.

L'unilatéralité de l'information est-elle considérée comme un impérialisme supplémentaire ?

Plus il y a de satellites et de radios, plus nous nous apercevons que, même si elle est probablement la plus démocratique, notre conception de l'information n'est pas partagée. Dans le contexte actuel de la mondialisation, il faut rééquilibrer les flux ! Les messages et l'information vont très vite, mais les mentalités, les sociétés et les cultures évoluent lentement. Cette vitesse inouïe de l'information peut avoir un effet boomerang imprévu, paradoxal et tragique : au lieu de rapprocher les points de vue dans le monde, elle accélère les haines et les contradictions.

La guerre d'Irak a-t-elle fait évoluer les choses ?

Dans ce conflit, les médias américains ont tellement collé à la politique américaine qu'ils se sont décrédibilisés dans le reste du monde. Par ailleurs, il y a eu l'apparition des trois chaînes d'information arabes, Al-Jezira, Al-Arabya et Dubai TV, qui ont offert un autre point de vue. Même si, par son style, Al-Jezira donne l'impression de copier CNN ! L'Occident a eu tort d'en conclure que c'était la preuve que notre logique de l'information était admise. C'est tout simplement parce que le seul modèle existant pour faire de l'information est occidental. Plus les hommes échangent vite de l'information, plus ils s'aperçoivent qu'ils sont différents. Et en même temps indifférents les uns aux autres. Voilà l'enjeu politique de la mondialisation : apprendre à cohabiter avec d'autres visions du monde sans les disqualifier Propos recueillis par Anne Nivat

© le point 20/10/05 - N°1727 - Page 52 - 1697 mots
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