En théorie, les dix nouveaux pays de l'Ue représentent un nouveau marché potentiel pour les produits des pays ACP et aussi pour les opérateurs économiques qui jusqu'ici avaient du mal à se connecter des partenaires de l'Europe centrale (appelée avant et pendant la guerre froide Europe de l'Est). Certes il ne s'agit pas là de toute l'Europe centrale qui s'est jointe à l'Union, mais c'est une partie considérable qui s'est ainsi ouverte au monde.
Cependant lorsque l'on veut voir la situation de plus près, elle est un peut plus compliqué qu'il ne paraît. D'abord parce que les nouveaux arrivants n'ont pratiquement pas de liens historiques avec les ACP, ensuite parce qu'ils arrivent avec un besoin considérable d'aide financière de la part des 15 pays qui les accueillent : si la population de l'Union passe presque qu'au double avec l'élargissement l'enrichissement lui n'est que de 5% ; ce qui montre que les dix nouveaux arrivants ont des économies moins puissantes, du moins pour le moment. Il devient dont difficile pour l'union de soutenir ses nouveaux arrivants et tenir encore avec ses anciens engagements auprès des ACP. On a beau faire de la diplomatie pour vouloir édulcorer les choses, c'est la même bourse qui gère tous ces problèmes ; donc si la masse monétaire se déplace vers le haut, elle ne pourrait pas simultanément aller vers le bas. En outre il faudrait maintenant avoir la certitude, et ce n'est pas garanti, que les produits des ACP ne sont pas concurrents de ceux traditionnellement produits par les 10 nouveaux pays de l'Union. L'Union européenne pour gérer cette nouvelle pression, a besoin impérativement de se réorganiser dans beaucoup de secteurs dont certains touchent directement les économies des ACP.
Les pays ACP producteurs de sucre ont exprimé en juin 2005 leurs vives inquiétudes face aux projets de la Commission européenne de reformer le régime sucrier. Les ACP entendaient ainsi réagir à la publication d'une proposition législative qui bouleversera le régime actuel en provoquant un véritable effondrement des prix du sucre de 39% en quatre ans seulement. La proposition de la Commission aurait un impact néfaste sur les économies des pays ACP qui ont traditionnellement approvisionné l'Union européenne en sucre, suivant les dispositions et garanties du Protocole Sucrier ACP-Ue. Au-delà de la baisse des prix, cette proposition imposerait de nouvelles restrictions aux pays ACP, violant l'esprit et la lettre du Protocole Sucrier.
Tel qu'il est prévu dans le Protocole, l'accès préférentiel aux marchés européens est capital pour les économies des ACP et représente même, pour certains d'entre eux, la contribution la plus importante à leur PIB. Pour certains pays ACP, la reforme proposée entraînera, d'après des prévisions réalistes, une perte de revenu de l'ordre de 400 millions d'euros par an, alors que dans certains d'entre eux, les revenus quotidiens par tête dépassent rarement les 2 dollars par jour.
Les pays ACP producteurs de sucre demandent donc instamment aux Etats membres de l'Union européenne de s'accorder sur des baisses de tarifs bien moins importantes, sur une entrée en vigueur progressive de ses réductions (sur une période de 8 ans à compter de 2008) et sur la mise en œuvre des mesures d'accompagnement pour permettre aux pays ACP de restructurer et moderniser leurs industries sucrières. Cette situation soulève un grave problème dans les pays pauvres en général, c'est la pauvreté morale des décideurs et le manque de responsabilité vis-à-vis de leurs populations. Ils attendent généralement l'agonie pour crier, et décrier une situation qui perdure depuis des décennies.
Avec un peu de recul, l'on devrait s'accorder sur le fait que ce n'est pas maintenant que les ACP auraient du pensé à restructurer leurs industries, d'ailleurs tout leur tissu économique, mais depuis au moins 15ans. La crise du début des années 90 et d'ailleurs plus tôt celle s'étant déclarée durant les années 80 avait montré clairement la vulnérabilité des économies des ACP dans ce partenariat avec l'Union européenne. Le Stabex et le Sysmin ont été supprimés, car dans des situations de crise, l'Europe ne peut plus fournir aux pays ACP le contrepoids nécessaire pour satisfaire à leur demande aussi légitime soit-elle.
Un dicton dit en Afrique qu'il ne faut « pas mettre tout ses œufs dans le même panier » ; mais pourquoi les ACP ne veulent t-ils pas diversifier considérablement leur production et leurs partenaires ? Malgré les pressions extérieurs que l'on ne peut pas ignorer, il reste que difficilement l'on verra des dirigeants des ACP prendre de réelles positions qui mènent à des reformes vraies et profondes. Leurs préoccupations sont ailleurs.
