Ce qu'un ex-premier ministre ne peut dire sur Israël qu'une fois parti à la retraite Dries van Agt
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Rencontre débat au Sénat français avec Dries M. A. van Agt
Ancien Premier ministre des Pays Bas
17 Novembre 2006
organisé par l'Association "Pour Jérusalem",
assocpourjerusalem@yahoo.fr
Merci, Madame la Présidente, mes amis. Mon dis-
cours est intitulé « Un cri pour rendre justice aux
Palestiniens ». Etre invité à tenir un discours dans la
capitale d’un nation qui a enrichi la civilisation avec
la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
est à la fois honorant et inspirant. Il y a plusieurs
raisons convaincantes pour nous soucier de ce qui
se passe dans l’ancienne zone sous mandat anglais.
La première est que son histoire est marquée depuis
plus de 60 ans par des violations graves et constan-
tes aux droits de l’homme fondamentaux, et cela à
grande échelle puisque ces violations sont commises en
effet, aux dépens de millions de gens. Ces violations,
en outre, vont de pair avec de lourdes atteintes au
droit international. Une seconde raison est que nous
avons, en qualité d’Européens, une responsabilité
toute particulière par rapport à l’injustice révoltante
qui se manifeste là bas. Une troisième raison, c’est
que les horreurs dont nous parlons aujourd’hui se
déroulent dans le Proche-Orient et par conséquent au
voisinage des frontières de l’Europe. Ceci nous rend
très vulnérables aux méfaits qui en découlent. Pour
dire les choses plus simplement, ce qui se passe là-
bas présente de graves dangers pour nous.
Commençons par les quelques mots sur la procla-
mation et l’expansion de l’ Etat d’Israël. Dès que les
Britanniques eurent rendu en 1_47 à l’Organisation
des Nations Unies le mandat sur la Palestine, qui leur
avait été confié après la 1er guerre mondiale, l’Assem-
blée générale de l’ONU adopta une résolution visant
à régler le partage de la Palestine : deux Etats indé-
pendants devaient être créés, à savoir un Etat juif et
un Etat arabe. Ceux ci devaient initier ensemble une
union économique. L’ONU devait elle-même prendre
sous sa protection la zone comprenant Jérusalem et
Bethléem. Ces dispositions ont été rejetées par la par-
tie arabe, ce qui n’était pas tout à fait incompréhen-
sible, parce que le territoire pour Israël dans ce plan
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occupait 54% de la zone du Mandat, la partie pour
les Palestiniens par conséquent 46%. Alors, en 1_47,
la population de la Palestine était encore composée
en grande majorité de musulmans et de chrétiens
palestiniens. Au crépuscule du Mandat britannique,
des troupes armées juives commencèrent l’expulsion
des habitants arabes. Lorsque les dernières garnisons
britanniques se retirèrent, et que David Ben Gourion
proclama la création de l’Etat d’Israël, le 14 mai 1_4_,
de nombreux Arabes étaient déjà des réfugiés. A la
fin de l’année 1948, plus de 700 000 Arabes avaient
quitté le territoire d’Israël. Ils avaient émigré, ou bien
ils avaient été expulsés. Et des centaines de milliers
de personnes allaient encore s’y ajouter en 1_67.
Dans l’année qui suivit la proclamation de l’Etat d’Is-
raël, celui-ci étendit son territoire, les 54%, sur plus
des trois quarts de l’ancienne zone palestinienne. Par
conséquent, moins d’un quart de cette zone restait
aux Palestiniens. Telle était la situation déjà en 1_4_-
1_4_. Les pays arabes voisins et l’Irak avaient réagi
furieusement à la proclamation de l’Etat d’Israël et
avaient attaqué ce nouvel Etat. Nous le savons, et
nous savons aussi qu’ils étaient militairement faibles,
divisés par la défiance mutuelle, et que le jeune Etat
d’Israël infligea une défaite cinglante aux assaillants.
La situation actuelle : Israël contrôle toute la Pales-
tine depuis 1_67, ainsi que le plateau du Golan. La
création d’un Etat pour les Palestiniens n’a pas encore
eu lieu. Israël occupe tous les territoires palestiniens
depuis 40 ans. Jérusalem-Est a même été annexée
par Israël, contrairement au droit international. L’oc-
cupation de Gaza et de la Cisjordanie est également
illégitime. Les résolutions de l’ONU ont à plusieurs
reprises, une dizaine de fois, quelques dizaines de
fois même, appelé Israël à cesser l’occupation au nom
de « La Terre pour la Paix ». Mais en vain. Israël a
ignoré toutes ces résolutions, même celles du Conseil
de Sécurité. Le maintien de l’occupation de toutes le
zones palestiniennes est incontestablement illégal.
