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 Le Darfour et ses faux amis

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mihou
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mihou


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28032007
MessageLe Darfour et ses faux amis

Le Darfour et ses faux amis
Bruno Guigue

C’est une règle d’or du système médiatique : plus la dénonciation de l’indifférence se fait entendre, plus elle contribue à ruiner son propre objet. Indifférente au drame du Darfour, l’opinion mondiale ? En partie peut-être, car ce drame humanitaire n’est hélas pas le seul sur la planète. Mais peut-on en dire autant de la « communauté internationale » ? Hormis le Liban, peu de pays ont récemment bénéficié d’une telle activité onusienne. En trois ans, le conseil de sécurité de l’ONU a adopté onze résolutions sur un conflit qui aurait fait 200 000 victimes depuis le printemps 2003. La dernière en date est la résolution 1706, du 31 août 2006, qui prévoit de transférer à l’Organisation des Nations unies la mission de paix confiée en 2004 à l’Union africaine.

lundi 26 mars 2007
http://www.oumma.com/spip.php?page=imprimer&id_article=2391


Depuis l’adoption de ce texte, un véritable bras de fer oppose le gouvernement de Khartoum à l’ONU qui veut lui imposer l’envoi de plusieurs milliers de « casques bleus ». Défenseur sourcilleux de la souveraineté nationale soudanaise, le président Omar el-Béchir a néanmoins consenti, du bout des lèvres, à la formation d’une force hybride ONU-UA. En attendant, il fait traîner en longueur les négociations, ce qui suscite l’impatience américaine. La secrétaire d’Etat, Condy Rice, a ainsi annoncé que « de nouvelles options étaient à l’étude ». Animant une conférence conjointe avec son homologue israélienne, elle a déclaré que « le Soudan doit comprendre que la communauté internationale ne peut pas rester inactive alors que les gens souffrent ». (AFP, 15 mars 2007)

Si seulement ce message avait une portée universelle, et concernait aussi les Palestiniens sous occupation militaire depuis quarante ans, nul doute qu’il emporterait une large adhésion. Malheureusement, il n’en est rien. La présence de la ministre israélienne des affaires étrangères à cette conférence de presse, au demeurant, délivre un message limpide : la sollicitude américaine pour le Darfour n’a d’égale que sa complaisance pour Israël. Avec la même ardeur, Washington dénonce les atrocités commises par les sbires de Khartoum et fournit à Tel-Aviv les armes lui permettant de terroriser la population palestinienne. Volontairement schizophrène, l’hyperpuissance immunise Israël contre la machine onusienne tout en voulant la déchaîner contre le Soudan.

Le paradoxe est d’autant plus flagrant que la crise du Darfour, en droit international, est une affaire intérieure soudanaise. En Palestine, frappée d’impuissance par le veto américain, la communauté internationale laisse impunie une violation flagrante de la légalité internationale. Au Soudan, elle a pris soin d’étayer la légitimité de son intervention, tandis qu’en Palestine elle s’interdit même d’y songer. L’ingérence internationale dans les affaires intérieures d’un Etat, en effet, tire sa légitimité du soupçon de crimes contre l’humanité. D’où l’importance cruciale, pour l’issue de la procédure, de la qualification des crimes commis. Mais encore faut-il que les instances internationales aient été saisies.

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a été officiellement saisi, à juste titre, de la situation qui prévaut au Darfour. A peine créée, cette nouvelle institution internationale a trouvé dans le drame soudanais un champ d’action privilégié. C’est le rapport de la mission d’évaluation du CDH, remis le 12 mars 2007, qui a provoqué le récent durcissement de la politique américaine. Dénonçant à nouveau « des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité » au Darfour, le rapport est particulièrement accablant pour Khartoum.

La résolution de l’assemblée générale du 15 mars 2006, qui a créé le Conseil des droits de l’homme, affirmait « qu’il importe d’assurer l’universalité, l’objectivité et la non-sélectivité de l’examen des questions relatives aux droits de l’homme, et de mettre fin à la pratique des deux poids deux mesures et à toute politisation. » Un vœu pieux, assurément, car il y a peu de chance de voir la politique israélienne dans les territoires palestiniens soumise à une enquête similaire du Conseil des droits de l’homme.