Lorsque la pression internationale amène l'Union européenne à prendre des mesures protectionnistes, il n'y en réalité rien à faire d'autre que de les appliquer, c'est une question de légitime défense le plus souvent, même si violer des protocoles n'est en en rien diplomatique et encore moins légal. Généralement dans de telles situations on fait des promesses aux victimes connues, les pays du Sud. Personne ne peut garantir que les promesses elles puissent être tenues ; car, dans le meilleur des cas, c'est-à-dire que la bonne foi de l'Europe soit manifeste et effective, il est impossible d'éliminer les aléas dont peuvent êtres victimes les donateurs. Pour le problème actuel de la reforme sur le sucre en Europe, le gouvernement britannique a annoncé qu'une aide de transition d'au mois 500 millions d'euros devra être débloquée au profit des pays ACP pour compenser les pertes attendues à la suite des baisses du prix européen du sucre.
Le problème qui se pose avec le sucre s'est posé autrement avec le cacao, la banane, le coton et le café, mais aucune leçon n'a vraiment été tirée visiblement. Des reformes il en faut, et pour cela il est nécessaire que la volonté politique soit plus forte et que les ACP cessent de ressembler à un malade en permanence sous perfusion ; en tout cas, dans un tel état on ne peut prétendre aller en compétition. Or la mondialisation, la globalisation, le libre-échange, c'est de la compétition. Alors comment les pays du Sud comptent-ils se développer ?
Le concept de développement et la participation des africains
La première remarque que l'on devrait peut-être faire, est que dans plusieurs sociétés africaines, le mot « développement » n'a aucun équivalent dans la langue locale, et ce parce que « l'imaginaire qui institue la chose fait largement défaut », ou du moins peut-être, la simplicité et l'aspect paisible du mode de vie des sociétés anciennes n'a jamais amené les populations à concevoir autre chose que ce qui satisfaisait à leur besoins les plus essentiels. Dans l'acceptation courante, le développement est « un processus qui permet aux êtres de prendre conscience d'eux-mêmes, vivre une existence heureuse et épanouie ». (Il faudrait se demander si le pygmée qui vit au fond du Cameroun n'a pas une vie qui correspond à cette définition ? Encore qu'il n'a pas une catégorie de problèmes auxquels nous sommes confrontés quotidiennement, ce tant que personne ne vient s'attaquer à l'environnement dans lequel il s'épanouit pleinement).
Jusqu'au premier choc pétrolier, le développement des pays du Tiers-monde était conçu comme « un processus de nature sinon, uniquement, du moins essentiellement économique » ; on l'a dit plus haut. Par ailleurs il était unanimement ou presque, admis que les pays concernés ne disposaient pas des moyens financiers, technologiques et humains pour assurer ce développement, et qu'ils devaient solliciter des apports de nature et de provenance diverses. D'où la création progressive et continue, sur le plan multilatéral, de nombreux mécanismes d'aide et de coopération.
Par ailleurs de nombreux auteurs avaient pris soin de distinguer à cette époque les deux notions de « croissance » et de « développement », la première ayant un caractère purement quantitatif (augmentation du PNB), la seconde revêtait déjà un caractère qualitatif (passage de la société « traditionnelle » à la société « technicienne »). Donc l'idée que l'on se faisait du développement et de la coopération correspondait à la « phase de décolonisation », qui a marqué ces rapports et même une bonne partie de toute l'histoire du monde.
Les données « originelles » étaient à ce point devenues « traditionnelles » que certains finissaient par les croire « éternelles », tout au moins liées à l'essence même de l'action à mener en faveur des « pays pauvres ». Or les trois dernières décennies ont vu ces notions et les pratiques qui leur correspondaient se transformer substantiellement. Le concept de développement ayant été abordé en première partie, rentrons directement dans la pratique de celui-ci en Afrique.
La croissance n'a jamais suffi à éradiquer la pauvreté. Il faut favoriser la coopération décentraliser, celle qui vient des villes, des régions ou les ONG peuvent s'attaquer mieux aux problèmes de terrain et porter des sommes moins importantes, donc moins sujettes à « prévarications ». Il faudrait aussi appuyer le développement de micro entreprise, car l'économie populaire fait tout de même vivre 70% de la population du continent.
En outre il existe en Afrique un besoin réel en combustibles domestiques, parallèlement la désertification avance dramatiquement et est encouragée par ceux même qui ont la responsabilité de protéger les intérêts de leurs nations. Sur un plan scientifique, des recherches ont déjà été menées sur l'utilisation du charbon de biomasse. Une étude de faisabilité sérieuse dans chaque pays (comme ce qui a été fait au Sénégal et au Burundi), pourrait permettre de fabriquer du charbon de biomasse, qui a l'avantage d'être moins cher que le bois, pour les pauvres qui utilisent énormément ce bois pour les besoins ménagers. D'un autre côté, le charbon de biomasse étant fabriqué à base de résidus alimentaires et d'herbes négligées généralement, permettrait de protéger cette flore qui est fortement menacée par l'abattage intempestif d'arbres ; sans compter que cela ferait des économies énormes pour certaines industries locales d'utiliser ce charbon en lieu et place du pétrole ou du carburant dont les prix flambent en permanence. Le dernier aspect que la fabrication du charbon de biomasse pourrait développer, c'est la création d'emplois.
