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 Un historien français tente de minimiser la traite des escla

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AuteurMessage
mihou
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mihou


Nombre de messages : 8092
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 28/05/2005

Un historien français tente de minimiser la traite des escla Empty
19122007
MessageUn historien français tente de minimiser la traite des escla

Un historien français tente de minimiser la traite des esclaves

Odile Tobner


Depuis le Code noir (1685), rares sont les intellectuels français qui
ont remis en question le socle raciste sur lequel repose notre regard
sur « les noirs », africains ou antillais. Les récentes saillies
négrophobes d’Hélène Carrère d’Encausse, Alain Finkielkraut ou Nicolas
Sarkozy ne sont pas de malheureux dérapages mais la continuité
désolante de préjugés nourris depuis quatre siècles [1].



Une négrophobie académique ?

Olivier Pétré-Grenouilleau, ou la banalisation de la Traite

Source: http://www.indigenes-republique.org/spip.php/spip.php?article1145

jeudi 6 décembre 2007


Qui, en France, sait que Saint-Simon, Bossuet, Montesquieu ou
Voltaire ont commis, sur ces questions, des pages monstrueuses ? Que
Renan, Jules Ferry, Teilhard de Chardin, Albert Schweitzer ou encore le
général De Gaulle leur ont emboîté le pas ? C’est pourtant ce que vient
nous rappeler Odile Tobner dans son livre Du racisme français
. De ce livre salutaire nous publions un extrait consacré à
l’historien-fétiche des grands médias : Olivier Pétré-Grenouilleau, et
à la manière plus que douteuse dont il revisite l’histoire de la Traite
des Noirs.

Les médias viennent de mettre en vedette un historien, Olivier
Pétré-Grenouilleau, présenté religieusement comme un oracle. Il avait
déjà, il y a quelque temps, dans un ouvrage de vulgarisation consacré à
la question (La Traite des Noirs, paru dans la collection « Que sais-je
? » [2]) présenté le sujet à sa façon :


« Concernant les idées, presque rien n’a en effet été véritablement
inventé depuis le XIXe siècle, époque à laquelle les abolitionnistes
faisaient de la traite la cause du malheur de l’Afrique, tandis que
leurs détracteurs n’y voyaient que la conséquence de son anarchie. »


Renvoyer dos à dos les uns et les autres est déjà scandaleux ; mais l’auteur penche en réalité du côté le plus malhonnête :


« Il serait exagéré, à la faveur d’une lecture européocentriste
dépassée de l’histoire africaine, de voir dans les effets
démographiques de la traite l’une des raisons essentielles du
mal-développement africain. »


Qu’est-ce à dire ? Où est cette lecture européocentriste dépassée
qui aurait, dit-on, exagéré les effets de la traite ? C’est un pur
fantôme que l’on désigne vaguement, sans apporter la preuve de son
existence. Toutes les lectures européennes sans exception minimisent au
contraire les chiffres, dans des proportions évidemment différentes. On
aimerait par ailleurs savoir ce que serait une « lecture non
européocentriste » : une lecture faite par des Européens comme M.
Olivier Pétré-Grenouilleau, se mettant à la place des noirs et faisant
leur Histoire à leur place pour dire que les Européens n’étaient pas
racistes ? On est dans la divagation.


Il est hasardeux d’affirmer que la traite n’a pas eu d’influence
sur la démographie africaine : la thèse est cependant soutenue avec
aplomb. On va même jusqu’à évoquer « l’ensemble des phénomènes positifs
et négatifs » de la traite, sans prendre conscience apparemment de la
monstruosité d’une telle phrase, qu’aucun commentateur autorisé n’a, il
est vrai, relevée. Quel phénomène « positif » peut bien être induit par
tant de douleurs et de morts, sauf pour les bénéficiaires bien entendu
?


