DiplomatieLa France dans le monde selon Nicolas SarkozyLe
président de la République a prononcé ce lundi matin le traditionnel
discours devant la conférence des ambassadeurs de France. Cette
conférence réunit les 180 chefs de missions diplomatiques et doit durer
jusqu'au 30 août. L’intervention présidentielle était l’occasion pour
Nicolas Sarkozy d’exposer les grandes orientations de sa politique
étrangère. Retrouvez ci-dessous l’intégralité de son allocution.
[url=javascript:francaisRfifrReagir();]
[/url]
Nicolas Sarkozy a prononcé le discours d'ouverture de la 15e conférence annuelle des ambassadeurs.
(Photo : Reuters)
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Le
débat international n'est pas abstrait ou lointain: les menaces
d'aujourd'hui -terrorisme, prolifération, criminalité- ignorent les
frontières ; les évolutions de l'environnement et de l'économie
mondiale affectent nos vies quotidiennes ; les droits de l'homme sont
bafoués sous nos yeux. Guidée par nos valeurs, notre politique
étrangère doit s'appuyer sur une vision claire du monde et des intérêts
que nous défendons. A travers elle, c'est notre identité en tant que
nation que nous exprimons. Or, les Français jettent sur l'état
du monde, le rôle de l'Europe et la place de la France un regard
inquiet. Ils avaient accueilli avec espoir la chute du mur de Berlin et
l'effondrement de l'ordre injuste de Yalta ; les progrès des droits de
l'Homme et de la démocratie ; les promesses d'une globalisation qui,
depuis 1990, a permis de multiplier par deux le PIB mondial et
d'augmenter de 50% le niveau de vie moyen. Ils constatent aujourd'hui qu'à la différence des années qui ont suivi la seconde guerre mondiale,
les dirigeants de ces vingt dernières années n'ont pas réussi à créer un nouvel ordre planétaire,
ni même à adapter efficacement le précédent. Si l'on excepte les rares
moments d'unité de la première guerre du Golfe ou du 11 septembre 2001,
c'est un sentiment, général et justifié, de division et de perte de
contrôle qui domine, dans un monde à la fois global et émietté, fait
d'interdépendances non maîtrisées. Alors que les Etats restent
au cœur du système international, leur capacité d'action se trouve
désormais confrontée à la puissance des acteurs économiques, des médias
ou, pour le pire, des réseaux criminels et terroristes ; confrontée
aussi aux risques de ce début de XXIe siècle : des flux migratoires de
moins en moins maîtrisés ; un bouleversement des équilibres économiques
mondiaux qui accroît la méfiance à l'égard de la globalisation à mesure
que les délocalisations gagnent, de proche en proche, tous les secteurs
d'activité ; ou encore des crises financières, comme celle que nous
venons d'essuyer et qui pourraient se reproduire si les dirigeants des
grands pays ne choisissaient pas de mener une action résolue et
concertée en faveur de la transparence et de la régulation des marchés
internationaux. Face à des crises internationales telles que
celle de l'Irak, il est aujourd'hui établi que le recours unilatéral à
la force conduit à l'échec ; mais les institutions multilatérales,
qu'elles soient universelles, comme l'ONU, ou régionales, comme l'OTAN,
peinent à convaincre de leur efficacité, du Darfour à l'Afghanistan. En
Europe même, les interrogations sont fortes, notamment après le dernier
élargissement : où sont les frontières de l'Union ? De nouveaux
élargissements sont-ils compatibles avec la poursuite nécessaire de
l'intégration ? Plus largement, l'Europe n'est-elle pas devenue la
courroie de transmission des excès de la mondialisation, alors qu'elle
devrait, au contraire, en amortir les chocs et permettre à nos peuples
d'en saisir toutes les opportunités ?