Souvent stigmatisée pour sa prétendue pusillanimité à l’égard du Soudan, l’ONU y déploie, au contraire, une activité d’autant plus fébrile qu’elle veut exorciser son impuissance passée face au génocide rwandais. Usant tour à tour de la menace et de la persuasion, cette action diplomatique s’accompagne, de surcroît, d’une véritable action judiciaire. Le 15 mars 2005, le conseil de sécurité de l’ONU a déféré la situation au Darfour au procureur de la Cour pénale internationale. Une liste de 51 chefs d’accusation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité fut livrée en pâture à l’opinion publique, exerçant une pression considérable sur les autorités soudanaises et leurs alliés locaux. Car même si les noms des présumés coupables n’ont pas été divulgués, nul n’ignore que de hauts dignitaires soudanais figurent sur cette véritable liste noire.

Aide humanitaire massive, avalanche de résolutions, saisine de la CPI : cette débauche de moyens s’est avérée jusqu’ici d’une efficacité douteuse. Elle eût été impensable, en tout cas, sans le puissant aiguillon de la politique américaine. Le Darfour cumule trois avantages, il est vrai, de nature à susciter un réflexe compassionnel outre-Atlantique : il est géographiquement éloigné (exotisme propice à l’épanchement), son malheur est étranger à toute influence américaine (bonne conscience garantie), il est victime de la cruauté supposée du monde arabo-musulman (confort idéologique assuré). Du coup, il n’est pas étonnant que 50 000 personnes aient défilé à Washington en avril 2006 contre le « génocide » du Darfour, soit autant que lors du dernier défilé contre la guerre en Irak.

Don Cheadle, George Clooney, Angelina Jolie, le Congress Black Caucus, le musée de l’Holocauste, les associations juives, les milieux chrétiens évangélistes : la vaste coalition « pour sauver le Darfour » affirme représenter 130 millions de personnes à travers 178 associations. Les plus dynamiques sont incontestablement les associations juives. Mais les institutions mémorielles sont aussi de la partie. Ainsi « l’Initiative de prévention du génocide du musée de l’Holocauste », à Washington, qui s’est fixé pour mission d’ « honorer la mémoire de l’Holocauste en agissant contre les génocides contemporains ». Elle a décrété une « urgence spéciale » pour le Darfour en 2004, après avoir conclu que « les victimes étaient ciblées en raison de leur origine ». L’administration Bush lui a aussitôt emboîté le pas en qualifiant la guerre civile au Darfour de « génocide », alors que l’ONU et les Européens parlent de « crimes contre l’humanité ». (Libération, 20 mars 2007)

En France aussi, un mouvement d’opinion médiatiquement orchestré se dessine en faveur du Darfour. Julien Clerc prête sa voix à un message vidéo au profit de l’appel lancé par Bernard Kouchner dans Le Pèlerin pour l’ouverture de « couloirs humanitaires ». Artistes et intellectuels se rassemblent autour du collectif « Urgence Darfour » qui, précise Libération, « compte des francs-maçons, des chrétiens, des associations juives, noires (le CRAN), mais quasiment pas d’Arabes ou de musulmans ». Le Nouvel Observateur s’associe avec enthousiasme à l’appel lancé par « Urgence Darfour » au Parlement européen en faveur de l’envoi d’une « force de protection internationale ».

Bernard-Henry Lévy, lui, publie cinq pages touffues dans Le Monde après avoir erré une semaine en 4/4 climatisé à la frontière tchado-soudanaise. Participant à la soirée organisée par le collectif « Urgence Darfour » le 21 mars, Ségolène Royal et François Bayrou ont signé un « engagement en huit points pour sauver le Darfour ». Les autres candidats à l’élection présidentielle s’empressent d’en faire autant. Pour finir, un message du président de la République lu par BHL a menacé le Soudan de « sanctions » si les « exactions » se poursuivent. C’est « le réveil des consciences », résume Libération.

