Erreur de cible
Gruda, Agnès
Toronto - En pleine campagne électorale, le chef libéral, Paul Martin, a fait un détour par Rexdale pour y annoncer sa politique de rappel de toutes les armes de poing. Mais ici, ces mesures ont été accueillies avec beaucoup de scepticisme.
" Je n'ai encore jamais vu un jeune acheter une arme dans un magasin d'armes, je n'ai jamais vu un magasin d'armes tenu par un Noir ", raille le pasteur James Robinson. Comme beaucoup d'autres, il pense que les délinquants possèdent déjà des armes illégales. Et qu'ils ne vont sûrement pas les remettre maintenant- d'autant plus qu'elles ont peut-être déjà servi!
Alors que faire? Le pasteur Al Bowen a déjà écrit à Paul Martin pour lui demander d'adopter ni plus ni moins qu'une loi sur les mesures de guerre, pour faire une rafle dans les 25, 30 immeubles problématiques et arrêter les vrais gangsters.
Après, il faudrait s'occuper des autres, les jeunes que les compressions de l'ancien premier ministre ontarien Mike Harris ont privés de plusieurs ressources- les activités parascolaires, par exemple.
Et puis, croit-il, il faut mettre dans la rue des policiers " à visage humain ". Des agents qui connaîtraient leur quartier, joueraient au basketball avec les jeunes et exerceraient leur autorité. Qui joueraient, un peu, le rôle de ces pères disparus dans la brume...
La loi du silence
Gruda, Agnès
Toronto - Le jour des funérailles de Jamal Hemmings, l'église était bondée. Des hommes armés ont suivi Amon Beckles lorsqu'il s'est dirigé vers la porte. Comment se fait-il que personne n'ait encore été arrêté? Que personne n'ait rien dit à la police?
La justice se heurte dans ces quartiers à une muraille de silence, dit Al Bowen, pasteur dans Rexdale. " Les jeunes sont soumis à un code d'honneur, qui est souvent un code de la crainte. Car les accusés, lorsqu'ils sont arrêtés, sont libérés sous caution 24 heures plus tard ", explique-t-il.
" Ici, si vous parlez, vous êtes cuit ", dit plus simplement Desmond Beckles, le grand-père d'Amon.
Fermés comme des huîtres
Souvent, les jeunes ont des liens autant avec le meurtrier qu'avec les proches des victimes. Ils sont déchirés. Résultat: Rexdale et Jane & Finch sont des quartiers fermés comme des huîtres. Les étrangers à la peau blanche sont ici des minorités visibles. On s'en méfie. " Vos voulez parler de la violence? Il n'y en a pas, ici ", nous lance avec hostilité une jeune femme qui vit dans l'un des pires HLM de Rexdale.
Lorsque nous l'avons rencontré la première fois, Jamal Clarke, un des fondateurs de Friends in Trouble, avait tenté de nous expliquer que les frontières entre les groupes d'amis et les gangs criminels sont parfois imprécises. Le lendemain, ce n'était plus ça. " Les gangs? Il n'y a pas de gangs ici ", s'est-il offusqué.
Cette omerta est si forte qu'Amon Beckles n'aurait probablement jamais parlé à la police, croient ses proches. Il est donc, selon toute probabilité, mort pour rien.
Illustration(s) :
Tremblay, Martin
La police intervient pour calmer un homme qui a bousculé un gardien de sécurité dans le quartier Jane & Finch. Voilà une scène devenue banale dans les quartiers pauvres de Toronto.
La chronique ironique qui voit et entend tout... à sa façon
Thibodeau, Marc; Gruda, Agnès; Dubrûle, Daniel
AFP; AP; BBC
Des chiffres qui parlent
6,5
Seuil que franchira demain la population mondiale, en milliards de personne. Le Plateau Mont-Royal va finir par être trop petit.
40
Nombre de secondes requises pour qu'un message textuel transmis avec le système téléphonique de la firme anglaise Staellium s'efface automatiquement. De quoi faire baver d'envie les James Bond de ce monde.
100 000
Nombre d'exemplaires vendus en un mois aux États-Unis d'un nouveau documentaire très critique sur les pratiques de Wal-Mart. Le géant commercial se privera-t-il de nouveaux profits en refusant de distribuer ce produit vedette ?
