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 Réflexions sur le drame écologique d’Haiti II

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Tite Prout
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Tite Prout


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15042006
MessageRéflexions sur le drame écologique d’Haiti II

Suite à la détérioration des conditions de commercialisation et du mode de faire valoir indirect des propriétés héritées, on peut illustrer la situation agraire d’Haïti comme un bateau abandonné en plein océan sans capitaine et sans boussole à bord et qui vogue au gré du vent et de la tempête pour s’échouer sur n’importe quel obstacle. Ceci s’explique par, d’une part, la non redéfinition en de nouvelles structures de productions adaptées à l’écologie du pays et d’autre part, la surexploitation et le comportement toujours plus ambigu d’une bourgeoisie terrienne à l’endroit de la grande masse de la paysannerie. De 1804 à nos jours, le pays n’a connu que des périodes de crises qui minent son économie. En effet, des chefs d’Etat se succèdent au pouvoir dans des conditions les plus confuses. Sur un nombre de 36 présidents, empereurs et rois, 24 ont été renversés ou assassinés entre 1804 et 1957. Cette période voit l’opposition de certains chefs militaires noirs à une oligarchie métisse réclamant dans un premier temps l’héritage des colons et dans un second temps l’exclusivité du droit de propriété en présence d’une population en lutte constante pour avoir le droit d’accès à au sol. Le pays est ainsi le théâtre des luttes intestines. En 1806, Dessalines est assassiné et le territoire va être divisé en deux républiques jusqu’en 1811. L’éloignement des solutions d’unification du territoire, va donc le soumettre à partir de 1811 à deux systèmes de gouvernement distincts : la république dans le sud avec Pétion et la royauté au nord avec Henri Christophe respectivement métis et noir. Cette scission a dure jusqu’en 1820 à la suite de la mort de Pétion en 1818 et le suicide de Christophe en 1820 après une longue période de guerre civile. En 1821, un autre métis Jean-Pierre Boyer prend le pouvoir. Celui-ci a réunifié l’Île à partir de 1822 et reste au pouvoir jusqu’en 1843. En matière de politique extérieur, l’on doit reconnaître, à part la réunification de l’Île, que le Président Jean-Pierre Boyer a obtenu la reconnaissance de l’Indépendance d’Haïti par la France en 1825. Mais sans oublier que cette Indépendance a coûté très chère au peuple haïtien. Car l’indemnité payée aux planteurs dépossédés, a dépassé largement les gains obtenus dans les plantations abandonnées et surtout mal gérées et mal exploitées. Le payement de cette indemnité a posé pas mal de problèmes au développement agricole du pays car il s’agit d’un emprunt à la France accordé à des taux usuraires exorbitants que le pays a du rembourser pendant plus d’un siècle et qui a ruiné notamment son économie. Naturellement, c’est au cours de la présidence de Jean-Pierre Boyer que le mode de production colonial est passé au mode de production néocolonial. En effet, ayant l’ objectif de monopoliser toutes les grandes concessions de terre, il établit des règlements de cultures dans cette optique. La mise en application de ces règlements a été pour lui l’occasion d’exercer son plein droit sur la terre et d’accaparer à son gré la force de travail de la masse de la paysannerie représentant le principal instrument de production. Comme sous la colonisation, Boyer a fixé sa politique agraire dans le développement des cultures d’exportation. Dans cette perspective, il supprime en 1827 toutes les taxes sur les denrées d’exportation. Cette mesure importante contribue à l’augmentation du volume des denrées d’exportation. Mais, bien avant, en 1821, il avait déposé un décret-loi qui supprime le système de concessions de terre que pratiquent les chefs d’Etat lorsqu’ils arrivent au pouvoir. En 1826, il crée le Code Rural Haïtien. Avec la naissance de cet instrument juridique, Boyer entend placer le régime foncier du pays sous le contrôle absolu de l’Administration Publique, mais dans la perspective de créer une oligarchie d’Etat. Le Code Rural de 1826 est ainsi élaboré dans le but de réprimer la classe des cultivateurs-paysans et de les assujettir à la tâche servile de production. Il semble que les initiatives de Boyer tiennent compte des échecs observés sous les régimes antérieurs. Il veut tirer une leçon pour faire de sa politique agraire une réussite. Ainsi, pour freiner l’occupation illégale de la propriété foncière, on trouve dans son Code Rural des mesures de ce genre : « Aucune réunion ou association des cultivateurs fixés sur une même habitation ne pourra se rendre propriétaire ou fermier du bien qu’ils habitent (Code Rural de 1826) pour l’administrer par lui-même ». C’est en effet sous le contrôle militaire, et d’une manière exclusive, que le Président Boyer instaure sa politique agraire. 1.4 L’espace agraire, terrain de confrontation socialeLa destruction systématique des premiers habitants d’Haïti par des conquérants espagnols, le découpage, puis le partage du territoire entre plusieurs autres peuples et cultures antagonistes, les rivalités politique et économiques entres les différents couches sociales, les politiques agraires instaurées pour maintenir le travail servile ou corvéable à merci, sont donc à l’origine du drame écologique qui perdure en Haïti. Le blocage économique de ce pays, la détérioration constante des conditions de vie des Haïtiens résultent des conditions de son évolution socio-historique. Celle-ci se caractérise par une situation permanente de crises structurelles et des clivages articulés dans diverses contradictions enracinées dans le mode de pensée de la société haïtienne pour donner finalement naissance à un système contre productif en matière de développement économique et social.