Trois grands défisSur
ce fond d'inquiétude et de désillusion, les Français se demandent ce
que la France peut faire face aux principaux défis auxquels le monde
est confronté en ce début de XXIème siècle. J'en vois trois, dont tout
le reste dépend : -
Premier défi : comment prévenir une confrontation entre l'Islam et l'Occident,
voulue par les groupes extrémistes tels qu'al-Qaeda qui rêvent
d'instaurer, de l'Indonésie au Nigéria, un khalifat rejetant toute
ouverture, toute modernité, toute idée même de diversité. Si ces forces
devaient atteindre leur sinistre objectif, nul doute que ce siècle
serait pire encore que le précédent, pourtant marqué par un
affrontement sans merci entre idéologies. -
Deuxième défi : comment intégrer dans le nouvel ordre global les géants émergents que sont la Chine, l'Inde ou le Brésil ?Moteurs de la croissance mondiale, ils sont aussi facteurs de graves
déséquilibres ; géants de demain, ils veulent que leur nouveau statut
soit reconnu, sans être toujours prêts à respecter des règles qui sont
pourtant dans l'intérêt de tous. -
Troisième défi : comment faire face à des risques majeursque nous sommes, dans l'histoire de l'humanité, la première génération
à identifier scientifiquement et à pouvoir traiter globalement, qu'il
s'agisse du
réchauffement climatique, des nouvelles pandémies ou de la pérennité des approvisionnements énergétiques ? A
ces questions, permettez-moi d'apporter ma réponse, au nom de la
France, et d'abord, de vous dire quelle est mon approche des dossiers
internationaux. Je suis de ceux qui pensent que la marque d'un
homme d'Etat, c'est la volonté de changer le cours des choses. Pour
cela, il faut une volonté inébranlable ; il faut aussi faire partager
ses rêves, ses ambitions et ses objectifs. Je suis de ceux qui
pensent que la France a encore beaucoup à apporter au monde, parce
qu'elle a l'un des peuples les plus dynamiques et les mieux formés,
l'une des économies les plus performantes, une diplomatie et des forces
armées parmi les meilleures. Mais notre pays n'est pas le seul à avoir
de tels atouts et il ne les conservera que s'il réussit à mener des
réformes nombreuses et ambitieuses. J'ai proposé ces réformes au peuple
français ; elles seront toutes mises en œuvre avec détermination, dans
un esprit de concertation et d'ouverture. Je suis aussi de ceux
qui pensent que la France est grande et écoutée quand elle est
rassemblée derrière une vision et une volonté. Les Français m'ont élu
sur un programme clair et détaillé. Ils veulent un Président qui agisse
et obtienne des résultats. C'est vrai à l'intérieur. C'est vrai en
politique étrangère. Ces deux dimensions de mon action sont d'ailleurs
inséparables : la France, pas plus que toute autre nation, n'a de
droits acquis à son statut international ; son message dans le monde ne
restera entendu que s'il est porté par un peuple ambitieux et confiant,
une société réconciliée avec elle-même et une économie performante. Les
réformes que je veux conduire à l'intérieur pour rendre aux Français
foi en l'avenir, moderniser notre économie et adapter nos institutions,
participent de ma vision de la France dans le monde. Je veux une France
plus forte chez elle, car c'est la condition de son influence au-delà
de nos frontières. C'est là, aussi, que réside la cohérence de mon
projet.
[url=javascript:playerAudio('http://telechargement.rfi.fr.edgesuite.net/rfi/francais/audio/modules/actu/R092/sarkozy_conf_france070827','','','','','');]Extrait du discours de Nicolas Sarkozy - I[/url]«Je veux une France plus forte chez elle car c'est la condition de son influence au-delà de nos frontières.»[url=javascript:playerAudio('http://telechargement.rfi.fr.edgesuite.net/rfi/francais/audio/modules/actu/R092/sarkozy_conf_france070827','','','','','');]écouter
1 min
2 sec
[/url]
La France et l'EuropeJe suis de ceux qui pensent qu'il n'y a pas de France forte sans l'Europe, comme il n'y a pas d'Europe forte sans la France. Je
suis de ceux qui pensent que l'émergence d'une Europe forte, acteur
majeur sur la scène internationale, peut contribuer de façon décisive à
la reconstruction de cet ordre mondial plus efficace, plus juste, plus
harmonieux, que réclament nos peuples.