Si cette mobilisation avait pour effet d’améliorer le sort des habitants du Darfour, qui refuserait sincèrement de s’en réjouir ? Mais c’est peu probable. D’abord parce que ces initiatives médiatiques reposent souvent sur une analyse erronée de la situation. Ensuite, parce que cette partialité dans l’analyse produit précisément l’inverse de ce quelle prétendait obtenir. En proférant des généralisations abusives, on fournit à Khartoum le prétexte idéal pour justifier son immobilisme. C’est le cas, par exemple, lorsqu’on ressasse le réquisitoire simpliste contre « les milices arabes issues des tribus nomades qui massacrent les populations du Darfour au seul motif qu’elles sont négro-africaines ».

A entendre d’authentiques spécialistes de la région, ce genre d’assertion mérite d’être sérieusement nuancé. Certes, un certain « racisme » à l’égard des populations périphériques est le fait d’une partie des élites soudanaises d’origine arabe vivant dans la vallée du Nil. Détentrices du pouvoir à Khartoum, elles sont les véritables commanditaires des exactions commises par les miliciens « janjawids », ces « cavaliers diaboliques » qui font régner la terreur dans les zones rebelles. Mais les « janjawids », eux, sont aussi noirs que leurs victimes, explique Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du Soudan : « pour moi, tout le monde est noir dans cette histoire. La notion de racisme n’a pas sa place. Les milices tribales janjawids sont des mercenaires qui ne se revendiquent pas du tout arabes. Ils ne sont pas le vrai problème. En exagérant, on pourrait dire que ce sont des pauvres qui se battent contre des pauvres. » (Afrik.com, 16 juillet 2004)
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Le Darfour et ses faux amis :: Commentaires

mihou
Re: Le Darfour et ses faux amis
Message Mer 28 Mar - 10:25 par mihou
Rien n’est plus pernicieux, par conséquent, qu’une racialisation intempestive de la grille de lecture appliquée au conflit. Elle occulte le fait que toutes les ethnies vivant au Darfour, en réalité, ont été arabisées et islamisées au cours d’un long processus historique. Les tribus nomades du nord-Darfour, les Bagaras, l’ont été avant les autres, mais toutes utilisent l’arabe, même si elles continuent de pratiquer les parlers africains. Au surplus, le brassage multiséculaire des populations interdit de faire des distinctions « raciales » que les mariages interethniques ont rendu imperceptibles. « Tout autant victimes de la discrimination sociorégionale que leurs concitoyens noirs, les Bagaras ne se trouvent du côté des élites tueuses de Khartoum que par le jeu de la fausse conscience d’une arabité plus fantasmée que réelle », explique Gérard Prunier, chercheur au CNRS. (Le Monde diplomatique, mars 2007)

Ces milices manipulées par le gouvernement soudanais, du coup, sont loin d’être l’expression armée des « pasteurs nomades arabes ». Repris de justice libérés contre la promesse d’un engagement milicien, ex-déserteurs de l’armée gouvernementale dans le sud, membres des tribus chamelières victimes de la sécheresse, ressortissants de certaines ethnies négro-africaines qui attendent une rétribution pour leur ralliement : la composition des milices « janjawids » est extrêmement variée. Marc Lavergne y voit même un « lumpenprolétariat » (« prolétariat en haillons », selon la célèbre formule de Karl Marx), cyniquement utilisé par Khartoum pour « chasser les habitants du Darfour et installer à leur place de grandes fermes mécanisées confiées à des entreprises agricoles ou à de grandes familles ». Inversement, on oublie souvent de le mentionner, la principale ethnie arabe du Darfour (les Bagaras Rezeigats) a créé son propre mouvement de guérilla antigouvernementale pour protester contre la misère des populations et l’incurie de Khartoum.

Cet entrelacs de faits qui paraissent contredire les idées reçues devrait donc inciter à la prudence dans l’analyse. Les mêmes précautions méthodologiques, en outre, devraient être employées lorsqu’on aborde la dimension religieuse. Au Darfour tout le monde est musulman, et le conflit n’a aucune connotation religieuse. C’est l’une des différences majeures avec la sanglante guerre civile qui opposa Khartoum et la rébellion sudiste entre 1983 et 2005. Mais cette évidence ne gêne nullement BHL.

