Immigration choisie : la sélection des espèces selon Nicolas Sarkozy
(Toubab du 19 mai 2006)
Par Serge BOUMPOUTOU
http://www.toubab.fr/articles/2006/19-05_bsl.php
Les députés ont achevé l'examen du projet de loi du ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy sur l'immigration, qui entend substituer une immigration " choisie " à une " immigration subie ". Pour attirer les étrangers les plus diplômés, la création d'une " carte compétences et talents " a été entérinée. En revanche, pour les autres travailleurs, entre " carte salarié ", " carte temporaire " et " carte saisonnier ", les conditions d'obtention des cartes de séjour sont plus strictement encadrées, et sonnent la fin du principe de régularisation automatique au terme de dix années de présence sur le territoire français. Le vote texte a été adopté en première lecture le mercredi 17 mai, et examiné au sénat les 6 et 7 juin prochain.
Mieux vaudra désormais, pour un candidat à l'immigration en France, être chercheur, artiste ou sportif de haut niveau, que travailleur sans qualification. Globalement, le texte durcit les modalités d'entrée et de séjour des étrangers en France et les conditions requises pour accéder au regroupement familial ; il abroge les régularisations automatiques de " plein droit " après dix ans de présence sur le sol français, et renforce les mesures de reconduites à la frontière. Bien que les risques de déstabilisation de la société ou d'accentuation des discriminations soient réels, les députés ont donné leur feu vert à ce projet qui constitue une réelle sélection des espèces.
La lutte s'annonce plus ferme contre l'immigration clandestine
Le texte abroge la régularisation de plein droit des " sans-papiers " qui vivent sur le territoire français depuis plus de dix ans. La régularisation des situations sera établie au cas par cas par les préfets, après avoir demandé leur avis aux maires. Le ton est plus musclé : tout étranger auquel on aura refusé un titre de séjour, ne sera plus " invité à quitter le territoire dans un délai d'un mois ", mais aura " obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois ". Cette " obligation " sera exécutoire d'office par l'administration : l'étranger en situation irrégulière pourra alors être placé en rétention et conduit à la frontière -sans qu'il soit besoin de lui notifier par ailleurs un arrêté de reconduite à la frontière. Unique, cette décision fixera également le pays vers lequel l'étranger sera renvoyé. Toutefois, un amendement indique que l'étranger à qui est notifiée cette obligation de quitter le territoire disposera de 15 jours pour solliciter un dispositif d'aide au retour.
Quatre types de cartes de séjour
Le projet institue une nouvelle carte, intitulée " la carte compétences et talents ", valable trois ans et renouvelable, pour faciliter l'accueil des étrangers dont " le talent constitue un atout pour le développement et le rayonnement de la France ", comme le relève le texte. Elle s'adresse aux étrangers les plus diplômés (choisis dans leurs pays d'origine par les " Centres d'études en France ") qui souhaiteraient soit travailler soit poursuivre un cursus dans une université française. Cette carte s'adresse également aux artistes et aux sportifs de haut niveau. Pour être autorisés à séjourner en France, les autres travailleurs étrangers devront disposer soit de la " carte salarié ", soit de la " carte temporaire ", soit de la " carte saisonnier ". C'est la fin des derniers espoirs de développement du continent africain.
" Le contrat d'accueil et d'intégration"
Pour obtenir une carte de séjour, il faudra auparavant avoir obtenu un visa long séjour. Tout nouvel émigré, désirant s'établir durablement, devra s'engager à suivre une formation linguistique et civique pour " se conformer aux principes de la République française " : " Le contrat d'accueil et d'intégration ". Il était facultatif jusqu'à présent, il devient obligatoire. Cet article permet, selon l'exposé des motifs du projet de loi " que les étrangers admis à séjourner durablement sur le territoire fassent l'objet en amont, d'un choix par l'autorité consulaire, dans leur pays d'origine ", et soient ainsi " clairement identifiés ". En avant pour l'assimilation pure et simple.
Mariages mixtes et regroupement familial sous contrôle
Désormais lié aux conditions de ressources, de travail et de logement, le rapprochement familial sera plus difficile à obtenir. Par ailleurs, les députés ont entériné la possibilité, en cas de rupture de vie commune (sauf décès), de retirer son titre de séjour à un conjoint arrivé en France au titre du regroupement familial. Les députés ont également discuté de l'acquisition de la nationalité française, et rendu obligatoire la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté de tous les naturalisés. Elle aura lieu sous l'autorité des préfets qui pourront en déléguer la responsabilité aux maires.
Oh la la la la Sarkozy. Ekié !
Bon les gars, après ça. Deux solutions : soit nous marchons pour défendre nos droits, soit nous sommes partis par la fermer un bon moment. A vous de choisir ! Avec tout ça, il n'est pas étonnant que Le Pen se voie déjà au deuxième tour en 2007.
Les sondages incitent également Jean-Marie Le Pen à croire en ses chances. Selon une enquête Ifop publiée en mai 2006, 34% des personnes interrogées affirment que l'extrême droite, incarnée notamment par le Front national, est proche des préoccupations des Français. Le Pen lui-même est crédité par les sondages de 12 à 14% des intentions de vote au premier tour, en 3è position derrière Nicolas Sarkozy et le futur candidat socialiste. Or, un an avant qu'il ne crée la surprise lors de l'élection de 2002, il ne dépassait pas 9%.
Aux Etats-Unis, l'appel des " immigrés latinos " face au ras-le-bol de la société américaine a connu un réel succès le 1er mai 2006. Un vaste mouvement de boycott a été lancé par des organisations de défense des droits des Minorités, au moment où le Sénat débat du projet de loi sur l'immigration. En se tenant ainsi à l'écart de la vie économique du pays, les membres de la communauté immigrée ont pu ainsi montrer leur poids économique, aussi bien du côté de la production que de la consommation.
En toile de fond, comme en France, le projet de loi sur l'immigration en discussion au Sénat. Le texte adopté en décembre par la chambre des représentants prévoit un net durcissement des sanctions contre les illégaux, criminalise le fait de porter assistance à des clandestins et renforce les contrôles aux frontières, avec la construction de mille kilomètres supplémentaires du mur de séparation entre le Mexique et les Etats-Unis. A quelques nuances près l'équation qui nous est donnée à résoudre semble toute similaire. Sommes-nous capables en France d'une telle mobilisation ? Les récentes mobilisations un peu partout en France nous encouragent à pencher dans ce sens.