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 "Guerre contre le Terrorisme" , par Noam Chomsky 1

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mihou
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mihou


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"Guerre contre le Terrorisme" , par Noam Chomsky 1 Empty
30032006
Message"Guerre contre le Terrorisme" , par Noam Chomsky 1

Mais nous pourrions nous demander si ces crimes d’agressions menées par un état contre le Nicaragua constituent réellement un acte de terrorisme, ou s’ils ne constituent pas une forme plus grave de crime, celle d’agression. La notion d’agression fut clairement définie par Jackson à Nuremberg dans des termes qui ont été à peu près repris dans une résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Un « agresseur », proposa Jackson au Tribunal, est un état qui accompli en premier un acte tel que « l’invasion par ses forces armées, avec ou sans déclaration de guerre, du territoire d’un autre état, » ou « fourni un soutien à des bandes armées formées dans le territoire d’un autre état, ou le refus, malgré la demande de l’état envahi, de prendre les mesures en son pouvoir pour priver ces bandes de soutien ou de protection. » La première partie de cette définition s’applique évidemment à l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. La deuxième, aussi clairement, s’applique à la guerre US contre le Nicaragua. Cependant, nous pourrions être tentés d’accorder le bénéfice du doute aux occupants actuels de la Maison Blanche et à leurs mentors, et ne les considérer coupables que du crime de terrorisme international, appliqué à une échelle gigantesque et sans précédent.

On pourrait aussi rappeler que la notion d’agression fut définie à Nuremberg comme « le crime international suprême, qui diffère seulement des autres crimes de guerre en ce qu’il contient en lui-même le mal accumulé de l’ensemble. » - tout le mal de la terre meurtrie de l’Irak provoqué par l’invasion US-GB, par exemple. Et au Nicaragua aussi, si on accepte que l’accusation ne se réduit pas à un simple cas de terrorisme international. Et au Liban, et toutes ces victimes trop nombreuses et si facilement ignorées parce qu’elles ne font partie du bon camp - aujourd’hui encore. Il y a une semaine (13 janvier), un drone Predator de la CIA attaqua un village au Pakistan, assassinant des dizaines de civils, des familles entières, qui avaient eu le malheur de vivre dans une supposée cache d’Al Qaeda. De telles actions provoquent peu de remous. Tel est le résultat de la perversion morale distillée par des siècles de brigandages impérialistes.

La Cour Internationale de Justice n’a pas retenu l’accusation d’agression contre le Nicaragua. Les raisons invoquées sont intéressentes et d’une grande actualité. Le cas du Nicaragua fut présenté par Abram Chayes, distingué professeur de droit à l’université d’Harvard et ancien conseiller juridique auprès du Département d’Etat. La Cour Internationale rejeta une grande partie des accusations sur les bases que les Etats-Unis, tout en reconnaissant la juridiction de la Cour Internationale en 1946, avaient introduit une clause particulière les excluant de toutes poursuites engagées dans le cadre d’accords internationaux, y compris la charte des Nations Unies. La Cour limita donc ses délibérations au simple droit international et à un accord bilatéral signé entre les Etats-Unis et le Nicaragua, excluant ainsi les accusations les plus graves. Même avec de telles restrictions, la Cour accusa Washington de « recours illégitime à la force » - en clair, de terrorisme international - et lui ordonna de cesser ces crimes et de verser des compensations substantielles.

Les Reaganiens réagirent par une escalade de la guerre, et aussi en assumant officiellement les attaques menées par leurs forces terroristes contre les « cibles molles » [ soft targets ], c’est-à-dire des cibles civiles sans défense. La guerre terroriste ravagea le pays. Le nombre de morts, si on la ramène à la population des Etats-Unis, s’éleva à 2.25 millions, soit plus que tous les morts de toutes les guerres de toute l’histoire des Etats-Unis. Lorsque le pays retomba sous le contrôle des Etats-Unis, il s’enfonça encore plus dans la misère. Il est désormais classé avant dernier en Amérique latine, devant Haïti et, comme par hasard, le deuxième derrière le Haïti en termes du nombre d’interventions militaires US subies au cours du siècle dernier. La manière habituelle de parler de ces tragédies est de dire que Haïti et le Nicaragua sont des pays « balayés par des tempêtes qu’ils ont eux-mêmes déclenchées, » selon les termes du Boston Globe, un quotidien très progressiste selon les normes US. Le Guatemala est situé en troisième position à la fois en termes de misère et d’interventions, encore des tempêtes auto-déclenchées.