De passage au Darfour, le philosophe itinérant a eu une révélation : « J’ai vu, en fin de compte, peu de mosquées dans ce Darfour dévasté. Je songe que je n’ai pas croisé de femmes voilées. Je repense à l’école bombardée de Deissa, où l’on m’a montré les classes de filles à côté des classes de garçons. Et l’idée me vient que c’est peut-être là, après tout, un autre trait de cette guerre -et une autre raison, surtout, de se mobiliser : islam radical contre islam modéré ; le régime qui, à la fin des années 90, donnait asile à Ben Laden contre des populations musulmanes rebelles à l’islamisme ; au cœur de l’Afrique, dans les ténèbres de ce qui peut devenir, si nous ne faisons rien, le premier génocide du XXIème siècle, un autre théâtre pour le seul choc des civilisations qui tienne et qui est celui, nous le savons, des deux islams. » (Le Monde, 12 mars 2007)

Décidément, on ne voit que ce qu’on a envie de voir. Mais plus grave encore, on procède à la reconstruction imaginaire d’une réalité qui est toute différente. Le conflit du Darfour a éclaté en février 2003 avec la rébellion de deux groupes armés, le Mouvement pour la Libération du Soudan (MLS), puis le Mouvement pour la Justice et l’Egalité (MJE). Doté d’une réelle influence politique, ce dernier est d’obédience islamiste, et même suspecté d’être proche d’Hassan-al-Tourabi, chef de file des Frères musulmans et ex-éminence grise du régime issu du coup d’Etat militaire de 1989. A l’inverse, le pouvoir soudanais a clairement pris ses distances avec l’islamisme radical au lendemain des attentats du 11 septembre. Le président Omar-el-Béchir a évincé le courant « tourabiste », et Khartoum a fini par accéder au rang de partenaire des Etats-Unis dans la lutte contre Al-Qaida.

Le Soudan expiait de la sorte ses compromissions passées avec Ben Laden, et présentait une apparence respectable dans la perspective d’un accord de paix dans le sud. En tout cas, s’il y a des « islamistes » au Darfour, ils sont manifestement dans les deux camps. Une situation complexe qu’a récemment résumée Rony Brauman : « il ne s’agit pas d’un conflit entre islamistes extrémistes et musulmans modérés. Le front de résistance, à peu près uni jusqu’en 2006, s’est fragmenté en une douzaine de groupes qui se combattent entre eux tout en continuant à lutter contre les forces gouvernementales et les milices. Parmi les plus acharnés, parce qu’ils estiment que le Darfour ne leur a pas fait la place qu’il convenait, il y a les islamistes radicaux. » (Le Nouvel Observateur, 15 mars 2007)

Pourquoi, dans l’axiologie du conflit, privilégier de manière systématique la grille de lecture ethnique et religieuse ? Et ne pas se résoudre à considérer le conflit du Darfour, d’abord, comme un conflit politique ? « Les mouvements de libération, expliquait Marc Lavergne en 2004, ne revendiquent ni l’indépendance ni l’autonomie, mais un meilleur partage du pouvoir et des ressources. Ils considèrent que leur région est défavorisée par rapport à d’autres, en particulier celles du centre. La rébellion a éclaté, entre autres raisons, parce qu’un accord était sur le point d’être conclu entre Khartoum et la rébellion sudiste. Les gens du Darfour ont peut-être été tentés d’imposer, comme les gens du sud, un partage du pouvoir et des richesses. La répression a été disproportionnée. L’armée est intervenue avec des bombardements massifs, et le pouvoir a fait appel à des milices tribales, les janjawids. » (Le Nouvel Observateur, 5 août 2004)

