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 Les limites de l'immigration choisie

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mihou
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mihou


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03062006
MessageLes limites de l'immigration choisie

Les limites de l'immigration choisie
LEMONDE.FR | 09.05.06 | 09h36 • Mis à jour le 09.05.06 | 16h56

L'intégralité du débat avec Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS, mardi 09 mai 2006


Imen : L'immigration choisie ne serait-elle pas à l'origine d'une plus grande frustration encore auprès des populations demandeuses et ne risquerait-elle pas d'augmenter le nombre de clandestins ?

Patrick Weil : Le terme "immigration choisie" est choquant en ce qu'il s'oppose à une immigration dite subie, qui est composée de membres de familles ou de réfugiés. Le droit à une vie familiale normale ou le droit d'asile sont pourtant des choix que la France a faits depuis longtemps et les immigrés qui entrent en France dans ces catégories le font après que des conditions très strictes de leur statut ont été vérifiées. Si le projet de loi actuellement en discussion risque de provoquer plus d'immigrations illégales, c'est en raison de dispositions qui d'un côté mettent en cause le droit à une vie familiale normale, notamment pour des conjoints de Français, et, d'un autre côté, limitent drastiquement la possibilité d'effectuer des régularisations, soit après dix années de séjour illégal, soit en raison de liens de vie privée familiale. De nombreux immigrants ayant des liens de famille s'installeront quand même en France, parce qu'on ne peut pas empêcher durablement un couple de vivre ensemble ou des parents de vivre sans leurs enfants, et ces personnes-là, qui seront des "ni-ni", ni régularisables ni expulsables, leur nombre augmentera à cause de la loi.


Nicolas_s : Pensez-vous que l'application du concept d'immigration choisie va réellement avoir un effet sur l'importance des flux d'immigrés en France ?

Patrick Weil : L'impact de cette loi sur l'immigration de famille sera réel quant au chiffre de l'immigration légale. Il sera moins certain sur le chiffre de l'immigration familiale réelle. Concernant l'immigration de travail, l'usine à gaz que cette loi met en place rendra très difficiles les tâches déjà très lourdes de l'administration, mais il est probable qu'on verra une augmentation de cette immigration de travail, qui a baissé de 20 % sous M. Sarkozy, et qui est à un niveau très bas aujourd'hui.

Alain : Ce matin Michel Godet [économiste, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et membre du Conseil d'analyse économique] écrit que le problème est que "nous subissons une immigration trop centrée sur l'Afrique et le regroupement familial et trop peu ciblée sur le travail" et propose de préférer une immigration d'Amérique du Sud. Il écrit : "Il n'y a plus assez de Portugais pour répondre aux immenses besoins de professionnels dans le BTP, mais il y a des millions de Brésiliens prêts à se tourner vers l'Europe, leur deuxième patrie !" Qu'en pensez-vous ?

Patrick Weil : Je pense que cette immigration dont M. Godet dit qu'elle vient d'Afrique est fondée sur des liens personnels ou sur l'asile politique, et qu'aucun autre dispositif ne peut l'empêcher. Elle est à un niveau très bas, puisque le taux d'immigration familiale vers la France est beaucoup plus bas qu'au Canada, aux Etats-Unis, en Australie, ou même en Suisse. Concernant l'immigration de travail, il me semble que la priorité est aujourd'hui l'ouverture aux ressortissants des nouveaux pays membres de l'UE. La France aurait pu ouvrir complètement son marché du travail à ces ressortissants, comme l'ont déjà fait le Royaume-Uni, l'Irlande, l'Espagne, la Finlande et de facto l'Italie. Elle ne le fait pas alors que tous les syndicats français, y compris la CGT, y sont favorables.

Manu : Une immigration purement "économique" ne risque-t-elle pas d'aggraver le clivage entre salariés français et salariés étrangers ?