Suit une assertion qui fera bien rire les démographes :


« Cependant la nature polygame des sociétés africaines a sans doute
eu pour effet d’atténuer voire d’annuler en bonne partie cet éventuel
déficit des naissances. »


La natalité – c’est assez facile à comprendre – se mesure au nombre
d’enfants par femme et non au nombre de femmes par mari. Que les unions
soient monogames ou polygames, les femmes ne peuvent faire qu’un nombre
déterminé d’enfants. La polygamie réduit au contraire le nombre
d’enfants par femme, en instituant un délai d’isolement après chaque
naissance. Le mari polygame est certes le père putatif d’un grand
nombre d’enfants, mais c’est au prix du célibat forcé des jeunes et des
pauvres. Par ailleurs, aucune société n’est par nature – toujours cet
essentialisme raciste – monogame ou polygame. La polygamie est liée à
une conjoncture historique et culturelle. On la trouve soit dans des
sociétés guerrières où les hommes sont décimés, où les femmes sont un
butin, comme chez les Grecs de l’époque homérique, soit dans les
sociétés décimées par l’esclavage. Olivier Pétré-Grenouilleau prend les
effets pour la cause. Avec la disparition de tant d’hommes – on a vu
que les femmes étaient très minoritaires dans les cargaisons –, comment
la polygamie n’aurait-elle pas été une réaction obligée de la société ?


Le simple bon sens permet de comprendre que la saignée de la traite
a été pour l’Afrique une catastrophe, humaine, culturelle, économique,
démographique. Dans un livre remarquable, Louise Marie Diop-Maes remet
à leur place bien des aberrations intéressées – et d’abord elle pose la
seule question pertinente :


« Les effets de la traite des humains en Afrique noire sont-ils évaluables ? » [3]


Entre les fanatiques de l’innocuité, voire des bienfaits de
l’esclavage, à la suite d’un certain Philip Curtin, qui ne craint pas
d’affirmer, par exemple, que l’introduction du maïs en Afrique aurait «
compensé les pertes humaines » – comme si l’Afrique manquait de plantes
comestibles, comme si l’alimentation remplaçait les bouches manquantes
[4] –, et la majorité des universitaires français, considérés par les
premiers comme des extrémistes de l’interprétation sévère de la traite
parce qu’ils limitent l’effet négatif à une stagnation de la
population, il n’y a pas une grande différence.


On est obligé de les laisser à leurs chicaneries si l’on veut
commencer à parler raisonnablement du passé de l’Afrique. Marie-Louise
Diop-Maes conclut :


« J. Inikori (Nigeria), Walter Rodney et moi-même, par des méthodes
d’analyse différentes, sommes arrivés à la conclusion que les
répercussions de la traite ont provoqué une diminution de la population
entre 1500 et 1900 et que, parallèlement, l’Afrique noire s’est
progressivement sous-développée durant la même période. »


Le dépeuplement de cette période s’est accompagné de l’éclatement
d’importants ensembles politiques, culturels et sociaux et d’un repli
sur les unités de base : famille, clan, tribu. C’est l’image de
l’Afrique contemporaine.


« Il ne s’agit pas d’un sous-peuplement chronique, d’un tribalisme
perpétué depuis la Préhistoire, sur une terre étouffante et maudite, ou
trop clémente, mais bien d’un dépeuplement et d’une atomisation qui ont
débuté au XVIe siècle. »


Après la mise en cause des Arabes à égalité avec l’Occident,
l’autre pilier de la science blanche pour tenter d’exonérer l’Histoire
de France d’un chapitre peu glorieux est la collaboration des Africains
à la traite. On sait [5] que Voltaire dit, dans le chapitre de Candide
sur Le nègre de Surinam, que la mère vend son enfant, ce qui est bien
sûr une calomnie manifeste à l’égard des Africains. La demande
d’esclaves par les Européens a causé certes des expéditions
destructrices. Dans toute situation de domination, il y a des
collaborateurs dans le groupe dominé. Il faut simplement poser la
question : dans un crime, est-ce que le recrutement de complices est
une circonstance atténuante ou aggravante ? La responsabilité du
complice vient-elle diminuer celle de l’artisan principal ? Des
Africains sont-ils venus proposer en Europe leur collaboration et leur
marchandise ? Encore une fois ce sont des questions de simple bon sens.