Conflit politique entre un pouvoir accapareur et une région déshéritée, entre un centre hégémonique et une périphérie livrée à elle-même, la guerre du Darfour est une véritable tragédie. Le gouvernement de Khartoum, à l’évidence, porte une lourde responsabilité dans ce désastre, auquel les populations civiles paient un lourd tribut. Sur le sombre bilan de cette guerre, les estimations divergent, mais le chiffre de 200 000 victimes est retenu par l’ONU. Selon Rony Brauman, « on peut estimer que durant la période la plus violente, du printemps 2003 à l’été 2004, entre 30 000 et 70 000 personnes ont été tuées. Auxquelles il faut ajouter, comme dans tous les conflits, les victimes de la surmortalité provoquée par la malnutrition, soit 200 000 personnes environ. » (Le Nouvel Observateur, 15 mars 2007)

C’est une guerre civile terriblement meurtrière pour une région qui compte environ 7 millions d’habitants. Mais peut-on parler pour autant de génocide ? Pour l’ancien président de MSF, « ce n’était pas l’enjeu de cette guerre. A aucun moment, les dirigeants soudanais n’ont tenu des propos évoquant l’idée de détruire un groupe donné. Ils veulent marginaliser ce peuple et le garder sous la botte, c’est indiscutable. Mais pas l’exterminer. » 30 000 à 70 000 victimes directes des tueries commanditées par Khartoum, c’est un chiffre terrifiant et révoltant. Mais guère plus que les 30 000 morts provoquées par l’invasion israélienne du Liban, en 1982, dans un pays qui comptait à peine 3 millions d’habitants. Et aucun Conseil des droits de l’homme, ni aucune Cour pénale internationale n’a cru bon d’en blâmer les dirigeants israéliens.

Orchestrée par les médias américains, l’accusation de « génocide » permet de stigmatiser un régime arabe ayant longtemps flirté avec l’islamisme. Elle vise aussi à accréditer l’idée d’une intervention musclée des pays occidentaux. Mais hormis « l’hybridation » entre forces de l’ONU et forces de l’UA, dont Khartoum a accepté le principe, cette solution militaire a-t-elle un sens ? Comment une intervention étrangère, dans une région grande comme la France, aurait-elle la moindre chance de succès ? Le réflexe compassionnel occidental débouchant sur l’envoi d’un corps expéditionnaire : gardons-nous, ici comme ailleurs, de ce couple infernal.

Les partisans enthousiastes de la « solution militaire », outre qu’ils comptent sur les autres pour se faire trouer la peau, sont pour le Darfour de véritables faux amis. Non contents de réduire à sa dimension ethno-religieuse la perception du conflit, ils s’inscrivent dans un courant dominant dont la lutte contre « l’islamo-fascisme » constitue l’article de foi. Apologistes du bombardement humanitaire en Irak et supporters délirants de la « démocratie israélienne », ce sont eux qui fournissent à la politique néo-impériale de l’administration Bush ses cohortes d’idiots utiles.

Cumulant les infortunes, la population du Darfour voit ainsi s’ajouter à ses misères l’encombrant soutien de ceux qui applaudirent aux massacres israéliens en Palestine et au Liban, s’extasièrent sur les prouesses des B 52 en Irak, et considèrent toujours Abou Ghraib et Guantanamo comme de simples commissariats de police. Coincée entre les associations juives américaines et les intellectuels organiques hexagonaux, la cause du Darfour aura du mal à se faire entendre en dehors de la sphère d’influence des médias occidentaux. Il est infiniment regrettable que ses défenseurs les plus sincères ne l’aient pas compris, comme est particulièrement scandaleux le silence complaisant du monde arabe à l’égard des responsabilités de Khartoum dans la tragédie du Darfour.

A l’évidence, la seule solution au conflit est de nature politique. Le Darfour n’est pas un Etat indépendant, mais une région du Soudan. Toute démarche reposant sur le déni de la souveraineté nationale soudanaise conduira à une impasse. Catastrophique, la situation humanitaire au Darfour justifie une intervention massive de l’ONU pour nourrir et protéger les populations. Mais cette intervention doit surtout obtenir des parties en présence un accord politique permettant de mettre fin aux combats.

