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 Il n’y a pas de guerre contre le terrorisme

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mihou
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mihou


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30032006
MessageIl n’y a pas de guerre contre le terrorisme

Il n’y a pas de guerre contre le terrorisme, interview de Noam Chomsky, par Geov Parrish - AlterNet.
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18 janvier 2006


(Le projet d’une bourse iranienne du pétrole, par Krassimir Petrov. )

AlterNet, 14 janvier 2006.
Depuis plus de 40 ans, Noam Chomsky, professeur au MIT, est l’un des plus grands intellectuels au monde critique de la politique étrangère des Etats-Unis. Aujourd’hui, alors que les Etats-Unis connaissent des problèmes politiques et militaires suite à leurs dernières aventures impériales, Chomsky - qui a eu 77 ans le mois dernier - promet qu’il ne ralentira pas le rythme « tant qu’il tiendra debout ». Je lui ai parlé au téléphone, le 9 décembre et une autre fois le 20, à son bureau à Cambridge.

Geov Parrish : Est-ce que George Bush a des problèmes politiques ? Si oui, pourquoi ?

Noam Chomsky : George Bush aurait de graves problèmes politiques s’il y avait un parti d’opposition dans ce pays. Pratiquement chaque jour ils se tirent un balle dans le pied. Ce qui est étonnant dans la politique aux Etats-Unis aujourd’hui est que les Démocrates n’en tirent pratiquement aucun bénéfice. Le seul bénéfice pour eux est que les Républicains sont en train de perdre du soutien. Un parti d’opposition serait en train de secouer les branches, mais les Démocrates ont une politique si proche des Républicains qu’ils ne peuvent rien faire. Lorsqu’ils essaient de parler de l’Irak, George Bush, ou Karl Rove, leur rétorque « comment pouvez-vous critiquer ? Vous avez tous voté pour. » En plus, ils ont raison.


GP : Comment les Démocrates pourraient-ils faire la différence à ce stade, étant donné qu’ils sont déjà tombés dans le piège ?

NC : Les Démocrates, leurs dirigeants, lisent les sondages bien plus que moi. Ils savent ce que pense l’opinion publique. Ils pourraient prendre des positions qui seraient soutenues par l’ opinion publique au lieu d’aller à l’encontre. Ainsi ils deviendraient un vrai parti d’opposition, et même un parti majoritaire. Mais cela signifie qu’ils devront changer de position sur pratiquement tous les sujets.

Par exemple, prenons la question de la santé, qui est probablement la préoccupation principale dans le pays. Une grande majorité de la population est favorable, et ce depuis longtemps, à un système de sécurité sociale nationale. Mais chaque fois que le sujet est abordé - on en parle de temps en temps dans la presse - on dit que c’est politiquement impossible, ou que le projet « manque de soutien politique », qui est une autre manière de dire que les compagnies d’assurance n’en veulent pas, que les compagnies pharmaceutiques n’en veulent pas, et ainsi de suite. Bon d’accord, une grande majorité de la population le veut, mais qui se préoccupe d’eux ? C’est pareil pour les Démocrates. Clinton avait concocté un plan tellement alambiqué qu’on n’y comprenait rien et tout est tombé à l’eau.

Kerry, aux dernières élections, au dernier débat de la campagne, le 28 octobre je crois, le débat devait aborder les questions de politique interne. Et le New York Times en fit un bon compte-rendu le lendemain. Ils soulignèrent, à raison, que Kerry n’avait jamais mentionné un engagement quelconque du gouvernement dans le système de santé parce qu’il « manquait de soutien politique ». C’est leur manière à eux de dire, et celle de Kerry de comprendre, que soutien politique signifie le soutien des riches et des puissants. Bon, les Démocrates pourraient être différents. On pourrait imaginer un parti d’opposition qui défendrait les intérêts de la population.


GP : Etant donné l’absence de véritables différences entre les deux partis en matière de politique extérieure...

NC : ... ou même intérieure.


GP : Oui, ou intérieure. Mais je voudrais poser une question sur la politique étrangère. Sommes-nous en train d’être préparés à un état de guerre permanent ?

NC : Je ne crois pas. Personne ne veut réellement la guerre. Ce que l’on veut c’est la victoire. Prenons l’exemple de l’Amérique centrale. Dans les années 80, l’Amérique centrale était hors de contrôle. Les Etats-Unis ont du mener une guerre terroriste féroce contre le Nicaragua, et ont du soutenir les gouvernements assassins du Salvador, du Guatemala et du Honduras, c’était un état de guerre. Les terroristes ont finalement gagné. A présent, la région est plus ou moins calme. Alors on n’entend même plus parler de l’Amérique centrale parce que tout est calme. Il y a la souffrance et la misère, mais la situation est calme. Ce n’est donc pas un état de guerre. Ailleurs, c’est pareil. Partout où on peut garder les gens sous contrôle, il n’y a pas de guerre.

Prenons par exemple la Russie et l’Europe de l’Est. La Russie a contrôlé l’Europe de l’Est pendant près d’un demi-siècle, avec très peu d’interventions militaires. De temps en temps, ils envahissaient Berlin Est, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, mais en général c’était calme. Et ça leur convenait parfaitement - une situation sous contrôle des forces de sécurité locales, des politiciens locaux, pas de problème. Il n’y avait pas d’état de guerre permanent.


GP : Mais dans la Guerre contre le terrorisme, quelle peut être la définition d’une victoire lorsqu’on a affaire à une tactique ? C’est sans issue.