ICI ET AILLEURS
Mona Lisa, un peu confuse
La célèbre Mona Lisa de Léonard de Vinci sourit-elle ? La question, évidemment essentielle, perturbe les amateurs d'art depuis des siècles. Voilà que la science est mise à profit pour leur permettre de retrouver, enfin, leur sérénité. Un ordinateur qui permet d'analyser les expressions faciales a été utilisé à l'université d'Amsterdam pour tenter de percer le mystère de la belle dame. Il révèle qu'elle est heureuse à 83%, dégoûtée à 9%, craintive à 6% et en colère à 2%. À la fois heureuse, dégoûtée, craintive et en colère ? Essayez donc d'en faire autant.
ALLEMAGNE
Les hommes-poubelles
Un Allemand ivre qui s'était assoupi dans un contenant de déchets en plastique a échappé de peu à une fin tragique. Une envie d'uriner l'a amené à sortir de son confortable habitat quelques instants avant le passage de la benne. Ça rappelle un peu l'histoire de ce clochard montréalais qui s'est retrouvé, lui, dans une benne après s'être endormi dans un contenant poisseux. Des hommes réduits à dormir dans les déchets, voilà un beau sujet pour nos politiciens. Le NPD pourrait proposer de nouvelles poubelles payées par l'État et le Parti libéral, de petits drapeaux décoratifs. Le Parti conservateur suggérerait plutôt d'imposer une tarification pour ce service tandis que le Bloc québécois réclamerait la francisation des déchets...
Ils, elles ont dit...
Thérapeutique
"Il doit se rendre en Alaska pour y refroidir quelque peu son esprit échauffé."
- Le vice-premier ministre d'Israël, SHIMON PERES, en réaction à de nouvelles attaques du président iranien.
Rafraîchissant
"Cette deuxième semaine de campagne qui vient de se terminer nous a
rappelé, à travers la neige et le froid, que cette élection se déroule dans des conditions hivernales, ce dont il faudra tenir compte d'ici
le jour du vote."
- PABLO RODRIGUEZ, candidat libéral dans la circonscription d'Honoré-Mercier.
Indigné
"Dans quel sorte de monde vivons-nous ?"
- PABLO RODRIGUEZ, citoyen de Manhattan, qui réagissait avec dégoût au fait qu'un voisin a installé devant sa maison un père Noël sanguinaire qui tient une poupée étêtée dans sa main.
En hausse... En baisse
LA MORT (en baisse)
Le maire de la ville brésilienne de Birittiba Mirim, Roberto Pereira, vient de faire adopter une loi qui interdit à ses citoyens... de mourir. Motif: le cimetière est plein. Il suffisait d'y penser, non ?
L'AMOUR (en baisse)
Le grand amour ne dure qu'un an, affirment des chercheurs italiens. Ils ont constaté que les élans passionnés des nouveaux amants sont associés à une protéine dont la concentration tend à se résorber au cours d'une période de 12 mois.
Un pont entre deux langues
Gruda, Agnès
Winnipeg - À l'occasion de la campagne électorale, La Presse poursuit son tour du Canada.
C'est sur le pont Provencher que Gabrielle Roy, petite, traversait la rivière Rouge, cramponnée à sa mère tant l'univers anglophone de Winnipeg lui faisait peur.
Ce pont, qui relie le quartier francophone de Saint-Boniface au centre de la capitale manitobaine, a eu droit l'an dernier à une chirurgie esthétique en règle. On y a ajouté une passerelle qui permet de traverser à pied et une esplanade en forme de proue de bateau qui surplombe le cours d'eau. Ce projet aurait pu contribuer à faire le pont entre les deux cultures. Il a plutôt débouché sur un dialogue de sourds.
Après un concours public, l'esplanade a reçu le nom de Louis Riel, le héros métis et champion du bilinguisme qui est enterré dans un cimetière de Saint-Boniface. Il restait à décider de l'aménagement de la petite place. Pour les Franco-Manitobains, l'occasion était bonne pour créer une petite bulle de bilinguisme au-delà des limites de Saint-Boniface.
Dans un premier appel d'offres, la Ville a exigé que tout projet d'aménagement de l'esplanade prévoie des services en français. Mais aucun projet n'a alors été retenu. Lors du deuxième appel d'offres, l'exigence de bilinguisme a disparu. " C'était comme une claque en pleine face ", se rappelle Roxane Dupuis, directrice du Conseil jeunesse provincial, qui regroupe les jeunes Franco-Manitobains.
Il n'en fallait pas plus pour inciter quelque 300 jeunes à manifester devant le pont, en plein mois de décembre, à 30 degrés au-dessous de zéro.
