COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°573)
Jeudi 6/09/07
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Dans ce numéro
1.- QUELQUES VERITÉS SUR LA CRISE FINANCIÈRE
Entretien avec Gérard Duménil (membre du
Conseil scientifique d’Attac
France). Propos recueillis par Thierry Brun, pour
Politis (n°965, 30
août 2007, http://www.politis.fr)
2.- LA CRISE FINANCIERE ET SES ENSEIGNEMENTS
Par Jean-Jacques Chavigné (Démocratie &
Socialisme -
http://www.democratie-socialisme.org/) et Gérard
Filoche (D&S, membre du
Conseil scientifique d’Attac France), 25 août
2007
3.- APPEL À LA LIBERATION DES DÉTENUS
POLITIQUES AU MAROC
4.- PROCES DE SEPT PECHEURS À AGRIGENTE (ITALIE)
LE 22 AOUT 2007 -
DÉLIT D’ASSISTANCE À PERSONNES EN DANGER
Par Mouhieddine Cherbib, président de la FTCR
(Fédération des Tunisiens
Citoyens des deux Rives), 20 août 2007
5.- RETOUR SUR LA TVA « ANTI-SOCIALE »
Par Vincent Drezet, économiste, SNUI
(www.snui.fr), membre du Conseil
scientifique d’Attac France
6.- ELARGIR LA COTISATION SOCIALE
par Jean-Marie Harribey, co-président d’Attac
France. Article paru dans
Politis (n° 965, 30 août 2007) –
http://www.politis.fr
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1.- QUELQUES VERITÉS SUR LA CRISE FINANCIÈRE
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Entretien avec Gérard Duménil (membre du
Conseil scientifique d’Attac
France). Propos recueillis par Thierry Brun, pour
Politis (n°965, 30
août 2007, http://www.politis.fr)
Aux Etats-Unis, le désengagement de l’Etat
dans les institutions
fédérales de crédit est responsable de la
récente crise financière,
explique l’économiste Gérard Duménil.
La crise récente du crédit et de la bourse
souligne, une nouvelle fois,
l’ampleur des dérèglements financiers propres
au néolibéralisme. De quoi
s’agit-il ?
Gérard Duménil : La chute des bourses, brutale
mais vite corrigée pour
l’heure, est, en fait, un effet secondaire
d’une crise du crédit. Plus
précisément, d’une crise d’un type
particulier de crédit. La créativité
des institutions financières néolibérales
semble sans bornes. Dès que le
profit est à portée de la main, de nouvelles
procédures sont mises en
place. Et le plus extraordinaire, en
l’occurrence, est la capacité de
ces institutions à reporter une grande partie de
ces risques sur
d’autres agents. On le sait, la croissance de
l’économie des États-Unis
est largement portée par la dépense des
ménages, une consommation folle
des plus riches et une extension sans précédent
ni comparaison du crédit
hypothécaire aux ménages, c’est-à-dire un
stock croissant de crédits à
très long terme au logement (mais qui, dans ce
pays, servent également à
d’autres achats). Les taux d’intérêt sur
ces crédits restent
relativement bas (ce sont les taux d’intérêt
à court terme qui
remontent).
Comment les banques peuvent-elles soutenir cet
endettement croissant ?
Il faut souligner l’importance historique
d’agences fédérales dont la
fonction est de « racheter » aux banques
prêteuses leurs créances sur
leurs clients. Elles portent des noms charmants :
Fannie Mae et Freddy
Mac (1). Leur rôle est allé croissant
jusqu’en 2001, ces agences
détenant alors 38 % de tous les crédits
hypothécaires du pays.
Originellement publiques, elles sont en fait
privatisées, ou en voie de
l’être. Mais leur image est encore celle
d’institutions « garanties »
par le gouvernement : de nombreux agents,
notamment étrangers, n’ont pas
remarqué que ces agences étaient désormais
privées (le Japon est loin).
« Une grave erreur ! », déclarait Alan
Greenspan, Président sortant de
la banque centrale des États-Unis, dans une
déclaration tonitruante de
2004. Et de recommander, de surcroît, la
limitation et le contrôle de
l’activité de ces agences, supposée biaiser
la « discipline du marché ».
Du concentré d’idéologie néolibérale. Tout
va mal pour ces acteurs
traditionnels de la politique du crédit aux
États-Unis. Dans la foulée
du désengagement de l’État, ces agences
souffrent de la jalousie de
nouvelles entreprises entrées dans ce créneau
lucratif. L’activité de ce
nouveau secteur explose depuis quelques années,
alors que celle de
Fannie et Freddy se contracte. De 38 % des
crédits hypothécaires en
2001, les agences fédérales sont revenues à 30
%, le terrain perdu ayant
été gagné par les nouveaux venus. Fannie Mae
vient de perdre un procès
qui lui a coûté 400 millions de dollars.