Simultanément, seule une pression de la communauté internationale peut infléchir Khartoum, mais à condition qu’elle n’apparaisse pas comme discriminatoire à l’égard d’un Etat arabe. Les imprécations anti-soudanaises des lobbies pro-israéliens relèvent d’une indignation sélective qui fait la différence entre « bonnes victimes » au Darfour et « mauvaises victimes » en Palestine. Mais surtout, et c’est plus grave encore, elles desservent la cause du Darfour sur la scène internationale, où Khartoum a beau jeu d’invoquer la solidarité arabe contre l’ingérence occidentale et la politique des « deux poids, deux mesures ».

A l’issue de son équipée dans les pick-up du Mouvement de libération du Soudan, BHL a proposé dans les colonnes du quotidien Le Monde de livrer des armes à cette fraction irrédentiste de la guérilla. Rejetant les accords de paix signés à Abuja sous la houlette de l’ONU en mai 2006, le MLS poursuit le combat au côté des « islamistes » du Mouvement pour la Justice et l’Egalité. Peu importe que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ait accusé la guérilla, elle aussi, de crimes contre l’humanité, ni que le retour à la table des négociations soit l’unique issue à la guerre civile. Indécrottables, les muscadins fortunés de la philosophie et les chantres hypocrites de l’humanitaire appellent leurs protégés à se battre jusqu’au bout, et pour les convaincre, ils leur promettent monts et merveilles. Véritables héros par procuration, ils sont prêts à se faire tuer jusqu’au dernier Darfouri.

Bruno Guigue


Diplômé de l’ENS et de l’ENA

Auteur de "Proche-Orient : la guerre des mots", L’Harmattan, 2003

http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2007-03-26%2010:47:57&log=invites
mihou
L'Afrique, les Noirs et le Darfour
Message Mer 28 Mar - 10:26 par mihou
L'Afrique, les Noirs et le Darfour
MNH

Quel est le lien entre la tragédie du Darfour au Soudan et les attaques dont sont victimes les Noirs en France et dans d’autres pays occidentaux ?

De prime abord aucun, mais souvenons-nous, chers frères et sœurs, qu’il fut une époque, où nous étions appelés « nègres », nous ne pesions pas dans les instances internationales et Marcus Garvey tentait de rendre avec beaucoup de succès une visibilité internationale aux réalités du monde noir.

D’autres leaders africains ou antillais transformaient des siècles de frustration et de honte accumulée du fait des lois du « code noir » et des théories de Willy Lynch en des concepts plus positifs que sont le panafricanisme ou de négritude.