Comme on vient de le voir, le premier Code Rural Haïtien ne contient pas des dispositions juridiques en faveur de la masse des anciens esclaves, mais favorise la création d’une bourgeoisie terrienne. En effet, cette bourgeoisie qui ne travaille pas directement la terre et qui ne se contente que d’une rente que la paysannerie arrive à peine à payer, est plus portée vers une nouvelle politique agraire basée sur la concentration des terres sous forme de bail emphytéotique accordé aux entreprises étrangères. Cette nouvelle forme de propriété provoque notamment un réel éclatement du monde rural et l’introduction d’un système de production agro-industrielle plus compatible à un salariat agricole.

La bourgeoisie terrienne d’Haïti en quête de capitaux étrangers voit en cette forme de concentration terrienne avec l’exclusion de la paysannerie dans son espace, l’occasion de se débarrasser de ses rapports d’interdépendance avec celle-ci qui pourrait lui réclamer sa part du gâteau. Dès 1902, des conditions favorables à la déroute de la paysannerie d’Haïti ont été crées. En complicité avec l’appareil d’Etat, la bourgeoisie haïtienne va opter pour le transfert de toutes les bonnes terres dans le secteur de production capitaliste. L’invasion du pays par les « marines » américaines en 1915 a donc favorisé ce transfert. La bourgeoisie va en profiter pour passer des concessions avec des entrepreneurs étrangers. Ainsi, durant toute l’occupation américaine (1915-1934), le secteur de production est contrôlé par des capitaux étrangers.

Après cette période, le monde paysan refait surface et se manifeste à nouveau dans l’exploitation des terres abandonnées transférées sous forme de petites propriétés qu’il doit travailler à titre de moitié ou de fermage à court terme. Ce processus qui se renforce de jour en jour a provoqué la chute vertigineuse de toutes les cultures d’exportation héritées de l’occupation. Mais il va en même temps contribuer à la dégradation irréversible de tout le secteur agricole. En effet, les mêmes terres occupées par des cultures d’exportation doivent être transformées pour la plupart en secteurs vivriers alors qu’elles sont déjà épuisées. Les plantations maintenues dans le secteur d’Etat ne peuvent pas être entretenues techniquement et deviennent un secteur sans importance économique. Malgré ce constat, l’exploitation de l’espace agraire demeure un champ de confrontations sociales qui enveniment les relations entre une bourgeoisie agraire absentéiste et une grande masse paysanne réduite au statut de prolétaire qui essaie de prendre possession d’une parcelle de terre sur le fonds agraire des grands propriétaires terriens que l’appareil de l’Etat privilégie historiquement.

2 L’état des lieux aujourd’hui en Haïti

La problématique du façonnement et de la gestion de l’espace agraire est au centre de toutes les contradictions qui surgissent comme conséquence des liens d’une extrême ambiguïté entre les diverses couches sociales qui ont occupé et transformé cet espace

2.1 Deux secteurs de production inégaux

Des mesures, adoptées pour la réforme du système d’économie de plantation, du fait de l’association des cultures d’exportation avec le secteur d’agriculture de subsistance que privilégie la masse des petits propriétaires ou fermiers aux statuts socio juridique et économique précaires, ont toutes échoué. Par conséquent, l’économie haïtienne dont la plus grande partie des revenus provient du secteur primaire, en subit les conséquences et connaît une crise généralisée ne permettant ni la survivance de l’économie de plantation, très florissante au 17è et au 18è siècles, et du secteur vivrier en expansion au 19è siècle, ni encore moins la naissance d’un système de production indépendant.

