«Le FMI et la Banque mondiale effacent la dette des pays les plus pauvres».
Bonne nouvelle ! Agrémentée de certaines conditions:
«Les bénéficiaires doivent cependant s’engager à consacrer les sommes ainsi dégagées à la santé et à l’éducation, et à mener des réformes économiques en faveur de la croissance et de la réduction de la pauvreté.»
(«Le FMI et la Banque mondiale effacent la dette des pays les plus pauvres», LEMONDE.
FR | 26.09.05)
Quand les pays riches font «œuvre de charité», en «effaçant» une «dette», en faveur de pays choisis, ils ne manquent pas de l’accompagner de la leçon de cette vertu dont ils se sont fait les parangons. (J’y reviens.)
Cela dit, on ne prêche pas la vertu sans faire mine de s’obliger soi-même: «Les pays riches ont également accepté d’augmenter leurs aides au développement et les aides bilatérales.» Ce qui accessoirement, comme l’a expliqué F.-X. Verschave, fait retour pour, entre autres, le financement des campagnes électorales de nos responsables.
Quant à la leçon de vertu adressée aux bénéficiaires, elle est pour le moins remarquable. Je cite à nouveau: «s’engager à consacrer les sommes ainsi dégagées à la santé et à l’éducation». Que faut-il comprendre à cette injonction quand on sait que ce sont les mêmes instances financières internationales qui ont déstructuré les embryons d’institutions des pays pauvres concernant la santé et l’éducation en leur imposant les fameux PAS (Plans d’Ajustement Structurel) il y a une décennie ?
Prenons l’exemple de la Côte d’Ivoire (qui n’est pas bénéficiaire de cette «première vague» de remise de «dette») où lesdites instances financières et leurs soutiens français ont tout fait pour imposer leurs candidats, A.D. Ouattara, l’exécuteur des PAS au temps où il était premier ministre ou, au choix, son ennemi peu après président, Bédié, tenants tous deux de la même politique (le premier censé être anti-ivoiritaire, le second inventeur de l’ivoirité – cela pour la poudre aux yeux de l’opinion publique occidentale). Le fond de l’affaire est la domination desdites instances et des pays qui les soutiennent et les inspirent, le G8, France et USA en tête. Concernant toujours la Côte d’Ivoire, le comble de l’ironie est atteint quand on sait que ce sont les mêmes parangons internationaux de la vertu qui ont empêché le gouvernement Gbagbo de mettre en place CMU et école gratuite en imposant la partition du pays suite au coup d’État raté de septembre 2002 !
Cela sans compter que l’une des incidences de cette tentative de coup d’État et de cette partition imposée a été de stopper en Côte d’Ivoire les «réformes économiques en faveur de la croissance et de la réduction de la pauvreté» (que l’on fait mine d’exiger quand on clame annuler la «dette») ! Il est vrai que lesdites réformes engagées par le gouvernement Gbagbo s’appuyaient sur une pratique économique visant à l’indépendance du pays par le lancement d’appels d’offre qui avaient le défaut de mettre en concurrence les entreprises françaises (qui s’étaient vu livrer l’économie du pays sous le gouvernement Ouattara).
Voilà une annulation de la «dette» accompagnée d’une prédication de vertu qui risque de laisser une saveur amère au goût de plusieurs !
Jeu 29 Sep - 6:43 par Delugio