Mais selon les normes occidentales, tout ceci n’a jamais existé. Tout a été éliminé, non seulement de l’histoire en général et des analyses, mais aussi, et ceci d’une manière très révélatrice, de toute l ’énorme littérature produite autour de la Guerre contre le Terrorisme re-déclarée en 2001. Sa pertinence est pourtant difficilement contestable.

Tout ceci concerne la frontière entre « terrorisme » et « agression ». Qu’en est-il de la frontière entre « terrorisme » et « résistance » ? La première question posée est celle de la légitimité des actions commises pour réaliser « le droit à l’autodétermination, la liberté, l’indépendance, telles que définies par la Charte des Nations Unies, des peuples privés de ces droits par la force..., particulièrement les peuples sous des régimes coloniaux, racistes ou sous occupation étrangère... » De telles actions sont-elles assimilables au terrorisme ou à la résistance ? Les termes cités ici sont ceux de la dénonciation la plus vigoureuse du terrorisme formulée par l’Assemblée Générale de l’ONU en décembre 1987, et prise malgré les pressions des Reaganiens. C’est donc une résolution importante, d’autant plus qu’elle a reçu la quasi-unanimité des voix. La résolution fut votée par 153 voix contre 2 (le Honduras s’étant abstenu). Elle précisait que « rien dans la présente résolution ne pourrait de quelque manière que ce soit porter préjudice au droit à l’autodétermination, la liberté et l’indépendance, » selon les termes mêmes de la résolution.

Les deux pays qui votèrent contre la résolution expliquèrent, à la session de l’ONU, les raisons de leur vote. Leur opposition était due au paragraphe mentionné. La phrase « régimes colonialistes et racistes » était compris comme une allusion directe à leur allié de l’apartheid, l’Afrique du Sud, qui menait à l’époque ses massacres dans les pays voisins et menait une répression brutale en interne. A l’évidence, les Etats-Unis et Israël ne pouvaient approuver une résistance au régime de l’apartheid, surtout si celle-ci était dirigée par Nelson Mandela et l’ANC, l’un des « plus grands groupes terroristes au monde », selon ce que Washington avait décidé à l’époque. De même, accorder une légitimité à une résistance contre une « occupation étrangère » était aussi inacceptable. La phrase était comprise comme une allusion à l’occupation Israélienne, soutenue par les Etats-Unis, qui durait depuis 20 ans à l’époque. A l’évidence, une résistance à cette occupation là ne pouvait être soutenue, même si au moment de la résolution, l’occupation était officiellement pratiquement inexistante, malgré la torture répandue, les destructions, la brutalité, le vol des terres et des ressources, et autres actes qui accompagnent habituellement une occupation militaire. Les Palestiniens sous occupation étaient encore les « Samidin », ceux qui souffrent en silence.

Techniquement, il n’y a pas de veto à l’Assemblée Générale. Dans le monde réel, un vote négatif des Etats-Unis correspond à un veto, un double veto en fait : d’abord la résolution n’est pas appliquée et ensuite elle disparaît de l’Histoire. Il faut préciser qu’un tel résultat de vote est assez courant à l’Assemblée Générale, et aussi au Conseil de Sécurité, sur un grand nombre de sujets. Depuis le milieu des années 60, lorsque le monde échappait à peu près à tout contrôle, les Etats-Unis sont en tête, et de loin, dans le nombre de vetos appliqués. La Grande Bretagne est deuxième, très loin devant le suivant. Il est intéressant aussi de noter que la majorité de l’opinion publique étasunienne est favorable à l’abandon du veto et à l’application de la volonté de la majorité, même lorsque Washington n’est pas d’accord. Ce sont là des faits qui sont virtuellement inconnus aux Etats-Unis, et ailleurs je suppose. Ce qui nous amène à proposer une autre manière de gérer les problèmes du monde : tenir compte de l’opinion publique.