La déstructuration de l’économie de plantation est, comme on l’explique plus haut, un processus inévitable après le bouleversement de la société coloniale ainsi que le régime de concentration terrienne imposé par les Américains dans la période contemporaine. En effet, jusqu’à présent, aucun pays du Tiers-Monde n’a pu réaliser une véritable indépendance en héritant d’un régime de plantation colonial et en étant contrôlé plus tard par un appareil d’Etat et une bourgeoisie traditionnelle.

En raison des rapports sociaux de production cités plus haut, une logique de production controversée a renforcé et renforce toujours cette crise. Elle entraîne le façonnement de l’espace agraire en deux secteurs de production inégalement répartis et diamétralement opposés l’un à l’autre. Ces deux secteurs de production sont naturellement constitués des terres de la plaine et de celles des mornes livrées à la surexploitation pour subir les conséquences immédiates de toute sorte de méthodes d’intervention inappropriées.

A l’exception des plantations de café situées dans les mornes, toutes les grandes plantations d’exportation ont été introduites dans les plaines. Cela a pour conséquence une grande concentration de bonnes terres dans les mains d’une bourgeoisie agraire absentéiste et la pression sur les terres marginales des petits paysans refoulés dans les mornes. L’existence de cette inégalité tant du point de vue social et physique entraîne une forme de catégorisation dans le découpage agraire. On trouve ainsi dans les mornes une masse de paysans qui s’adonnent à la culture vivrière et dans les plaines une bourgeoisie foncière absentéiste qui profite de cette main d’œuvre paysanne dans la réalisation de la monoculture d’exportation (coton, sisal, canne à sucre, café, cacao).

2.2 Des controverses de fond et une instabilité structurelle

Comme expliqué au paravent, l’accession du pays à l’Indépendance, en 1804, n’a pas apporté de solutions aux problèmes de sa destruction écologique. Au contraire, celle-ci s’est accentuée d’année en année et a plongé le pays dans un processus de dégradation irréversible dans certains endroits. Ainsi, toutes les interventions effectuées dans le domaine de sa reconstruction se sont heurtées à des controverses idéologiques, politiques, juridiques, sociales, économiques, écologiques et culturelles.

La division des Noirs et des Mulâtres qui ont entraîné l’assassinat du Général Jean-Jacques Dessalines a été un fait idéologique que l’on ne doit pas oublier. Des controverses de ce genre ont continué encore et provoqué le chaos général du pays plongé dans l’insécurité. Ce chaos peut aussi s’expliquer par le rôle que jouent les chefs de bandes ou de gangs en lieu et place des mouvements sociopolitiques professionnels.

Aujourd’hui, il faut reconnaître que la population haïtienne est menée par des groupes armés constitués en rouleau compresseur vu que les partis politique, le système idéologique gauche / droite, centriste n’ont jamais pu s’ancrer durablement dans le pays. Cette situation reflète le paysage politique actuel dans lequel il n’y a aucune référence structurelle sur laquelle se baser pour la reconstruction du pays. Les institutions ne fonctionnent pas et aucun leadership n’émerge pour favoriser un cadre consensuel de gouvernance.

Le façonnement et la gestion de l’espace agraire sont ainsi marqués par une sorte de fatalité bien ancrée dans le comportement général de la société haïtienne en raison de son histoire et de sa perception du futur qui ne sont pas fondées sur des règles de la démocratie. De ce fait, sa vision sur l’environnement n’évolue pas et crée des blocages considérables quant aux méthodes de son façonnement et de sa gestion.

En raison de ces problèmes, aucune intervention dans l’exploitation des ressources naturelles n’est marquée par le goût de l’innovation. Dans ce contexte, la sauvegarde de l’environnement a toujours été en recul par rapport au mode d’exploitation des ressources naturelles. Les mécanismes institutionnels en place depuis l’Indépendance du pays, ne permettent pas cette sauvegarde, car ils sont toujours favorables au maintien des inégalités entre exploitants et propriétaires terriens dans le mode d’accès aux ressources, en particulier la terre.
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