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Parlons maintenant de la colonisation des zones
occupées
Au fil des années, de nombreuses installations de
colons juifs ont été créées, dans ces zones occupées.
Les colons étaient encouragés et soutenus par leur
gouvernement et leur nombre n’a cessé d’augmen-
ter. Le nombre de colons s’élève à l’heure actuelle à
plus de 400 000. Des terres palestiniennes ont été
confisquées pour les besoins de ces colonies, c’est
bien évident, mais d’autres terrains ont été confis-
qués aussi pour la construction de routes destinées à
leur protection. L’armée israélienne patrouille sur ces
routes réservées aux colons, seulement aux colons,
et à l’armée. En effet, les Palestiniens, notez bien sur
leur propre territoire, ne peuvent pas les utiliser du
tout. Cette colonisation, y compris les équipements
d’infrastructure correspondants, est totalement
contraire au droit international. La politique de colo-
nisation se heurte de front à la IVème convention de
Genève sur le droit humanitaire applicable en temps
de guerre. Cette colonisation progressive viole en
outre la Feuille de route pour la paix et enfreint les
accords d’Oslo. Mais ce qui est encore plus grave,
plus grave que tout cela, pour ne pas dire fatal, c’est
que cette colonisation empêche la formation d’un
Etat palestinien viable. Par conséquent la perspective
d’une paix durable dans cette région s’évanouit. Le
Dr Tanya Reinhardt, citoyenne israélienne, professeur
à l’Université de Tel Aviv, soutient sans détour que la
politique du gouvernement à Jérusalem vise manifes-
tement à fractionner la Cisjordanie occupée. De cette
façon, écrit-elle, il se développe un réseau de prisons
en plein air, de parcelles de territoire encerclées de
tous côtés par l’appareil du pouvoir israélien. Les
Palestiniens évoquent à cet égard les bantoustans,
à savoir les ghettos d’Afrique du Sud sous le régime
minoritaire blanc. La fragmentation des zones pa-
lestiniennes existe, même sans tenir compte de la
politique de colonisation, du fait que l’armée d’occu-
pation a dressé partout des postes de contrôle et par
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conséquent des barrages dans les zones occupées.
Ces dernières sont ainsi morcelées de fait en dizaines
de parcelles distinctes. Le nombre de barrages est
maintenant de 500, peut-être plus. Cette fragmen-
tation, vous le comprenez, est catastrophique pour
ce qui subsiste de l’économie palestinienne. A cela
s’ajoute que les Palestiniens sont souvent humiliés à
ces check-points, et parfois même traités comme des
chiens. Je l’ai vu et entendu moi-même à plusieurs
reprises. Certains jeunes Israéliens qui ont fait leur
service militaire auprès de ces check-points ont livré
des témoignages choquants à cet égard.
Parlons du Mur
Israël a commencé en 2003 la construction d’un
mur de séparation de _ à _ mètres de haut. Ceci à
des fins de sécurité selon les Israéliens, tandis que
les Palestiniens estiment que la fonction du Mur
consiste à renforcer la ségrégation, l’apartheid. Il
s’agit d’un mur impénétrable doté de fossés, de
voies de patrouille, de tours de contrôle et de fils
de fer barbelés sous tension électrique. Pour une
grande partie, cette enceinte a été érigée dans les
territoires palestiniens. Alors, le _ juillet 2004, il y
a 2 ans, la Cour Internationale de Justice a déclaré
illégale cette construction. La Cour a signifié à Israël
d’en cesser aussitôt la construction, de démanteler
ce qui avait déjà été construit, et de dédommager
les Palestiniens sinistrés. Quelques jours plus tard,
l’ONU, l’Assemblée Générale, s’est exprimée de la
même façon, à l’exception de quelques voix : 160
votes en faveur et 4 ou 6 votes contre, et ces 4 ou 6
votes, étaient les votes des Etats-Unis, d’Israël et de
quelques petites îles du Pacifique, que vous ne pouvez
pas trouver sur la carte. Cela veut dire que le monde
entier s’est prononcé. Mais Israël a aussitôt, le même
jour, déclaré ne pas vouloir tenir compte de cette
déclaration, et la construction du mur se poursuit,
se poursuit quotidiennement, à un rythme soutenu.
Nous avons, Monsieur l’Ambassadeur Champenois et
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Ven 13 Avr - 10:00 par mihou