Le terrorisme dirigé et soutenu par les états les plus puissants existe encore de nos jours, souvent de manière choquante. Ces faits nous amène à une mesure qui pourrait limiter le fléau répandu par « des opposants dépravés de la civilisation elle-même » et pour « un retour à la barbarie des temps modernes » : il suffirait d’arrêter de pratiquer le terrorisme et d’arrêter de le soutenir. Cette mesure irait certainement dans le sens des objectifs proclamés. Mais une telle suggestion ne sera pas mentionnée non plus, pour les raisons habituelles. Par contre, ce qu’on entend de temps en temps, comme par une sorte de réflexe incontrôlable, c’est que tous ceux qui font de telles propositions, qui n’ont rien de très radical, passent leur temps à tout mettre sur le dos des Etats-Unis.
Même en expurgeant soigneusement le sujet, des dilemmes surgissent sans cesse. Un dilemme a surgit récemment, lorsque Luis Posada Carriles est entré illégalement aux Etats-Unis. Même sous la définition la plus étroite de « terroriste », il est très certainement un des plus grands terroristes internationaux, depuis les années 60 et jusqu’à nos jours. Le Venezuela a demandé son extradition pour avoir fait exploser un avion de ligne Cubain au Venezuela, tuant 73 personnes. Les accusations sont tout à fait crédibles, mais il y a des réelles difficultés. Après l’évasion miraculeuse de Posada d’une prison Vénézuélienne, le quotidien libéral Boston Globe écrivit ceci : il « avait était engagé par des agents clandestins étasuniens pour diriger les opérations de livraisons aux « Contras » nicaraguayens à partir du Salvador » - en clair, il a joué un rôle clé dans des atrocités encore pires que celle de l’attentat contre l’avion de ligne cubain. D’où le dilemme. Pour citer la presse : « son extradition enverrait un message préoccupant pour tous les agents clandestins en poste à l’étranger et qui indiquerait qu’ils ne peuvent pas compter sur la protection inconditionnelle du gouvernement US, et pourrait exposer la CIA à des révélations embarrassantes de la part d’un ancien agent. » A l’évidence, un problème délicat à résoudre.

Par chance, le dilemme de Posada fut résolu par les tribunaux, qui rejetèrent la demande d’extradition du Venezuela, en violation d’un traité d’extradition qui existe entre les Etats-Unis et le Venezuela. Le lendemain, le chef du FBI, Robert Mueller, insistait auprès des Européens pour qu’ils accélèrent les procédures d’extraditions demandées par les Etats-Unis. « Nous sommes toujours en train de chercher un moyen d’accélérer ces procédures d’extradition, » a-t-il dit. « Nous pensons que nous devons aux victimes du terrorisme de faire en sorte que justice soit rendue, rapidement et efficacement. » Au sommet Ibéro-américain qui s’est déroulé peu après, les dirigeants d’Espagne et des pays d’Amérique latine ont « appuyé les efforts du Venezuela pour obtenir l’extradition de (Posada) des Etats-Unis et de le présenter devant le justice » pour l’attentat contre un avion de ligne cubain, et ils ont aussi renouvelé leur condamnation du « blocus » des Etats-Unis contre Cuba, confirmant ainsi les résolutions de l’ONU qui sont régulièrement votées à la quasi-unanimité. La plus récente a été votée par 179 voix contre 4 (les Etats-Unis, Israël, les îles Marshall, Palau). Après des protestations énergiques de la part de l’ambassade des Etats-Unis, le Sommet retira l’appel à l’extradition, mais refusa de retirer l’appel à cesser la guerre économique. Posada peut donc rejoindre son collègue Orlando Bosch à Miami. Bosch est impliqué dans des dizaines de crimes terroristes, dont l’attentat contre l’avion cubain, dont beaucoup ont été exécutés sur le territoire même des Etats-Unis. Le FBI et le Département de Justice, qui le considéraient comme une menace pour la sécurité nationale, voulaient son expulsion, mais Bush père prit soin de lui accorder une grâce présidentielle.

Il y a d’autres exemples. Il faut rappeler les propos enflammés de Bush fils lorsqu’il dit « les Etats-Unis ne font pas de différence entre ceux qui commettent des actes de terrorisme et ceux qui les soutiennent, parce que ces derniers sont coupables des mêmes crimes » et « le monde civilisé doit tenir ces régimes pour responsables. » Ces propos furent prononcés sous une salve d’applaudissements devant la National Endowment for Democracy ( NED - le truc qui finance aussi Reporters Sans Frontière - note coquine de la part du traducteur ) quelques jours seulement après le refus opposé à la demande d’extradition du Venezuela. Les remarques de Bush posent un autre dilemme. Ou bien les Etats-Unis font partie du monde civilisé, et dans ce cas il faut envoyer l’US Air Force bombarder Washington, ou bien ils se déclarent en dehors du monde civilisé. La logique est imparable, mais, heureusement, la logique passe à la même trappe que les truismes moraux.

La doctrine de Bush selon laquelle « ceux qui hébergent des terroristes sont aussi coupables que les terroristes » fut promulguée lorsque les Talibans demandèrent à voir les preuves avant de livrer aux Etats-Unis les personnes accusées de terrorisme - accusations sans fondements crédibles, comme l’a admis, des mois plus tard, le FBI. Cette doctrine est prise très au sérieux. Le spécialiste des relations internationales de Harvard, Graham Allison, écrit que « qu’elle est déjà devenue la règle « de facto » qui régit les relations internationales, » révoquant « la souveraineté des états qui hébergent les terroristes ». De certains états, pour être précis, et grâce à la négation du principe d’universalité.
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