Bertrand Jordan : une tentative française pour réhabiliter le racisme scientifique Par Claude Ribbe,
lundi 17 mars 2008 à 19:05 :: General
Il
y a des livres si monstrueux de bêtise, des livres qui donnent
tellement la nausée qu’on ne sait trop s’il faut en parler ou pas. Dans
la catégorie sottise à visage de hyène, le récent opus d’un physicien
défroqué, Bertrand Jordan, présenté sous le titre
L’Humanité au pluriel (Paris, éditions du Seuil) est un petit chef d’œuvre. Ce qui est particulièrement grave, c’est que
L’Humanité au plurielse voudrait un ouvrage de vulgarisation teinté d’humour. Ciblant les
imbéciles – c'est-à -dire le plus grand nombre - ce torchon (on ne peut
pas appeler ça autrement) est ouvertement destiné, comme le titre
l’indique sans aucun complexe, à réactiver grossièrement les thèses les
plus éculées du polygénisme esclavagiste et à donner, à coups de
génomes et d’ADN, une seconde chance «scientifique» à la notion de
« race humaine » héritée du XIXe siècle. Naturellement, Jordan avance
masqué et use, avec la complicité évidente de son éditeur, de tous les
artifices rhétoriques imaginables pour rester à l’abri des tracasseries
judiciaires. Il a tort d’avoir peur parce qu’en France, aussi
stupéfiant que cela paraisse, la législation est telle qu’on peut se
déclarer ouvertement raciste sans risquer aucune condamnation tant
qu’on n’a pas désigné une catégorie particulière. Il est vrai que dans
le cas d’espèce, Jordan, sous des dehors cauteleux, a beaucoup de mal à
dissimuler la négrophobie obsessionnelle qui l’anime. Il ne se prive
pas, pour ceux qui n’auraient pas compris le vrai fond d’une pensée
inspirée par Gobineau – de fait moins obtus que Jordan puisque
Gobineau, lui au moins, prend en compte le métissage - de produire deux
illustrations, pourtant bien inutiles dans un ouvrage qui se voudrait
« scientifique », afin d'évoquer la comparaison entre les Africains et
les singes !
Pour instiller son fiel, Jordan use d’une formule très simple : « ce
n’est pas prouvé, mais ce n’est pas exclu» ou bien plus finement encore
« ce n’est pas exclu, mais ce n’est pas prouvé.» Le chapitre 13
Races et aptitudes (tout un programme…) est annoncé par l’auteur lui-même comme « épineux ». Les sous rubriques
Le QI « génétiquement inférieur » des noirs(avec une majuscule comme il se doit puisque les « noirs » forment,
pour Jordan, une « race » aisément reconnaissable à la couleur de peau
des individus qui y sont rattachés) ou
Tout dans les muscles et rien dans la têtevalent le détour. On y apprend que si les «noirs » courent plus vite ou
plus longtemps que les « blancs» (affirmation présentée par Jordan
comme une vérité sur la foi de Georges Frêche, explicitement cité !) il
« n’est pas exclu que des facteurs génétiques soient en cause ».
Imaginons que paraisse demain un livre à prétention scientifique
comprenant un chapitre intitulé
Les juifs et l’argent où
l’auteur conclurait que les « juifs », à l’évidence, ont plus le sens
du commerce d'autres et qu’il « n’est pas exclu que des facteurs
génétiques soient en cause » (même si cela n’est pas prouvé) ? Je
serais le premier à qualifier l’auteur de raciste et sa production
d’étron. Et j’imagine que le journaliste du
Monde Jean-Yves
Nau s’abstiendrait d’écrire comme il vient de le faire dans l’édition
datée du mardi 18 mars 2008 (p 23) que cet émule français de James
Watson est «lucide et courageux».