EADS, délit d’initié ?
« Le Monde diplomatique »— François Ruffin, « Le scandale Airbus va-t-il devenir l’affaire Lagardère ? », mai 2007.
Selon
Le Figaro du 3 octobre (1),
l’Autorité des marchés financiers (AMF) vient de transmettre au parquet
de Paris une « note préliminaire » concluant que les principaux
dirigeants du groupe European Aeronautic Defence and Space (EADS)
auraient commis un délit d’initiés massif entre novembre 2005 et mars
2006. Tout l’état-major du groupe serait impliqué, y compris les deux
gros actionnaires d’EADS que sont MM. Arnaud Lagardère, patron du
groupe Lagardère, et Manfred Bischoff, patron de DaimlerChrysler.
En mars 2006, quelques jours après des prévisions de retard à la
livraison d’avions Airbus, le ministère des finances, alors occupé par
M. Thierry Breton, autorisa DaimlerChrysler et Lagardère à vendre leurs
titres. L’action s’échangeait entre 31 et 35 euros. Le 14 juin 2006, le
titre, qui avait déjà perdu 4 % le 5 avril, chutait de 26 %, ne valant
plus que 18,73 euros. La bonne affaire pour MM. Lagardère, Bischoff et
leurs amis fut beaucoup moins bonne pour les Etats allemand et français
qui, indirectement, ont hérité des actions dévaluées…
M. Breton, qui a souvent protesté contre les gâchis d’argent public
et le président Nicolas Sarkozy, qui n’a cessé de fustiger les
« patrons voyous » et de réclamer qu’on travaille plus pour gagner
plus, ne manqueront certainement pas, si les accusations portées par
l’AMF sont confirmées, de faire savoir ce qu’ils pensent du
comportement de leur « ami » Arnaud Lagardère.
Quant aux médias qui appartiennent au groupe Lagardère (2) (
Paris Match,
Le Journal du dimanche,
Europe 1, etc.), ils vont assurément donner de nouvelles preuves de
leur indépendance en se montrant aussi prompts à enquêter et à dénoncer
cette fraude de grande ampleur qu’ils le sont à pourfendre les « faux
malades » et les « faux chômeurs ».
(1) Anne Salomon, « Les dirigeants d’EADS accusés de délit d’initié »,
Le Figaro, 3 octobre 2007. On pourra lire tout le dossier du
Figaro :
« Tout l’état-major du groupe aéronautique soupçonné » — « L’État
connaissait la situation » — « Lagardère attaqué en Bourse, crainte sur
les ventes de titres EADS » — « Chronique d’une affaire, des premières
difficultés d’Airbus à la chute du titre ».
(2)
Le Figaro n’appartient pas au groupe Lagardère, mais au groupe présidé par un autre fabricant d’aéronautique, M. Serge Dassault.
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2007-10-03-EADS-delit-d-initie
- octobre 2007