L’inventaire des ouvrages qui répandent des aberrations racistes
sur l’histoire de la traite et de l’esclavage serait infini. On se
contentera d’un seul, qui n’est pas marginal puisqu’il s’agit d’un
banal et récent livre de vulgarisation, où les perles abondent, telle
celle-ci :


« Sur place aux Antilles, les Noirs avaient conservé le culte du
Vaudou, qui aggravait les mentalités de certains d’entre eux. Les
“nègres marrons” armés de machette (sabre à couper la canne à sucre)
étaient enrôlés par les plus criminels d’entre eux pour les massacres
des Blancs. Mais tout cela n’empêcha pas les nombreuses unions hors
mariage qui engendrèrent une nouvelle ethnie : les mulâtres. » [6]


Un véritable bouquet en quelques lignes. Des hommes qui, dans une
situation d’écrasement et d’humiliation absolus, trouvent le courage
surhumain de se révolter sont-ils des criminels ou des héros ?
Pourrait-on, dans un ouvrage historique d’aujourd’hui, appeler «
criminel » un homme évadé d’un camp de concentration, tuant quelques
gardiens au passage, sans provoquer le plus grand scandale ? On est
obligé de poser cette hypothèse si l’on veut donner le sentiment d’une
monstruosité qui échappe manifestement aux lecteurs de pareils
ouvrages, tant le racisme imprègne le subconscient. User du doux
euphémisme de « unions hors mariage » pour désigner le crime le plus
lâche par sa facilité et son impunité – le viol systématique des
esclaves noires –, est-ce faire oeuvre d’historien ? Depuis quand les
enfants nés hors mariage constituent-ils une « ethnie », sauf à adhérer
à des distinctions racistes ?


On ne résiste pas à l’envie de citer quelques perles de la même origine :


« Quelques années plus tard [7] , il ne resta rien des richesses
accumulées dans ces îles et nombre de négociants métropolitains furent
ruinés. Mais on peut considérer que ces derniers auront été le vecteur
de l’implantation de l’ethnie noire. Par voie de conséquence, sans
doute que les descendants de celle-ci auront ainsi échappé à d’autres
fléaux. »


Ainsi les richesses se seraient évaporées. Cela n’existe pas, sauf
dans des croyances magiques. Les richesses ont changé de main, elles
ont servi à développer des industries, armement, accastillage,
industries du luxe, etc. Mais le comble du cynisme ou de la stupidité,
on ne sait, c’est d’indiquer comme seul bénéfice de cette période
d’avoir permis aux Africains de quitter leur enfer d’origine… et en
plus le transport était gratuit !


D’autres jugements, dans des ouvrages hautement scientifiques, laissent tout aussi pantois :


« Le chapitre qui venait de se clore en 1848 n’était pas
complètement négatif. Une indéniable prospérité économique s’était
traduite dans les faits dès les débuts de la traite des noirs. » [8]


Autant s’extasier de ce que le prodigieux effort de guerre
allemand, entre 1940 et 1945, fut fi nancé par le pillage des pays
occupés et l’extermination de la main d’œuvre déportée. Ce qui est
escamoté avec la plus grande désinvolture dans ce jugement de « valeur
», qui affiche de façon obscène la primauté de l’argent, c’est ce que
certains appellent pudiquement la question morale. C’est avouer que le
traitement réservé aux noirs ne relève pas de la moralité, comme le
disait Montesquieu.


On ne recommandera jamais assez au lecteur de l’historien de faire
preuve d’esprit critique face à une Histoire qui n’est jamais
parfaitement objective. L’Histoire ment toujours d’une certaine façon,
au moins par omission, puisqu’on ne saurait inventorier la totalité des
faits. Surtout l’Histoire est une matière d’autorité, et l’autorité, en
l’occurrence, est celle des vainqueurs. Un ensemble de faits aussi bien
établis et documentés que la Révolution française a connu et connaîtra
diverses présentations et interprétations dont aucune ne peut prétendre
s’imposer comme dogme. Il y a eu la Révolution tueuse : guillotine,
tricoteuses, tribunaux révolutionnaires. Les images de la terreur
révolutionnaire sont bien ancrées dans la tradition scolaire. Cette
terreur a causé, de 1792 à 1794, de trente-cinq à quarante mille morts
dans toute la France, qu’ils aient été exécutés sommairement ou qu’ils
aient fait l’objet d’une condamnation à la peine capitale. Mais
l’Histoire a refusé une célébrité analogue aux trente mille communards
que les Versaillais tuèrent pendant la seule « semaine sanglante » de
mai 1871 [9] : les morts faits par la Révolution comptent toujours
beaucoup plus que ceux dus à la répression.