Cette protestation, qui a eu lieu il y a précisément un an, était inhabituelle pour une génération moins revendicatrice que les précédentes, selon Roxane Dupuis. A-t-elle porté ses fruits? Jusqu'à un certain point, oui. Officieusement, les propriétaires du restaurant Salisbury, qui s'est finalement installé sur l'esplanade, ont promis d'offrir des services bilingues.
Lors de notre visite, cette semaine, il y avait bien quelques serveurs capables de se débrouiller en français. Mais le menu, lui, était unilingue anglais. Réflexion faite, Roxane Dupuis et Dominic Taillefer, président du Conseil, comptent bien continuer à boycotter l'endroit...
Le scanner de la discorde au Manitoba
Gruda, Agnès
Winnipeg - À l'occasion de la campagne électorale, La Presse poursuit sa traversée du Canada. À Winnipeg, nous visitons une clinique médicale privée qui a décidé de défier le gouvernement du Manitoba.
Avec sa porte qui donne sur le parking d'un centre commercial, de l'extérieur, le centre chirurgical Maples ne paie pas de mine. Mais dès que l'on y entre, on glisse dans un univers feutré, où les patients peuvent attendre leur consultation sur des sofas de velours en se servant du café frais à volonté.
Ici, les salles d'opération sont désignées par le mot " théâtres ". Quant aux pièces où les patients récupèrent après une intervention, ce sont des " suites ". Comme à l'hôtel.
Mais derrière cette atmosphère paisible, aux antipodes de l'univers échevelé des hôpitaux publics, les propriétaires de la clinique et le gouvernement du Manitoba se livrent une guerre sans merci. Les premiers veulent concurrencer le système public en faisant payer l'accès à un appareil d'imagerie à résonance magnétique tout neuf. Le second veut à tout prix les en empêcher. Le prochain acte de cette confrontation pourrait se jouer dans les jours qui viennent.
Il n'y a qu'une poignée d'appareils à résonance magnétique dans tout le Manitoba. Pour un diagnostic, il faut attendre entre 13 et 17 semaines. " Nous garantirons le service en 48 heures ", assure Dwayne Ventar, directeur de la clinique Maples. Bien sûr, il faudra y mettre le prix: 695 $.
Quatre provinces canadiennes, dont le Québec, autorisent déjà le recours à des examens radiologiques privés. Mais le Manitoba résiste. Et le ministre provincial de la Santé, Tim Sale, a averti l'équipe de la clinique Maples: à la première infraction, ils risquent une amende de 5000 $.
On attend...
Avant de faire fonctionner son scanner, la clinique doit encore obtenir une licence du Collège des médecins du Manitoba, qui scrute les qualifications des radiologistes et la qualité de l'appareil- mais ne se mêle pas de politique.
" Dès que nous recevrons une réponse, nous commencerons à utiliser l'appareil. Si nous recevons une amende, nous la contesterons en cour ", avertit Dwayne Ventar.
En ce moment, la clinique Maples est spécialisée en chirurgie esthétique et en traitement de la douleur. Dans le premier cas, il s'agit d'interventions non couvertes par le système public. Dans le second, les soins sont assumés par l'équivalent manitobain de la Commission de santé et de sécurité du travail.
Jusqu'ici, pas de problème. Mais en faisant directement concurrence au réseau public pour un traitement couvert par l'assurance maladie, les propriétaires de l'appareil à résonance magnétique créent un précédent dans la province.
La clinique Maples n'a pas l'intention de faire les choses à moitié. Tant qu'à défier le gouvernement, on permettra aussi aux patients de passer la nuit dans une des " suites " du centre chirurgical. Ces séjours prolongés contreviendraient à la loi provinciale, mais ils permettraient à la clinique d'élargir sa gamme de services. Elle pourrait offrir des remplacements de hanches, des chirurgies du genou.
Si Dwayne Ventar et son équipe sont aussi déterminés à défier le gouvernement, c'est en raison de la récente décision de la Cour suprême qui oblige le Québec à ouvrir la porte aux soins privés lorsque le système public ne parvient pas à soigner les gens dans des délais raisonnables. Ottawa vient de s'entendre avec les provinces pour garantir des délais précis pour différents types de chirurgies, et réduire ainsi les listes d'attentes. Mais Dwayne Ventar est sceptique: " Tout ce processus va prendre des années. En attendant, les gens souffrent. "
Oui, mais les cliniques privées ne viennent-elles pas arracher des médecins au réseau public? " Mais les médecins s'en vont de toute manière, ils quittent la province. Et les patients les plus riches vont se faire soigner aux États-Unis. La médecine à deux vitesses, ça existe déjà. "
N'essayez plus: Dwayne Ventar a réponse à tout.