La recherche scientifique qui vise l'éradication de la pauvreté devrait être plus ciblée. Elle pourrait se concentrer par exemple sur la création de nouvelles variétés de végétales ou animales vivrières ou l'expérimentation de « l'arrosage goutte-à-goutte pour les petites exploitations ». Les toitures des bidonvilles sont faites d'emballage de produits alimentaire. Pourquoi ne pas développer la recherche sur des emballages qui soient étanches à la pluie ? L'Afrique importe 98% de ses médicaments ; or elle est le continent le plus riche au monde en flore porteuse de principes médicamenteux actifs, mais on ne les traite jamais sur place. En Afrique l'un des drames est l'état pitoyable des communications, les routes, le chemin de fer, c'est une très grande partie du développement qui est bloquée par ce seul fait. S'agissant de la dette, « c'est l'asphyxie totale » pour près des deux tiers des pays africains. La dette ne devient à peu près tolérable que lorsqu'elle n'absorbe pas plus de 40% des revenus d'exportation. Si l'on crée une situation dans laquelle on peut s'endetter avec la certitude de ne plus jamais rembourser, il n'y plus de développement, quel qu'en soit le type voulu.
L'adage qui stipule que la « nécessité donne de l'esprit » s'applique fort bien à l'économie sociale. En effet, l'histoire nous apprend que c'est sous l'influence des besoins importants non satisfaits que, généralement, les pratiques d'économie sociale émergent au sein d'un groupe social, d'une collectivité ou d'une société pour donner des réponses appropriées aux difficultés ressenties avec acuité par les individus et les catégories sociales plus favorisés.
La notion d'économie sociale et ses activités concrètes souffrent d'une double carence relative à leur reconnaissance. D'abord, le concept est très rarement évoqué par les grandes théories économiques, et par ricochet, il est généralement ignoré/méconnu par les économistes. Au cours des premières décennies de l'aide au développement de l'Afrique, les théoriciens et les experts du développement n'ont pas fait référence à la notion du tiers secteur. Ce n'est que récemment que l'économie sociale est devenue un champ d' »études et de recherche de quelques rares universitaires (Defourny et Ali, 1999 ; Develtere, 1998 ; Peemans, 1997).
Par ailleurs, le concept de secteur informel a été utilisé pour désigner des pans entiers d'activités socio-économiques qui se déroulent de façon autonome par rapport aux systèmes de production des biens et services des pouvoirs publics ; systèmes dits « modernes ». Actuellement il existe un fort courant de pensée qui reconnaît les capacités motrices propres au tiers secteur en Afrique. Cependant, ces partisans préfèrent employer le terme économie populaire comme synonyme d'économie sociale. Pour Peemans en particulier, l'économie informelle en Afrique, c'est l'économie populaire séculaire qui appartient à un « tissu de production » existant avant la colonisation, mais qui a été à la fois marginalisé et diversifié par cette dernière et pendant une bonne partie de la post colonie(Peemans, 1997 : 109).
De son côté, Penouil (1992) croit que le secteur que l'on qualifie à tort ou à raison d'informel est en réalité un lieu d'initiatives et d'actions innovantes de survie dans un contexte de précarité, d'exclusion et de paupérisation. En outre, des activités informelles ou pratiques d'économie populaire sont des formes d'indigénisation de l'économie moderne par un processus de combinaison et de réinterprétation des éléments culturels empruntés à l'autochtone ou à la modernité occidentale.
Toutes ces pratiques ont pour but concret l'amélioration des conditions de vie des gens dans leurs localités, villages, villes ou régions. Les activités d'économie populaire vont de la survie à une reconstruction des liens sociaux ou de la cohérence social, sans cesse recherchée par tout groupement humain pour assurer son existence. Les acteurs individuels et collectifs de ces pratiques sont en général le « monde d'en bas », les petits paysans, les artisans et les commerçants, les hommes, les femmes et jeunes qui ont toujours existé et vécu dans la « société profonde », la société cachée. Dans les discours de sur le développement, ces gens qui représentent 90% de la population dans chaque pays n'existaient pas comme acteurs mais comme sujets du développement.
Les rapports d'influences Nord-Sud
Depuis les années 80, l'Afrique a largement ouvert ses marchés, suivant les conseils du FMI et appliquant les plans d'ajustement structurel. Or, cette ouverture des marchés africains a paradoxalement eu pour effet de diminuer sa contribution au commerce mondial, qui s'élevait à 4% en 1980 (soit le double d'aujourd'hui). Le FMI base son programme sur toujours plus d'exportations, plus il intervient dans l'économie africaine en la libéralisant et plus le continent exporte en volume, moins cela lui rapporte en valeur (la valeurs des exportations africaines a ainsi chuté de moitié de 1980 à 1998).