COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°568)
Vendredi 20/04/07
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Dans ce numéro
1.- LA FACE CACHÉE DU CO-DÉVELOPPEMENT
Par Nicolas Sersiron, vice-président du CADTM
France
(http://www.cadtm.org) et Damien Millet,
président du CADTM France,
auteur de L’Afrique sans dette, CADTM/Syllepse,
2005.
2. - LA BANQUE MONDIALE CONTRE L’EDUCATION AU
NIGER
Par Moussa Tchangari, directeur de
l’Association Alternative Espaces
Citoyens, basée à Niamey au Niger.
(http://www.alternatives.ca)
3.- DÉCLARATION FINALE DU FORUM SOCIAL DU
BURKINA
4.- DÉCLARATION DE NYÉLÉNI
5.- APRES LA GUERRE, LA PRIVATISATION DU PÉTROLE
?
Par Adam Novak (Alternatives Quebec).
6.- DE LA CENSURE ET DE L’INFORMATION À
DESTINATION DU PEUPLE
Par Denis Robert, écrivain
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1.- LA FACE CACHÉE DU CO-DÉVELOPPEMENT
Par Nicolas Sersiron, vice-président du CADTM
France
(http://www.cadtm.org) et Damien Millet,
président du CADTM France,
auteur de L’Afrique sans dette, CADTM/Syllepse,
2005.
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Chez les principaux candidats à l’élection
présidentielle française,
l’expression fourre-tout du «
co-développement » fait florès. Pourtant,
le terme est particulièrement discutable : en
quoi ce co-développement
diffère-t-il de l’aide au développement, qui
appartient elle-même à la
pensée néocoloniale ? Car comme l’a écrit
l’historien burkinabè Joseph
Ki-Zerbo : « On ne développe pas, on se
développe. » Les peuples
africains sont privés de leurs propres richesses
au profit d’une
minorité qui s’enrichit démesurément, tant
au Nord que sur le continent
noir, et toute forme de développement est
impossible dans ces conditions.
La plus belle ambition internationale d’un
candidat à l’élection
présidentielle française ne serait-elle pas de
permettre aux populations
africaines d’enclencher le développement
qu’elles auraient elles-mêmes
choisi, en faisant en sorte que, débarrassées
du fardeau de la dette,
elles disposent enfin des leviers de décision ?
Dans ce cas, seulement
pourront émerger un réel espoir d’une vie
meilleure dans leur pays et la
dignité qui leur est refusé depuis des
siècles. Les solutions pour
permettre aux peuples du Sud de construire un
avenir plus juste sont
connues.
L’annulation immédiate de toutes les dettes
extérieures publiques, dont
une grande part est illégitime et odieuse,
rendrait possible la fin de
la domination subie avec une si grande violence
par les populations
africaines, notamment les plus démunies.
Asphyxiés par le remboursement
de la dette, qui représente très souvent plus
du tiers du budget, et par
la captation des richesses par des dirigeants peu
scrupuleux au service
des grandes puissances, les Etats africains sont
donc privés des moyens
financiers de garantir les droits humains
fondamentaux pour leurs
populations.
Un audit des créances de la France sur ces pays,
réalisé par le
gouvernement français avec la participation des
mouvements sociaux,
permettrait de savoir à qui ont profité les
sommes prêtées. Celles ayant
servi à corrompre des dirigeants africains (et
à rétro-corrompre
certains responsables politiques français), à
réprimer des populations
en quête de justice et de démocratie, à
enrichir des sociétés
transnationales ou à élaborer des projets
pharaoniques pour le profit de
dirigeants mégalomaniaques et d’entreprises
amies soutenues par la
France sont nulles et non avenues d’un point de
vue juridique.