NC : Il existe des moyens procéder à des mesures. Par exemple, on peut compter le nombre d’attaques terroristes. Et bien ils sont en nette augmentation sous l’administration Bush, et en très nette augmentation depuis la guerre en Irak. Comme prévu - les services de renseignement avaient prévu que la guerre en Irak allait probablement accroître le niveau de terrorisme. Et les estimations effectuées après l’invasion par la CIA et le Conseil National du Renseignement, et autres agences de renseignement, le confirme en tous points. La guerre a augmenté le terrorisme. En fait, elle a même produit quelque chose qui n’existait pas auparavant, un nouveau terrain d’entraînement pour les terroristes, bien plus sophistiqué qu’en Afghanistan, où sont entraînés des terroristes professionnels qui retournent ensuite dans leur pays. C’est une façon de gérer la Guerre contre le Terrorisme, en augmentant le terrorisme. Et selon l’unité de mesure évidente, le nombre d’attaques terroristes, on peut dire qu’ils ont réussi à augmenter le terrorisme.

Le fait est qu’il n’y a pas de Guerre contre le Terrorisme. Il s’ agit là d’un problème secondaire. L’invasion de l’Irak et la prise de contrôle des ressources énergétiques étaient bien plus importantes que le risque de terrorisme. C’est pareil pour d’ autres sujets. Le terrorisme nucléaire, par exemple. Les services de renseignement étasuniens estiment que la probabilité pour qu’ une « bombe sale », qu’une attaque par bombe nucléaire aux Etats-Unis, se produise dans les dix prochaines années est de 50 pour cent. C’est beaucoup. Est-ce qu’ils s’en préoccupent ? Oui. En augmentant la menace, un augmentant la prolifération nucléaire, en poussant ses ennemis potentiels à prendre des mesures très dangereuses pour tenter de contrer les menaces des Etats-Unis.

Le sujet est parfois abordé. On peut le trouver dans les articles consacrés aux analyses stratégiques. Prenons encore une fois l’ exemple de l’invasion de l’Irak. On nous dit qu’ils n’ont pas trouvé d’armes de destruction massive. Et bien, ce n’est pas tout à fait correct. Ils ont effectivement trouvé des armes de destruction massive, celles que les Etats-Unis, la Grande Bretagne et d’autres avaient envoyées à Saddam pendant les années 80. Il y en avait encore beaucoup sur place. Elles étaient sous le contrôle des inspecteurs de l’ONU et en train d’être démontées. Mais il y en avait encore beaucoup. Lorsque les Etats-Unis ont envahi, les inspecteurs ont été virés, et Rumsfeld et Cheney n’ont pas ordonné à l’armée de garder les sites. Alors les sites sont restés sans surveillance, et ils furent systématiquement pillés. Les inspecteurs de l’ONU ont continué leur travail par satellite et ils ont identifié plus de 100 sites qui étaient systématiquement pillés, pas comme quelqu’un qui entrerait pour voler quelque chose, mais soigneusement et systématiquement pillés.


GP : Par des gens qui savaient ce qu’ils faisaient

NC : Oui, par des gens qui savaient ce qu’ils faisaient. Cela signifie qu’ils étaient en train de récupérer le matériel de haute précision qu’on peut utiliser pour les armes nucléaires et les missiles, les bio toxines dangereuses, toutes sortes de choses. Personne ne sait vers où le matériel est parti, et on préfère ne pas y penser. Ca, c’est une manière d’accroître nettement le risque de terrorisme. La Russie a nettement augmenté sa capacité militaire offensive en réaction aux programmes de Bush, ce qui en soi est déjà dangereux, mais aussi pour tenter de contrer la domination écrasante des Etats-Unis en termes d’armes offensives. Ils doivent transporter des missiles nucléaires en peu partout sur leur vaste territoire. Et la majorité n’est pas gardée. Et la CIA est parfaitement au courant que les rebelles Tchétchènes s’intéressent aux chemins de fer Russes, probablement pour tenter de voler un missile nucléaire. Oui, ça pourrait être un apocalypse. Mais ils sont en train d’accroître ce danger. Parce qu’ils s’en fichent.

C’est pareil pour le réchauffement climatique. Ils ne sont pas stupides. Ils savent qu’ils sont en train d’augmenter les risques d’une catastrophe majeure. Mais cela ne concerne que les générations futures. Ils s’en fichent. Il y a en gros deux principes qui gouvernent la politique de l’administration Bush : se remplir les poches et celles de ses amis riches, et renforcer son contrôle sur le monde. Pratiquement tout découle de là. Si vous faites sauter la planète, et bien ce n’est pas votre problème. « Ca arrive », comme l’a dit Rumsfeld.


GP : Vous avez suivi les guerres d’agression des Etats-Unis depuis le Vietnam, et aujourd’hui nous sommes en Irak. Etant donné le fiasco que c’est, pensez-vous que nous verrons un changement dans la politique étrangère des Etats-Unis ? Si oui, comment ?

NC : Et bien, il y a des différences importantes. Comparez, par exemple, la guerre en Irak avec la guerre au Vietnam il y a 40 ans. Il y a une nette différence. L’opposition à la guerre en Irak est beaucoup plus importante que pour le Vietnam. L’Irak est je crois la première guerre de l’histoire de l’impérialisme européen, y compris les Etats-Unis, où on a connu des protestations massives avant que la guerre n’ait été officiellement déclenchée. Au Vietnam, il a fallu quatre ou cinq ans avant de voir les premières protestations. Les protestations étaient si faibles que personne ne se souvient que Kennedy a attaqué le Sud Vietnam en 1962. C’était une attaque importante. Il a fallu des années avant de voir des protestations.
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