Autre exemple : c’est l’Histoire qui a fait de la prise de la
Bastille – une horde populeuse, type racaille de banlieue assiégeant un
commissariat, se fait ouvrir les portes d’une forteresse quasi vide et
tue sauvagement les gardes et le gouverneur – le mythe national par
excellence. Tout est dans l’interprétation.


Si un événement aussi important de notre Histoire nationale peut
donner lieu à de telles distorsions, combien doit être problématique
l’histoire de l’esclavage et de la colonisation ! L’Histoire de
l’Afrique qui nous est racontée en France est celle des conquérants :
c’est son premier défaut. Il ne s’agit pas d’un procès d’intention mais
d’un constat. C’est une première et fondamentale distorsion. Tout comme
les peuples africains ne sont toujours pas émancipés de la tutelle
politique de l’Occident, ils ne se sont pas encore emparés de leur
Histoire pour leur propre usage et pour en imposer la vision au monde.


Les Traites négrières


La dernière et très douteuse contribution à cette Histoire dominée
est l’ouvrage d’Olivier Pétré-Grenouilleau intitulé Les Traites
négrières, essai d’histoire globale. Le titre, à lui seul, a son
éloquence. Que peut bien vouloir dire d’abord une « histoire globale »
? Il s’agit apparemment de noyer les phénomènes un peu crus dans un
ensemble flou. C’est le contraire d’un comparatisme critique. On
pourrait ainsi, si on l’osait, faire une histoire globale de
l’antisémitisme qui dissoudrait et relativiserait la Shoah dans les
millénaires persécutions contre les juifs.


L’expression « les traites négrières », quant à elle, annonce la
thèse et le sophisme fondamental du livre. Par ce pluriel l’auteur
prétend qualifier trois traites : la traite arabo-musulmane, la traite
interne à l’Afrique et la traite européenne. Il n’y a eu en fait qu’une
seule traite négrière, c’est-à-dire à fondement exclusivement raciste,
c’est celle pratiquée par les Européens. La traite arabo-musulmane,
succédant à celle pratiquée par l’Empire romain dans toute son aire, a
frappé des captifs de toutes origines non musulmanes [10]. Quant au
servage ou au rapt pratiqués dans certaines sociétés africaines,
comment pourraient-ils recevoir la qualification de négrier, qui
traduit par essence la subjectivité du regard « blanc » ?



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Un historien français tente de minimiser la traite des escla :: Commentaires

Dès le titre, la fonction idéologique du livre apparaît donc
clairement. On s’explique alors le lancement médiatique dont il a
bénéficié, sans précédent pour un ouvrage aussi indigeste, de facture
lourdement universitaire [11]. On vit l’auteur accueilli par un chorus
d’applaudissements sur tous les plateaux de télévision, et son livre,
loin d’être l’objet d’un quelconque débat, fut unanimement porté aux
nues par des critiques qui n’en avaient certainement pas lu dix pages,
mais qu’importe. C’est à l’idéologie professée par le livre qu’allait
leur enthousiasme : ils ne pouvaient que faire un triomphe. La
véritable croisade entreprise alors pour le défendre contre toute
contestation a atteint des sommets d’indécence.


Par un artifice assez grossier, l’auteur prétend débarrasser
l’histoire de l’esclavage de ses « clichés » et de ses « poncifs » [12]
– c’est ainsi qu’il qualifie aimablement les travaux de ses
prédécesseurs, prétendument pervertis par leurs bons sentiments.
Ceux-ci auraient, selon lui, dramatisé la traite et l’esclavage, qu’il
se charge, lui, de banaliser.


En réalité, cette histoire telle qu’elle a été racontée par les
Européens est toujours restée bien en deçà de l’horreur de la traite
transatlantique et de l’esclavage tels que les ont vécus les noirs.
Cette description, devant laquelle ont reculé les historiens blancs,
même « bienveillants », est encore à faire.