Patrick Weil : Dès lors que de nombreux jeunes Français veulent avoir une expérience professionnelle à l'étranger, on doit accepter le fait que c'est dans l'intérêt des entreprises françaises d'avoir des étrangers qui viennent pour acquérir une expérience professionnelle en France. Ces étrangers qualifiés apporteront leurs compétences technologiques ou commerciales au service des entreprises françaises, et donc au service de l'emploi en France. Il y a donc convergence, et non divergence, entre les intérêts des salariés français et ceux des travailleurs qualifiés qui pourraient être recrutés.

Regis : Entre la démagogie de la gauche et les non-sens et fantasmes de l'extrême droite, l'immigration choisie n'est-elle pas une bonne alternative ? Si non, quel modèle existant vous semble le plus intéressant ?

Patrick Weil : Une immigration choisie est un slogan qui n'a aucun sens pratique ou juridique. Le droit d'asile et le droit à une vie familiale normale sont reconnus par la Constitution française et par les conventions et directives européennes. Si M. Sarkozy affiche ce slogan, c'est en partie pour camoufler le fait que sous son règne de ministre de l'intérieur, l'immigration familiale a augmenté de plus de 30 % par rapport à la dernière année de la gauche, et l'immigration de travail a baissé de 20 %. Il n'y avait pas besoin de loi pour permettre plus efficacement aux entreprises de recruter des salariés étrangers. La carte talents et compétences que M. Sarkozy annonce créer dans sa loi existe déjà. Simplement, elle n'a pas été délivrée par les services des préfectures.

Il fallait donc faire ce qu'a fait M. Blair il y a quelques années : réformer l'administration du travail et des préfectures, faire appliquer les instructions qui avaient déjà été données par une circulaire signée du temps de la gauche par Mme Guigou et M. Vaillant, dans lesquelles il était indiqué que dorénavant on pouvait donner une suite favorable aux demandes des entreprises qui voulaient recruter, par exemple, des étudiants étrangers. M. Blair a indiqué il y a quelques années qu'il souhaitait que son administration réponde dans les quinze jours aux demandes de recrutement d'étrangers présentées par des entreprises. C'était ce qu'il fallait faire, sans qu'on ait besoin de changer la loi.

M._M. : Ce qui me choque, c'est que les conjoints étrangers de Français vont devenir - a priori - suspects. Cette loi va s'opposer, dans une certaine mesure, aux mariages mixtes. Est-ce légal sur le plan européen ?

Patrick Weil : Cette loi ne va pas s'opposer aux mariages mixtes, mais elle va rendre la situation du conjoint étranger de Français précaire. Aujourd'hui, après deux années de mariage, ce conjoint étranger obtenait la carte de résident. Le délai va être porté à trois ans, et surtout, cette délivrance ne sera plus automatique après trois ans, elle pourra être reportée indéfiniment. Cette instabilité est à mon avis contraire à la Constitution et à la convention européenne des droits de l'homme.


Miangadu : Je suis Camerounais, je travaille, je paye mes impôts et pourtant je dois me lever à minuit pour faire la queue à la préfecture afin de pouvoir remettre un dossier remis à l'appréciation de personnes au jugement subjectif. Pour moi l'immigration légale a toujours été choisie.

Patrick Weil : Vous avez raison, l'immigration légale a toujours été choisie et contrôlée, et la réforme des services administratifs doit être une priorité de tout gouvernement qui veut améliorer la politique française de l'immigration.

Paul : Pourquoi ne pas régulariser l'ensemble des clandestins comme certains pays ont pu le faire. Je pense notamment à l'Espagne et à l'Italie. On sait très bien que nous aurons besoin, dans les années prochaines, des travailleurs immigrés pour compenser notre perte démographique.

Patrick Weil : Premièrement, la démographie française est meilleure que la démographie espagnole, italienne ou allemande. Deuxièmement, la régularisation n'est pas une politique, c'est l'échec d'une politique. C'est parce que l'Espagne et l'Italie "gèrent" l'immigration avec un système de quotas qui attire une immigration illégale massive qu'elles sont obligées de procéder à ces régularisations régulières. En France, depuis 1998, il y a des mécanismes de régularisation permanente (après 10 ans de séjour, en cas de vie privée familiale, si l'on est parent d'enfants français) qui permettent de régulariser 25 000 à 30 000 personnes par an. C'est ce système que M. Sarkozy met en cause dans sa loi, et cette mise en cause rendra peut-être inéluctable une opération de régularisation à l'italienne ou à l'espagnole.