En quoi est-ce important ?
Parce que ce sont précisément les entreprises
qui se sont engouffrées
dans l’espace ouvert par le désengagement de
l’État, qui sont à
l’origine de la crise ! Un bel exemple de
privatisation et d’ouverture
d’un secteur à l’initiative privée aux
conséquences désastreuses. Mais
deux éléments nous manquent encore pour
comprendre les ressorts de cette
crise. Il faut d’abord savoir que ces agences
et entreprises se
financent en émettant des titres (achetés par
des particuliers ou des
institutions financières, nationaux ou
étrangers). Ces titres sont, pour
une part, « adossés » aux créances
originelles, ce qui signifie que
celui qui les acquiert, achète, en fait, un «
panier » de telles
créances. Les particuliers ignorent souvent le
contenu du panier (c’est
par le même procédé que les banques
états-uniennes ont revendues la
dette du « Tiers-monde », comme l’a montré
le scandale provoqué en
Italie par la vente de la dette argentine à des
ménages, qui en firent
la découverte lorsque ce pays cessa ses
paiements). Mais, si le cœur
vous en dit, vous pouvez acheter ainsi toutes
sortes de crédit, par
exemple les dettes des ménages états-uniens sur
leurs cartes de crédit.
Ce business de « titrisation », comme on dit,
est florissant. Ses agents
se retrouvent dans des conférences gigantesques,
dans des hôtels cinq
étoiles (2). Ils se perçoivent comme les
bienfaiteurs de l’humanité : «
Votre industrie est la clef ouvrant aux rêves de
notre nation »,
déclarait le Président de la très sérieuse
U.S. Securities and Exchange
Commission, à une assemblée de représentants
de ce secteur.
Et le tout fait une crise ?
La dernière pièce du puzzle est que, face à la
chute des taux d’intérêt
sur les crédits hypothécaires, ces entreprises
se sont lancées dans le
financement des « rêves » pavillonnaires de
ceux qui n’ont pas les
moyens de les réaliser, compte tenu de la
stagnation du pouvoir d’achat
qu’organise le néolibéralisme. Une activité
d’autant plus attrayante que
les taux d’intérêt sur ces crédits à risque
(subprime) sont plus élevés.
Réunissons les deux éléments. Premier point :
les risques de prêter à
ces ménages fragiles étaient tels que les
cessations de paiements ont
pris des proportions inattendues. Second point :
des institutions et
ménages imprudents s’étaient rendus
acquéreurs des titres matérialisant
ces créances douteuses. Et voilà que ces
acheteurs, touchés par la
dévalorisation de ces titres, ne font plus
preuve de leur optimisme
usuel sur les marchés boursiers ! La crise du
crédit se transforme en
crise boursière : les cours plongent. On
connaît le dénouement. Deus ex
machina, les banques centrales renflouent les
trésoreries par une
création monétaire ex nihilo.
Peut-on toujours s’en tirer de la sorte, par
des « renflouements » de
court terme ?
Cette crise est, en fait, intéressante par ce
qu’elle révèle
indirectement. Sans entrer dans l’analyse de
l’ensemble des
déséquilibres de l’économie états-unienne
(3), on peut dire qu’elle
montre que les potentialités de croissance de la
dette des ménages de ce
pays atteignent certaines limites. Pour que la
fête néolibérale sous
hégémonie états-unienne continue, faut-il
faire entrer dans la danse une
fraction des ménages qui est bien incapable
d’en supporter le rythme ?
Faut-il rechercher des taux d’intérêt plus
élevés aux frontières du
raisonnables ?
On l’a dit, la dépense des ménages est un
facteur crucial de la
croissance états-unienne. Bloquer l’envolée
des crédits qui leur sont
destinés, ce serait, à court terme, précipiter
la récession qui
s’annonce au lieu d’y remédier, mais
surtout, à plus long terme,
compromettre le maintien des taux de croissance
relativement élevés de
l’économie des États-Unis. Quels autres
leviers pour soutenir alors
l’activité ? Les outils des politiques
macroéconomiques sont déjà en
action. Le déficit public, il est là ; le
dollar faible, il l’est. Les
taux courts vont très probablement être
diminués. Mais les remèdes
s’épuisent. Dans la mondialisation
néolibérale, la croissance se
concentre aux deux extrémités de l’éventail
de la richesse, entre les
États-Unis et des pays dont la main-d’œuvre
est vendue à bon marché,
comme la Chine. C’est un élément central de
la propagande néolibérale.
Imaginez un taux de croissance « français »
aux États-Unis ! Une
perspective insupportable pour le maître du
monde. Quelque chose devrait
alors changer. Mais quoi au juste ? Pour le
meilleur ou pour le pire ?
Jeu 6 Sep - 11:11 par mihou