Le racisme a en effet joué un rôle essentiel dans le déchaînement
de ce que Rosa Amelia Plumelle-Uribe appelle « la férocité blanche »
[13]. Cet aspect de l’étude de l’esclavage est et a toujours été, sauf
chez quelques auteurs haïtiens, largement tabou. La rouerie consiste à
présenter au contraire comme taboue la description adoucie et
relativisée de l’esclavage, qui est pourtant la norme. Mais jamais on
n’était allé aussi loin dans l’atténuation. Ainsi Pétré-Grenouilleau
dénonce-t-il « le portrait apocalyptique » [14] qui aurait été fait du
transport des captifs, le « taux d’entassement », « souvent exagéré par
les abolitionnistes » [15], sans qu’aucune preuve ou référence soit
apportée à l’appui de ces appréciations éminemment subjectives. C’est
le second défaut majeur de l’ouvrage : des affirmations subjectives
jamais étayées de la moindre preuve. C’est ce que l’on présente en
France comme une grande oeuvre d’historien !


Pétré-Grenouilleau parvient, dans un livre consacré à la traite
négrière, à prouver l’excellence de la moralité blanche : loin que
l’esclavage raciste puisse être reproché spécifiquement aux Européens,
l’abolitionnisme prouve leur supériorité. En effet le mouvement
abolitionniste est, selon lui, né par génération spontanée. Nulle part
n’est formulée l’hypothèse, pourtant la plus vraisemblable, que
l’abolitionnisme est né de l’atrocité toute particulière de la traite
atlantique, l’opinion européenne s’émouvant légitimement des conditions
terrifiantes du transport, et des débordements de cruauté de
l’esclavage. À l’explication de bon sens on substitue une thèse
hautement improbable mais flatteuse. La distorsion par une
interprétation tendancieuse est ici manifeste.


Il est bizarre, à ce propos, que personne n’ait relevé ce grave
défaut de rigueur historique : ce dont l’ouvrage se prétend une
réfutation n’est jamais clairement désigné, il s’agit d’une sorte de
nébuleuse historique sans auteurs, sans titres, sans citations. En
l’espèce, les « exagérations » incriminées par l’auteur seraient le
fait d’un groupe désigné vaguement par le terme « les abolitionnistes
».


D’une façon générale, des assertions très douteuses ne sont pas étayées. Ainsi cette affirmation pour le moins étrange :


« Ajoutons que l’introduction d’Africains favorisa l’apparition
d’épidémies chez les Indiens. » L’auteur explique la disparition des
Indiens d’Amé rique essentiellement par le « choc microbien ». [16]


C’est faire bon marché des témoignages les plus anciens sur la
question, à commencer par ceux de Las Casas, relayés par Montaigne, dès
le XVIe siècle :


« Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples [17] passés au fil de l’épée. »



Un autre thème récurrent du livre est la récusation de la question morale :



« L’aspect moral mis à part, peu de choses distinguaient le trafic négrier des autres grands commerces maritimes » [18]



« La traite ne doit pas être réduite à une simple affaire de morale ». [19]



Il se trouve que, comme l’auteur lui-même le note, ce trait caractérise le discours des négriers :



« Ce type de discours [économique] permettait d’évacuer les dimensions morales et intellectuelles du débat. » [20]



Il s’inscrit donc directement dans l’héritage de l’idéologie
négrière, dont tout le livre constitue une tentative de réhabilitation
qui semble avoir porté ses fruits.



L’engagement idéologique, au détriment de la prudence du savant,
est confirmé par le caractère catégorique des assertions. Bien loin que
les chiffres de la traite et de l’esclavage soient connus avec
certitude, ils sont toujours hautement hypothétiques et risquent de le
rester définitivement. On s’étonne même de la pauvreté des
connaissances derrière l’apparence de savoir produite par les
répétitions. D’un ouvrage à l’autre, les mêmes informations sont
présentées sans aucun recul critique. L’inventaire, évidemment partiel,
des expéditions n’est qu’un élément qui devrait, loin d’être sacralisé,
être complété par bien d’autres points de vue.



Dans la plupart des colonies américaines, notamment caraïbes, la
population des esclaves était cinq à dix fois plus élevée que celle des
colons. Ces chiffres pourraient utilement être commentés et se prêter à
des projections. Mais non, on fait comme si on savait tout et comme si
le dernier mot avait été dit : l’Histoire est définitivement établie
sur ce point. L’acharnement à soutenir cette clôture est en lui-même
suspect, aucune question historique ne pouvant être considérée comme
définitivement connue. C’est cette assertion qui a été largement
diffusée dans le public, sans aucune réserve critique.