Je suis de ceux
qui pensent que l'amitié entre les Etats-Unis et la France est aussi
importante aujourd'hui qu'elle l'a été au cours des deux siècles
passés. Alliés ne veut pas dire alignés et je me sens parfaitement
libre d'exprimer nos accords comme nos désaccords, sans complaisance ni
tabou. Je suis de ceux qui pensent que les liens
anciens et de tous ordres qui nous unissent aux peuples de la
Méditerranée et, au-delà, de l'Afrique sont un atout, une chance pour
peu que nous ayons l'ambition et la volonté de les organiser et de les
renforcer, en rompant définitivement avec d'anciennes pratiques. Je
suis de ceux qui pensent que notre langue est au cœur de notre identité
et une partie de notre âme ; que la Francophonie et ses solidarités
sont un atout majeur pour tous ceux qui ont le français en partage. Je
suis enfin de ceux qui pensent que la France demeure porteuse d'un
message et de valeurs qui résonnent à travers le monde, ceux de la
déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, de l'humanisme, mais
aussi, plus récemment, de l'humanitaire et du devoir de protéger
incarnés par des hommes tels que Bernard Kouchner, que j'ai été heureux
d'accueillir au gouvernement et de placer à la tête de notre
diplomatie. Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
La construction de l'Europe restera la priorité absolue de notre politique étrangère.Sans Union européenne forte et active, la France ne pourrait apporter
de réponse efficace aux trois défis de notre temps. Sans Europe
assumant son rôle de puissance, le monde serait privé d'un pôle
d'équilibre nécessaire. C'est pourquoi j'ai voulu, en toute
priorité, remettre l'Europe en marche en proposant le traité simplifié
; le succès était loin d'être acquis d'avance ; il a été obtenu grâce à
une parfaite entente franco-allemande, moteur essentiel de l'Union
européenne. Je veux ici rendre un hommage tout particulier à mon amie
Angela Merkel. Le succès doit aussi beaucoup à la Commission et à son
remarquable Président José Manuel Barroso. En réalité, les bonnes
volontés de tous se sont rejointes, car nous avions proposé un scenario
de sortie de crise suffisamment clair et fédérateur. C'est une leçon
pour l'avenir. L'adoption par le Conseil européen de juin d'un
mandat politique très précis a ouvert la voie à une conférence
intergouvernementale technique, qui se bornera à transcrire en forme
juridique notre accord politique, ce qui ne diminue en rien l'ampleur
de la tâche de la Présidence portugaise en qui nous avons toute
confiance. Notre souhait est qu'elle achève ses travaux pour le Conseil
européen d'octobre, afin de permettre une entrée en vigueur du nouveau
traité avant les élections européennes du printemps 2009. L'Europe
étant désormais sortie du blocage du chantier institutionnel qui durait
depuis 10 ans, le moment est venu de poser la question de l'avenir du
projet européen.
Je souhaite que, d'ici la fin de l'année,
soit créé par les 27 un comité de dix à douze sages de très haut
niveau, à l'image de ceux présidés par Werner, Davignon et Westendorp
ou du comité Delors, pour réfléchir à cette question simple mais
essentielle : " quelle Europe en 2020-2030 et pour quelles missions ? ".Les sages devraient remettre leurs conclusions et leurs propositions
avant les élections européennes de juin 2009, pour permettre au
Parlement nouvellement élu et à la prochaine Commission de disposer du
fruit de leurs travaux, en complément du traité simplifié et du travail
de rénovation des politiques de l'Union et de son cadre financier.