Pendant que des théories racistes élaborées par l’Occident suprémaciste et génocidaire conduisait notre communauté à sa destruction, des hommes et des femmes courageux surent nous amener à porter sur nous-mêmes un regard de fierté sur la beauté et la diversité du peuple noir, peuple originel.
Ayant fait ce travail de nous accepter comme Noirs (ou Kamit pour reprendre l’appellation originelle), nous fûmes en mesure de considérer toute personne « mélanisée », donc descendant d’africain, comme membre à part entière de l’immense famille kamit.
La diaspora noire
Ainsi, dans les années 60, rien ne pouvait affecter le continent mère l’Afrique en laissant les Noirs de la diaspora américaine, européenne ou antillaise indifférents. Rien ne pouvait se passer aux Etats-Unis, en France, au Vietnam, au Brésil, à Cuba ou aux Antilles qui n’interpella les Noirs du monde entier.
Pourquoi en était-il ainsi ?
Parce que le système nerveux qui reliait les Noirs sur la base d’une origine commune, fonctionnait pleinement et par conséquent, aucune souffrance ne pouvait affecter un Noir sur un point du globe, sans que les leaders de nos communautés ne se mobilisent par ailleurs.
Lorsque les malins vecteurs d’une civilisation criminelle, se mirent à assassiner nos loyaux représentants politiques, syndicaux, spirituels et intellectuels, les relais du monde noir se disloquèrent et nous cessâmes de nous sentir appartenir à cette majorité d’humains que représentent les Kamit.
Après la disparition des piliers de nos communautés, les leucodermes et autres Hyksôs commencèrent l’œuvre de destruction qui consista à changer notre langage, notre système de valeurs, afin de modeler à leur convenance la perception que nous avons de nous-mêmes.
Un demi siècle plus tard, nous avons perdu la maîtrise de notre histoire, de nos valeurs et même de notre alimentation. Nous sommes la majorité sur terre, mais nous acceptons le qualificatif de « Minorité » que les régimes occidentaux nous attribuent dans les différents pays ou nous résidons. Les plus zélés d’entre nous sautent le pas en s’affublant de qualificatifs comme « African-american » ou « Afro-européen » ou encore « Créole métissé », accentuant ainsi ce sentiment de non-appartenance au peuple noir qui, faut-il le rappeler, est le peuple originel et nous sommes majoritaires sur cette planète.
Le système nerveux qui unissait tous les Noirs du monde étant détruit, des génocides comme ceux du Rwanda ou du Darfour peuvent survenir dans l’indifférence totale des Noirs.
Nous ne sommes plus sensibles aux souffrances qui affectent d’autres Noirs à d’autres endroits de la planète. Quelquefois, il y a de timides réactions pour s’indigner des rafles d’enfants africains ou pour demander la condamnation des propos négrophobes tenus par certains Juifs dans les média nationaux. Il y eut aussi quelques tentatives de sympathie à l’égard des victimes de l’ouragan « Katrina » aux Etats-Unis. Mais globalement, nous marchons tête baissée, pétrie par le néant des sociétés occidentales et dans l’indifférence des maux qui affectent d’autres Noirs en Haïti, au Costa rica, en Colombie, au Nicaragua, au Brésil, au Paraguay, au Guatemala, à Puna, en Russie, à Bruxelles, à Paris, au Congo, au Zimbabwe, en Martinique ou à Washington-DC.
Le langage a changé nos jugements puisque nous ne regardons plus ces femmes, ces hommes et ces enfants noirs qu’avec la distance qui nous éloigne de leurs pays.
Les Noirs et le Darfour
Pour revenir au cas du Darfour au Soudan, 95% des délégations en mission de paix et qui viennent parader dans nos média nationaux sont des « leucodermes ». Nous ne doutons pas de leur sincérité mais nous constatons simplement que les problèmes qui affectent certains de leurs congénères sans emploi ou sans domicile ou vivant dans les banlieues-bidonvilles ou encore assassinés par des policiers les interpellent moins. Si les délégations noires n’apparaissent pas, c’est tout simplement à cause du boycott que subissent les Noirs dans les média français par exemple.
Mais qu’est-ce le Darfour dans l’échelle de la souffrance mondiale ?
Les chiffres qui circulent parlent de 180.000 morts et quelques 2 millions de personnes déplacées sur une population de 42 millions d'âmes. A titre de comparaison (terme que nous trouvons impropre ici), 3,5 millions de Congolais sont morts ces 3 dernières années, pour le plus grand bénéfice des compagnies pétrolières : silence média.
Au nord de l’Ouganda, où des centaines de milliers de villageois et d’enfants sont obligés de s’enfuir de nuit, évitant les rebelles qui cherchent à les enrôler pour attaquer le gouvernement de Kampala : silence média.
Mais pourquoi le soudan ?
Depuis 15 ans, le gouvernement de Khartoum est la cible des gouvernants occidentaux qui veulent le renverser, les Etats-Unis en tête. Cette ténacité vient du fait que le Soudan a successivement abrité des mouvements de la résistance palestinienne, puis Oussama Ben Laden.

Par-dessus tout, le pouvoir islamique soudanais refuse de reconnaître Israël.
La raison invoquée par les gouvernements occidentaux et les ONG qui œuvrent pour le changement de régime au Soudan est le génocide des Noirs et leur mise en esclavage par des Arabes.