On en sait encore moins sur les traites arabes, mais l’imagination
et les « projections mathématiques » aidant on aboutit à des chiffres
aussi péremptoires. Peu importe que l’on compare, entre autres
sophismes, quatorze siècles de traite arabe et trois siècles de traite
occidentale, l’important est de produire deux chiffres, lesquels seront
ressassés jusqu’à plus soif par tous les mass médias. On est au coeur
de la fonction idéologique du livre. Les deux chiffres, largement
arbitraires – celui de la traite atlantique et celui des razzias arabes
– ont été compulsivement martelés en effet sur tous les plateaux de
télé, débats et même dans les bulletins d’information.



Une histoire se prétendant globale et comparatiste aurait pourtant
dû souligner bien des différences. Les Arabes, nous dit-on, razziaient
souvent pour lever des troupes. Ces razzias devaient donc ressembler
assez aux rafles que faisaient les Français pour recruter des troupes
coloniales au XXe siècle. L’histoire de ces « enrôlements forcés »
reste à faire ; mais on ne les range pas pour autant sous l’appellation
de trafic d’esclaves, même si cela lui ressemblait fort. Par ailleurs
les noirs se sont fondus dans les populations arabes. Cela signifie
qu’ils étaient peu nombreux par rapport à la population globale et que,
même s’il y avait probablement des sentiments xénophobes à leur égard,
il n’y avait pas de doctrine ni de législation racistes et
ségrégationnistes.



La différence fondamentale est là. C’est une différence qualitative
essentielle, qui ne tient pas dans la comparaison des chiffres. La
dénégation péremptoire d’Olivier Pétré-Grenouilleau – « Les anciens
poncifs (du type : la traite est la conséquence d’un racisme à
l’encontre des Noirs) étant aujourd’hui complètement dépassés, il
serait utile de les remplacer par des hypothèses plus scientifiques » –
est d’ailleurs, par son insistance même, l’aveu que l’on a affaire non
à une intelligence mais à une volonté. L’énormité de cette allégation,
démentie par trois siècles de textes racistes – il est vrai passés sous
silence –, n’a choqué personne. Notons, dans cet ordre d’idées, la
curieuse présentation de la communauté noire américaine :



« Aux États-Unis […] la force de la minorité noire s’explique
surtout par la tendance à l’endogamie et par une forte natalité depuis
la guerre de Sécession » [21]



Cette « tendance à l’endogamie », comme euphémisme de la
ségrégation raciste, est vraiment une trop belle perle historique. Que
penserait-on d’un historien de l’Inde qui noterait une « tendance à
l’endogamie » chez les Intouchables ? Il sombrerait sûrement dans le
ridicule.



Les thèses développées par Pétré-Grenouilleau ne sont pas
nouvelles, elles rejoignent celles exposées beaucoup plus grossièrement
et avec beaucoup moins d’efficacité par l’historien raciste [22]
Bernard Lugan, notamment dans son ouvrage Afrique, l’histoire à
l’endroit. Elles s’inscrivent dans un courant minoritaire de
l’historiographie américaine. Ce qui est nouveau, c’est la diffusion
forcenée de ces thèses dans les médias à l’occasion de la sortie de ce
livre.
Le florilège des titres de presse est éloquent en lui-même :



« La vérité (sic) sur l’esclavage » [23]



« Quelques vérités gênantes (sic) sur la traite des Noirs ». [24]



S’y ajoutent les déclarations tous azimuts d’un historien déchaîné. La plus idéologique, sous le titre :



« Traite négrière : les détournements (sic) de l’histoire » [25]



Avec, en bandeau :



« 11 millions d’Africains furent déportés vers les Amériques de
1450 à 1867. Les traites orientales conduisirent à la déportation de 17
millions de personnes ». [26]



Pétré-Grenouilleau y stigmatise, entre autres, en toute objectivité
scientifique, « une certaine gauche tiers-mondiste », au long d’un
article qui est un chapelet d’assertions virulentes non étayées et qui,
avec un peu de recul, paraîtra bientôt assez époustouflant. La plus
scandaleuse de ces assertions est passée comme une lettre à la poste,
devant un public extasié :



