Christiane Nzinga Taubira en forme… Présidentielle !
30/10/2005

La rentrée de Christiane Taubira a levé le voile sur une charismatique et brillante députée, ancienne et surprenante candidate à l’élection présidentielle de 2002, toute en verve et résolument offensive. Le colloque consacré à l’éminent historien, militant anti-colonialiste Yves Benot [21 octobre 2005] lui a fourni l’occasion de marquer sa problématique sur les fractures coloniales, structurantes pour la société française contemporaine, en dépit des velléités de travestissements d’un débat au cœur de l’à-venir du vivre-ensemble de la république.

Fidèle à elle-même, la députée de Guyane, ancienne députée européenne, membre de la commission des affaires étrangères, Vice-Présidente du groupe d'amitié entre la France et le Brésil a donné une tonalité politique rafraîchissante aux échanges. S’appuyant sur le travail d’avant-garde du chercheur décédé, témoin érudit des indépendances africaines, historien des massacres coloniaux et de la démence coloniale napoléonienne, elle a revisité la problématique des fractures coloniales jusqu’à l’actualité des insoutenables immigrations africaines aux portes de l’Europe.

Celle qui avait, dans sa jeunesse, flirté avec les mouvements indépendantistes guyanais, puis créé son mouvement politique le «Walwari», trace admirablement le sillon d’une ligne politique marronne, ligne qu’elle réinvente et inscrit dans le rythme politique de la république post-coloniale. Un exploit en soi !



En effet Christiane Taubira, à l’instar des figures historiques comme Nzinga [reine africaine du Matamba et résistante farouche à la traite négrière] aurait largement pu, son talent politique et son éclat intellectuelle aidant, se glisser dans des lignes plus lisses, plus consensuelles, moins risquées. Sur un échiquier politique français et européen où la fronde au bénéfice des victimes, noires en particulier n’existe quasiment pas au-delà de soporifiques considérations sociales, l’auteure de la loi criminalisant l’esclavage et la traite négrière transatlantique aura posé un acte historique, indispensable et d’un courage inédit. Acceptant d’affronter un mur opaque en résistante et combattante tout terrain, elle introduit et incarne un marronnage politique pionnier et sublimé. D’autant plus à son honneur que les communautés et élus concernés en chef par sa bataille presque solitaire [à quelques mouvements citoyens près, significatifs mais insuffisants], s’illustrent très en deçà des enjeux urgents de l’heure.



Cette ligne politique n’est pas de tout repos. Elle impose à l’élue un théâtre d’intervention et de travail parlementaire colossal dépassant le cadre de sa Guyane natale. L’Outre-Mer, l’Hexagone, l’Europe, l’International, les rapports à l’Afrique interpellent naturellement le labeur de la députée emblématique, première noire, et première femme noire à avoir concouru à l’élection présidentielle d’un pays qui s’est rendu institutionnellement coupable de crime négrier contre l’humanité.

Prendre position contre les discriminations, la culpabilisation des victimes, la banalisation des atteintes à la dignité humaine des différents, pousse au déploiement d’une offre politique généreuse et impressionnante par son étendue : lutte contre les discriminations raciales, de genre [violences féminines], territoriales [insularités, péréquations régionales, …], d’origine [bon et mauvais immigrés], insertion des handicapés, des sans-emplois, …

Les thèmes de l’emploi, de la laïcité, de la continuité territoriale, des transports publics, de la santé, du service universel dans les télécommunications, illustrent le dépassement d’une posture qui pourrait n’être que victimiste. Ils traduisent une vision globale de la société, une vision pour la France. Sortir par le haut des errements d’un long et rémanent passé impérial exige des propositions positives, traversant l’ensemble des champs de l’activité humaine, imprimant ainsi à la racine de la fabrique républicaine, la seule acception vraie de la république moderne, celle où les citoyens, tous les citoyens bénéficieraient du même droit de cité et des mêmes exclusions…



L’expérience parlementaire de Christiane Taubira, depuis 1993, passée par le parlement européen et l’harassant travail de terrain aux côtés des associations, sur les pavés des marches contre l’exclusion, contre les incendies en série frappant les populations noires, construisent une femme d’envergure nationale, internationale. Son aura et ses résultats à la présidentielle de 2002 en font une personnalité fédératrice, en même temps que Christiane Nzinga Taubira la résistante est de plus en plus crainte par des adversaires identifiés, mais aussi par son propre camp socialiste.

Des figures de paille, opportunistes et vibrionnantes sont désormais en service commandé, montées en épingle au sein des communautés d’origine africaine ou ultramarine dont la seule raison d’être serait de rogner sur l’électorat noir présumé acquis à la députée de Guyane. Autant dire qu’elle ne pourra plus bénéficier d’un effet de surprise et devra bâtir sa stratégie sur des fondamentaux politiques, une thématique qu’elle a contribué à asseoir en France. La reine Nzinga [environ 1583-1663] n’en fit pas autrement, elle qui parvint à tenir de son vivant les négriers portugais à l’extérieur de son pays, le Matamba dans l’actuel Angola, en s’alliant avec d’autres peuples pour opposer une force contre-négrière longtemps victorieuse. A la tête de ses troupes, tacticienne émérite autant que diplomate éclairée, elle savait se battre, elle savait aussi construire son royaume. Elle devait, elle aussi, déjouer l’hostilité de rivaux de son camp, et affronter les razzieurs européens aux aguets… Toute proportion gardée, des éventuelles analogies avec le climat politique communautaire noir ne serait que pur hasard. Naturellement.

2007 à vos marques prêts…

Z.B.