Les paradis fiscaux sont au cœur du dispositif,
permettant une évasion
facile de capitaux ainsi soustraits à
l’impôt, ici comme ailleurs. Des
centaines de milliards de dollars, qu’ils aient
été acquis illégalement
ou non, sont dissimulés dans ces trous noirs de
la finance qui sont
moralement injustifiables. Ces paradis fiscaux
sont à nos portes
(Monaco, Andorre, Luxembourg, Suisse, City de
Londres et tant d’autres)
et le gouvernement français peut très
facilement, si la volonté
politique existe, porter le combat contre ce
scandale qui dépossède la
majorité des humains.
La France, quatrième actionnaire de la Banque
mondiale et du FMI,
pourrait utiliser son pouvoir au sein de ces
institutions pour placer
ces questions au cœur du débat public et
promouvoir un changement
radical de ces deux institutions-clés, au
bénéfice des plus démunis.
Actuellement, les conditionnalités qu’elles
imposent à ces pays
empêchent les Etats du Sud de mener une
politique orientée vers
l’amélioration des conditions de vie de leurs
populations. Cette forme
de colonisation économique, qu’on a osé
appeler « bonne gouvernance » et
dont les dirigeants du Sud sont complices, prend
différentes formes qui
frappent de plein fouet les populations pauvres :
- l’ouverture des frontières aux sociétés
transnationales qui
s’approprient une grande part des richesses
naturelles africaines et
rapatrient leurs bénéfices en ne laissant en
Afrique qu’inégalités et
désastres écologiques. Une taxe sur les
bénéfices de ces sociétés et sur
les transactions financières internationales
pourrait s’attaquer aux
inégalités les plus flagrantes du modèle
économique dominant ;
- le « tout à l’exportation », imposé par
les créanciers, au détriment de
l’agriculture vivrière, pour rembourser cette
dette dont le montant n’a
plus aucune réalité économique. Les nouveaux
prêts servent le plus
souvent à rembourser les anciens… Si l’on
sait que la moitié de la
population africaine vit avec moins de 2 dollars
par jour, on sait moins
que 70% de ces personnes vivent dans les
campagnes et sont les premières
touchées par la sous-alimentation.
- la disparition imposée de toute barrières
douanières de protection pour
l’agriculture des pays du Sud alors que les
productions européennes sont
largement subventionnées et particulièrement
polluantes. Elles arrivent
sur les marchés africains à des prix
inférieurs à ceux des productions
locales, empêchant les petits paysans – du Sud
mais aussi du Nord
d’ailleurs – de vivre dignement de leur
travail. La France pourrait
promouvoir à l’échelle internationale un
commerce plus équitable et une
agriculture paysanne, visant avant tout à la
souveraineté alimentaire de
tous les pays.
L’annulation totale et inconditionnelle de la
dette des pays du Sud, un
mécanisme de répartition équitable de la
richesse, la suppression des
paradis fiscaux et une autre architecture
financière internationale
seraient de nobles combats pour une France qui
aujourd’hui prend toute
sa part dans le puissant mécanisme
d’oppression en place. Question
secondaire lors d’une campagne présidentielle,
nous direz-vous ? Rien de
plus faux ! Prétendre gouverner demain la France
dans le respect des
valeurs de justice reconnues par le droit
international sans vouloir
rompre avec la logique néolibérale actuelle ne
peut être qu’une erreur
politique majeure.
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2. - LA BANQUE MONDIALE CONTRE L’EDUCATION AU
NIGER
Par Moussa Tchangari, directeur de
l’Association Alternative Espaces
Citoyens, basée à Niamey au Niger. 4 avril 2006
(Article tiré du site
d’Alternatives : http://www.alternatives.ca)
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Vaste pays d’Afrique de l’Ouest, le Niger est
l’une des victimes
emblématiques des politiques d’ajustement
structurel conduites par les
institutions financières internationales. Sous
l’impulsion de ces
dernières, la pauvreté et la misère ont
enregistré un bond prodigieux en
l’espace d’une vingtaine d’années. Les
services publics, que ce soit en
matière de santé ou d’éducation, ne sont
plus assurés correctement.