Davina : Pensez-vous que le vote d'une nouvelle loi sur l'immigration est nécessaire, et dans la négative, le fait qu'une nouvelle loi soit proposée au Parlement ne poursuivrait-il pas plutôt un objectif politique (au hasard, séduire la droite extrême) ?

Patrick Weil : Elle n'était pas nécessaire, et à mon avis c'est effectivement lié à l'agenda politique.

CHAM : M. Sarkozy vous a-t-il consulté en tant qu'expert ?

Patrick Weil : Non, mais il m'a écrit, parce qu'il n'était pas satisfait de mes interventions publiques. Nous avons donc correspondu trois fois : j'ai reçu trois lettres de lui auxquelles j'ai à chaque fois répondu. Le premier échange a été publié par Le Monde en juillet 2005. Les autres lettres n'ayant pas été rendues publiques par M. Sarkozy, je rends publique la deuxième réponse, dans le numéro de la revue Esprit du mois de mai.

Olivier : Certains hommes politiques comme M. de Villiers affirment qu'il faut désormais fermer les frontières, mais les frontières ne sont-elles pas déjà fermées depuis une trentaine d'années ?

Patrick Weil : Est-ce que vous pouvez décemment dire que les frontières françaises sont fermées ? Il y a plus de 80 millions d'étrangers qui franchissent les frontières chaque année, principalement pour faire du tourisme. Il y a 130 000 étrangers qui s'installent légalement en France par an, avec un statut permanent. Le terme "fermeture des frontières" est un slogan politique qui s'appliquait à l'Union soviétique jusqu'à sa chute, ou à la Corée du Nord aujourd'hui, mais certainement pas à la France.

Miangadu : La vraie question n'est-elle pas, comment réformer l'aide aux pays du Sud afin d'endiguer cet afflux massif d'immigrés clandestins ?

Patrick Weil : Bien sûr que le développement du Sud doit être une priorité, mais la politique de l'immigration doit être gérée de façon autonome par rapport aux politiques de développement.

Vincgilles : Les fonds envoyés par les immigrants dans leur pays d'origine dépassent les niveaux de l'aide internationale. La nouvelle loi prévoit-elle ne serait-ce qu'une mesure, dans l'optique du co-développement, basée non seulement sur cet aspect financier, mais encore sur les avantages d'un transfert des compétences acquises par les étudiants sur le sol français à destination des pays du Sud ?

Patrick Weil : Non. Je pense qu'il eût fallu permettre le développement d'un droit à l'aller-retour pour les diplômés de l'enseignement supérieur venus du Sud ayant obtenu un diplôme en France ou en Europe, droit à un visa permanent, recrutements conjoints par des hôpitaux ou par des universités de France ou du pays d'origine. Le projet de loi ne prévoit rien de tout cela.

Imen_1 : De quelle manière la France pourrait-elle avoir un débat honnête sur cette question ? J'ai pour ma part l'impression que nous assistons à une guerre des mots : il s'agit d'immigration "choisie" pour les uns et d'immigration "partagée" en ce qui concerne l'opposition (PS). Pour moi cela reste flou... Est-ce volontaire ?

Patrick Weil : C'est exact que le vrai débat n'a pas lieu, parce que le sujet de l'immigration est encore une fois abordé par le gouvernement sous un angle politique et non pas en considération des contraintes légales, constitutionnelles qui s'imposent et qui limitent le choix des pouvoirs publics. Le sujet de l'immigration est un sujet qui est souvent utilisé à des fins politiques, pour gagner une élection, mais en général, ce sont des calculs qui s'avèrent perdants. Le problème est que la loi qui va être adoptée est inutile et dangereuse, mais que ses effets ne se verront qu'après l'élection présidentielle.
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