L'Europe et la TurquieSi cette réflexion essentielle sur l'avenir de notre Union est lancée par les 27,
la France ne s'opposera pas à ce que de nouveaux chapitres de la
négociation entre l'Union et la Turquie soient ouverts dans les mois et
les années qui viennent, à condition que ces chapitres soient compatibles avec les deux visions possibles de l'avenir de leurs relations :
soit l'adhésion, soit une association aussi étroite que possible sans aller jusqu'à l'adhésion.Chacun sait que cette seconde formule est celle que j'ai prônée pendant toute ma campagne électorale
. Je n'ai pas changé d'avis et
je pense qu'elle sera un jour reconnue par tous comme la plus
raisonnable. En attendant, comme le Premier ministre Erdogan, je
souhaite que la Turquie et la France renouent les liens privilégiés
qu'elles ont tissés au fil d'une longue histoire partagée. La
présidence française de l'Union, dans dix mois seulement, doit dès à
présent mobiliser toutes nos énergies. Pour la réussir, nous devrons
jouer collectif, nous mettre à l'écoute de nos partenaires, tous nos
partenaires. Chacune des capitales de l'Union recevra, avant le 1er
juillet, ma visite ou celle du Premier Ministre. Nous aurons, bien sûr,
des priorités à leur proposer pour faire progresser l'Europe dans les
domaines clés de l'immigration, de l'énergie et de l'environnement.
Trois domaines où les attentes des Européens sont fortes et sur
lesquels j'aurai l'occasion de revenir.
L'Europe de la DéfenseJe
souhaite aujourd'hui mettre l'accent sur le dossier de l'Europe de la
Défense. Bientôt dix ans après l'accord de Saint-Malo, le moment est
venu de lui donner un nouvel élan. Ce qui a été accompli ces
dernières années est loin d'être négligeable puisque l'Union a conduit
une quinzaine d'opérations sur notre continent, en Afrique, au
Proche-Orient, en Asie. Ces interventions démontrent, s'il en était
besoin, qu'il n'y a pas compétition, mais bien complémentarité, entre
l'OTAN et l'Union. Face à la multiplication des crises, il n'y a pas
trop plein, mais bien déficit de capacités en Europe. Je souhaite que
les Européens assument pleinement leur responsabilité et leur rôle au
service de leur sécurité et de celle du monde. Pour cela, nous avons
besoin en priorité de renforcer nos capacités de planification et de
conduite des opérations; de développer l'Europe de l'armement avec de
nouveaux programmes et de rationnaliser ceux qui existent; d'assurer
l'interopérabilité de nos forces; et que chacun en Europe prenne sa
part de la sécurité commune. Mais au delà des instruments, nous avons
aussi besoin d'une vision commune des menaces qui pèsent sur nous et
des moyens d'y répondre : il nous faut élaborer ensemble une nouvelle
« stratégie européenne de sécurité », prolongeant celle adoptée en 2003
sous l'égide de Javier Solana. Nous pourrions approuver ce nouveau
texte sous présidence française en 2008. Notre Livre blanc sur la
défense et la sécurité nationale, dont j'ai demandé l'élaboration dans
les prochains mois, sera la contribution de la France à ce travail
nécessaire.
[url=javascript:playerAudio('http://telechargement.rfi.fr.edgesuite.net/rfi/francais/audio/modules/actu/R092/sarkozy_conf_europe070827','','','','','');]Extrait du discours de Nicolas Sarkozy - II[/url]«Je
souhaite que les Européens assument pleinement leurs responsabilités et
leurs rôles au service de leur sécurité et de celle du monde.»[url=javascript:playerAudio('http://telechargement.rfi.fr.edgesuite.net/rfi/francais/audio/modules/actu/R092/sarkozy_conf_europe070827','','','','','');]écouter
1 min
3 sec
[/url]
Lun 27 Aoû - 21:41 par mihou