Entre Riyad et Damas, le conflit s'aggrave
PIERRE PRIER.
Publié le 23 août 2007
Actualisé le 23 août 2007 : 07h54
http://www.lefigaro.fr/international/
20070823.FIG000000210_entre_riyad_et_damas_le_conflit_s_aggrave.html
musulmans syriens, un quotidien saoudien consomme la rupture.
LE CONFLIT s'aggrave entre la Syrie et l'Arabie saoudite. Le royaume avait
déjà accusé la Syrie de « semer le chaos dans la région », en réponse aux
propos tenus par le vice-président syrien le 15 août. Farouk al-Chara
dénonçait la « paralysie » saoudienne au Proche-Orient, lui reprochant
implicitement son alliance avec les États-Unis. La monarchie ne semble pas
s'estimer quitte. Le grand quotidien national al-Watan publie une longue
interview du chef des Frères musulmans syriens, Ali Sadreddine al-
Bayanouni, qui vit en exil à Londres. Bayanouni se livre à une attaque en
règle contre le gouvernement syrien, le qualifiant de « régime dictatorial et
despotique sans aucun soutien du peuple » et appelant à un « changement
sans délai ».
Le simple fait de donner la parole au secrétaire général des Frères
musulmans équivaut à une déclaration de guerre contre Damas. L'interview
n'a pu être réalisée sans l'assentiment des dirigeants saoudiens, dans un
pays où la presse est sous contrôle. Les « Frères » restent la principale
bête noire du régime syrien. La simple appartenance à la confrérie
islamiste est punissable de mort en Syrie. Sunnites comme la majorité des
Syriens, alors que le pouvoir est centré autour de la minorité alaouite, les
Frères musulmans ont en outre passé des alliances avec l'opposition laïque.
Mauvais présages
Mais au-delà du symbole, l'entretien poursuit, à travers Bayanouni, la
polémique entamée la semaine dernière. Bayanouni traduit en termes non
équivoques la vision saoudienne : selon lui, « les crimes commis par le
régime syrien au Liban et en Irak menacent les pays arabes voisins » et de
ce fait « isolent la Syrie de son environnement arabe ».
Le responsable islamiste désigne le coupable : « L'axe syro-iranien »,
responsable des « crimes sectaires en Irak » et « des opérations
terroristes au Liban, perpétrées par des groupes infiltrés à travers la
frontière syro-libanaise ». Toujours selon Bayanouni, la Syrie cherche ainsi
à « sortir de la crise que constituent pour elle la prochaine élection
présidentielle libanaise et la formation du tribunal international chargé de
juger l'assassinat de Rafic Hariri », l'ancien premier ministre libanais, et de
plusieurs personnalités antisyriennes. Deux sujets qui constituent pour
Damas une « obsession », affirme Bayanouni.
L'Arabie saoudite avait tenté de se réconcilier avec la Syrie, réservant des
égards au président Bachar el-Assad lors du sommet de la Ligue arabe à
Riyad fin mars. La monarchie avait tout fait pour écarter Damas de l'orbite
de Téhéran.
Mais la Syrie n'a rien fait pour aider l'Arabie saoudite, qui lui demandait
d'user de son influence au Liban, en Irak et dans les territoires
palestiniens. Damas continue à jouer son propre jeu, soutenant l'opposition
libanaise et le Hamas palestinien. Damas conteste également l'utilité de la
prochaine conférence de paix sur le Proche-Orient, soutenue par Riyad. La
rupture entre les deux pays, qui paraît consommée, est lourde de mauvais
présages pour le Proche-Orient.