Depuis le début des années 1980, la part des
dépenses publiques
consacrées à ces secteurs ne fait que
décliner, alors que le service de
la dette extérieure engloutit une part
importante du budget de l’État.
À la faveur des accords d’ajustement
structurel passés avec les autorités
nigériennes, la Banque mondiale est devenue
l’unique maître d’œuvre de
la politique éducative du pays. L’école
publique a été mise sous coupe
réglée par les experts de ces institutions et
leurs acolytes locaux :
réduction de l’enveloppe des bourses et
allocations aux étudiants et
élèves, privatisation des œuvres
universitaires (cantine, résidence et
transport), remplacement progressif des
enseignants professionnels par
des contractuels sous-payés, arrêt du
recrutement des jeunes diplômés
dans la fonction publique, rehaussement des frais
d’inscription des
étudiants, etc.
Aujourd’hui, deux enfants nigériens sur trois
ne vont pas à l’école,
alors que 80% de la population ne sait ni lire ni
écrire. Au primaire, à
peine 32% des élèves réussissent à l’examen
final de fin de cycle,
tandis qu’au secondaire, sur 1000 élèves qui
y entrent, à peine 160
sortent avec leur diplôme de premier cycle sans
redoublement. Seul 1%
des enfants ont accès à l’enseignement
préscolaire, largement dominé par
le secteur privé. Les frais de scolarité
annuels demandés aux parents
varient de 15 $ dans le public à près de 1000 $
dans le privé.
Selon les statistiques officielles du
gouvernement nigérien, les enfants
issus des milieux ruraux pauvres ont moins de
chance d’aller à l’école
que ceux vivant dans les centres urbains. La
politique éducative dictée
par la Banque mondiale renforce non seulement les
inégalités sociales
entre les centres urbains et les campagnes, mais
aussi entre les filles
et les garçons. En 1999-2000, les filles ne
représentaient que 39% des
effectifs scolarisés, ce qui correspond à un
taux de scolarisation de
27%. Si la tendance actuelle se maintient, la
majorité des filles
nigériennes vont rester analphabètes pendant
des décennies encore.
Si le problème de l’accès à l’école
demeure important, il faut souligner
que le chômage endémique des jeunes diplômés
est encore plus
préoccupant. À l’heure actuelle, le Niger
compte des milliers de
diplômés sans perspectives réelles d’emploi,
alors que le pays a
cruellement besoin de cadres dans tous les
domaines. Après avoir passé
plus de vingt ans de leur vie sur les bancs de
l’école, les jeunes
diplômés n’ont droit à aucun emploi digne de
ce nom. Seuls les plus
chanceux d’entre eux ont droit au service
civique national ou peuvent
devenir « volontaires de l’éducation » - des
contractuels sous-payés qui
remplacent progressivement les enseignants -, des
formes honteuses
d’exploitation de la jeunesse.
Stigmatisée dans les années 1960 comme
l’anti-chambre du fonctionnariat,
l’école nigérienne est devenue aujourd’hui
l’anti-chambre du chômage.
Les produits de cette école ne parviennent pas
à s’insérer dans le tissu
social et économique pour deux raisons
essentielles. La première, c’est
que l’État, principal employeur potentiel, ne
veut plus recruter,
conséquence des critères de discipline
budgétaire imposés par le Fonds
monétaire international et par l’Union
économique et monétaire
ouest-africaine. La seconde, c’est que la
formation dispensée par les
écoles n’est pas adaptée aux réalités
sociales et économiques, et les
filières qui peuvent déboucher sur des emplois
sont strictement
contrôlées par le privé.
Face à cette situation, plusieurs organisations
de la société civile
nigérienne ont décidé d’engager une lutte
résolue pour la défense de
l’école publique. Elles s’insurgent
notamment contre la politique dite
de partage des coûts de l’éducation
instituée par la Loi d’orientation
du système éducatif, une loi scélérate qui
symbolise la renonciation de
l’État du Niger à son devoir d’éduquer.
Jeu 19 Avr - 13:39 par mihou