« Il faut admettre qu’il s’agit du premier exemple de grand
commerce international entre Blancs, Noirs et Arabo-Turcs, rentable
pour toutes les parties. » [27]



Après ce tir groupé assorti d’une tournée télévisuelle complète sur
les talk-shows supposés culturels, peut-être enivré par tant
d’exhibitions solipsistes pendant plusieurs mois, Pétré-Grenouilleau se
surpasse enfin et dénonce la loi Taubira dans une déclaration haineuse
où il confond (bêtement ? intentionnellement ?) « crime contre
l’humanité » et « génocide » et s’en prend explicitement aux noirs et à
leurs « choix identitaires » [28]. Un collectif d’Antillais ose enfin
protester et porter plainte pour négation de crime contre l’humanité.
Mal leur en a pris. On assiste alors à une mobilisation massive contre
les fanatiques persécuteurs des honnêtes scientifiques. Rebelote dans
tous les médias, sur tous les plateaux de télévision, de la troupe des
historiens indignés se portant au secours du malheureux injustement
persécuté, pétitions pour l’abolition de la loi Taubira, pilonnage de
la bonne parole. N’en jetez plus, la cour est pleine ! Piteusement, le
collectif des Antillais retire sa plainte. Force reste à l’autorité, à
sa « bêtise au front de taureau ».



Post-scriptum Ce texte est extrait du livre d’Odile Tobner, Du
racisme français. Quatre siècles de négrophobie, paru aux Éditions Les
Arènes en novembre 2007. Nous le reproduisons avec l’aimable
autorisation de l’auteure et des éditeurs. le titre Une négrophobie
académique ? est le fait du collectif Les mots ont importants.

Notes

[1] Voici, à titre indicatif, un Florilège négrophobe non-exhaustif tiré du livre d’Odile Tobner :



« Défendons à nos sujets blancs de contracter mariage avec les Noirs. ». Code noir, édition de 1724



« Les nègres sont si naturellement paresseux que ceux qui sont libres ne font rien. » Montesquieu



« Les Blancs sont supérieurs à ces Nègres, comme les Nègres le sont
aux singes et comme les singes le sont aux huîtres. » Voltaire



« Les Noirs vivaient à un stade de civilisation inférieur parce
qu’ils étaient biologiquement inférieurs aux Blancs. » Saint-Simon



« La nature a fait une race d’ouvriers, c’est la race chinoise […]
; une race de travailleurs de la terre, c’est le nègre […] ; une race
de maîtres et de soldats, c’est la race européenne. » Ernest Renan



« Je vous défie de soutenir jusqu’au bout votre thèse qui repose
sur l’égalité, la liberté, l’indépendance des races inférieures.
Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire
ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races
inférieures. » Jules Ferry



« Voici à peu près trente mille ans qu’il y a des Noirs en Afrique,
et pendant ces trente mille ans ils n’ont pu aboutir à rien qui les
élève au-dessus des singes… Les nègres continuent, même au milieu des
Blancs, à vivre une existence végétative, sans rien produire que de
l’acide carbonique et de l’urée. » Charles Richet, physiologiste
français, prix Nobel de médecine en 1913.



« La privation de la lumière du Christ, et même de tout reflet de
cette lumière, a permis à l’esprit mauvais de s’établir en maître sur
cette terre déshéritée de l’Afrique… Les Noirs sont de temps immémorial
livrés sans contrôle à une sensualité abjecte, à la cruauté, au
mensonge. » Teilhard de Chardin



« Quant à l’effort intellectuel que représentent les conquêtes
techniques, l’indigène n’est pas capable de l’évaluer. » Albert
Schweitzer, prix Nobel de la paix en 1952.



« Ces gens, ils viennent directement de leurs villages africains.
Or la ville de Paris et les autres villes d’Europe, ce ne sont pas des
villages africains. Par exemple, tout le monde s’étonne : pourquoi les
enfants africains sont dans la rue et pas à l’école ? Pourquoi leurs
parents ne peuvent pas acheter un appartement ? C’est clair, pourquoi :
beaucoup de ces Africains, je vous le dis, sont polygames. Dans un
appartement, il y a trois ou quatre femmes et vingt-cinq enfants. Ils
sont tellement bondés que ce ne sont plus des appartements, mais Dieu
sait quoi ! On comprend pourquoi ces enfants courent dans les rues. »,
Hélène Carrère d’Encausse, académicienne française.



« En fait, l’équipe de France est aujourd’hui black-black-black, ce
qui provoque des ricanements dans toute l’Europe. Si vous faites
remarquer cela en France, on vous jette en prison, mais il est
toutefois intéressant de noter que l’équipe nationale de football est
composée presque exclusivement de joueurs noirs. » Alain Finkielkraut



« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez
entré dans l’Histoire. Le paysan africain qui, depuis des millénaires,
vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec
la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par
la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet
imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour
l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès. » Nicolas Sarkozy



[2] PUF, 1997



[3] Louise Marie Diop-Maes, Afrique noire. Démographie, sol et histoire, Présence africaine, 1996



[4] Malgré une assertion aussi peu sensée, Philip Curtin a fait des
disciples dans l’histoire de l’esclavage, dont Olivier
Pétré-Grenouilleau, qui ne jure que par lui



[5] Cf. Odile Tobner, Du racisme français, chapitre 2, « Sacraliser le commerce »



[6] Raymond Marin-Lemesle, Le Commerce colonial triangulaire, XVIIIe-XIXe siècle, PUF, « Que sais-je », 1998



[7] C’est-à-dire après l’abolition de l’esclavage



[8] Jean Pouquet, Encyclopaedia Universalis, article « Antilles ».



[9] Chiffres donnés par Jean Derens, article « Terreur », Encyclopaedia Universalis, Thesaurus (2002)



[10] Ce que confirme d’ailleurs Pétré-Grenouilleau : « Le monde
musulman, d’ailleurs, fut loin de ne recruter que des esclaves noirs.
Tout au long de son histoire il puisa également très largement dans les
pays slaves, le Caucase et l’Asie centrale. » On peut y ajouter aussi
le monde méditerranéen



[11] L’historien Marcel Dorigny note cependant l’absence de
bibliographie à la fin de l’ouvrage comme défaut rédhibitoire pour un
ouvrage savant. Il est vrai qu’on aurait alors pu mesurer le caractère
limité des sources de l’auteur, compilation d’historiens qui ont ses
préférences – le contestable et contesté Philip Curtin en tête – ainsi
que ses lacunes, toutes signifiantes. Pas un mot de l’ouvrage, capital
et remarquablement documenté, d’Aimé Césaire : Toussaint Louverture, la
Révolution française et le problème colonial, Présence africaine, 2004



[12] Ces termes sont récurrents et apparaissent dès l’introduction, (page 12).



[13] Rosa Amelia Plumelle-Uribe, La Férocité blanche. Des
non-blancs aux non-aryens, génocides occultés de 1492 à nos jours.
Préface de Louis Sala-Molins, Albin-Michel, 2001



[14] Page 127



[15] Page 135



[16] P. 58. Ainsi ce sont les noirs qui sont la cause de la
disparition des Indiens. CQFD. À vouloir en faire trop, on se dévoile.



[17] Au sens de « gens ».



[18] Page 176



[19] Page 124



[20] Page 261



[21] Page 465



[22] Bernard Lugan soutient en effet la thèse d’une hominisation multiple



[23] Le Nouvel Observateur, 03/03/2005



[24] L’Expansion, 29/06/2005



[25] Le Monde, 06-07/03/2005



[26] Pas de période pour le deuxième chiffre, en toute objectivité
; pas, non plus, l’élémentaire précaution de prudence d’un « selon O.
P.-G. ». On a la foi ou on ne l’a pas



[27] L’Express, 14/03/2005



[28] Dans Le Journal du dimanche, 12/06/2005





Post Scriptum :

Source : http://lmsi.net/spip.php ?article695
Malheureusement pour vous, cet auteur ne minimise en rien l'histoire
des traites négrières. Il fait la synthèse de nombreux travaux réalisés
par des historiens (vous savez ces gens qui font des recherches et qui
n'affabulent pas comme Tobner).

De nombreux historiens travaillent maintenant sur les traites
négrières. Et malheureusemt pour Tobner, les conclusions de leurs
travaux ne correspondent pas aux dires de cette dame. Plutôt que de
s'approprier ces recherches, celle-ci préfère la médisance.
 

Un historien français tente de minimiser la traite des escla

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