Examinons un instant ces arguments.
Outre le fait que les Occidentaux font peu de cas de leurs responsabilités pour les 500 ans de déportations des Africains et de mise en esclavage des descendants d’Africains, les termes utilisés font fi du métissage qui s’est opéré entre les populations arabe et négro-africaines. Le Soudan d’aujourd’hui est un pays musulman mais dans lequel la ségrégation n’est pas raciale (les Noirs représentant environ 60% de la population), mais plutôt linguistique (entre ceux qui parlent Arabe et les Nubiens ou autres Nilotiques du Sud).
Pourquoi nos média ne nous montrent pas les images des membres du gouvernement soudanais, la peur de découvrir que Omar Hassan Ahmed El-Bechir, le président soudanais, est Noir comme ses autres co-disciples ?
Nul ne nie que les Arabes ont opéré des razzias et esclavisé des Africains, mais utiliser cette rhétorique pour justifier des agendas cachés est une préparation habile à laquelle les « leucodermes » nous ont habitués pour s’interposer par la suite comme les « véritables sauveurs » du peuple Noir.
Souvenons-nous, Il y a 12 ans, des leaders tels que Jerry John Rawlings du Ghana, Kenneth Kaunda de Zambie, Daniel Arap Moi du Kenya, Yoweri Museveni de l’Ouganda et John Garang du sud Soudan. Pendant 20 ans, ces leaders ont combattu le gouvernement autocratique de Khartoum, pour une meilleure justice au Soudan qui tienne compte des aspirations des minorités chrétiennes et animistes du sud du pays.

Ces leaders étaient mieux placés que quiconque pour combattre la moindre négrophobie au Soudan si elle s’était avérée. Il est certain que les mêmes stéréotypes hérités des théories suprémacistes occidentalles et qui amènent les Noirs clairs de peau à se sentir supérieurs à leurs frères et sœurs à la peau plus pigmentée ont cours au Soudan.
Ce que nous savons aussi, c’est que le Soudan est le plus grand pays d’Afrique noire par sa superficie (5 fois la France), riche en terres arables et en ressources minières ou pétrolières, notamment au sud.
Nul n’imagine l’impact que pourrait avoir ce pays dans une Afrique développée.
L’intérêt des régimes occidentaux en perte économique et morale est donc de s’approprier le sud du Soudan, comme ils avaient tenté de le faire avec la région du Delta du Niger (Nigeria) lors de la guerre du Biafra en 1968.
Mais laissons nos émotions de côté et examinons un peu plus rationnellement la composition des organisations autoproclamées militantes de la paix.

Les pétitions qui circulent sur Internet pour une paix au Darfour mènent soit vers des sites d’extrême droite chrétienne, soit vers des organisations féministes radicales, soit vers des intellectuels juifs pro-sionistes qui veulent protéger les Noirs au Soudan tout en appelant aux ratonnades « négricides » en France et en cautionnant des rafles d'enfants africains par le petit ministre français, descendant de Hongrois.

Il y a aussi tous ces politiques et artistes français qui réprouvent les déplacements de populations noires au Darfour, mais encouragent (voire financent) la colonisation des terres de Gaza et les meurtres d’enfants palestiniens.

Aux Etats-Unis, des personnalités comme Elie Wiesel, apôtre de la paix le jour, artisan des guerres américaines en Irak la nuit et surtout adepte loyal du sionisme, se sont placées dans le peloton des marches pour sauver les populations noires du Darfour. Les familles des 100.000 morts irakiennes et des millions d'irradiés à l'uranium apauvri apprécieront la subtilité des positions du « Prix Nobel de la Paix ».
Mais pourquoi tant de compassion pour le Darfour ?
Nous vous parlions au début de ce texte de l’échelle des souffrances humaines.
Comment expliquer que des personnalités ou des organisations aussi puissantes, capable d’arrêter l’escalade du régime israélien par un coup de fil à Ariel Sharon …bon ok, c’est mesquin, disons plutôt à Ehud Olmert ne le fassent pas ?
Cela apaiserait sûrement les souffrances de millions de Palestiniens.
Au lieu de cela, nous les retrouvons sur tous les fronts pour exiger la paix au Darfour, tout en écartant la présence des Noirs dans leurs délégations.
Pourquoi ne s’intéressent-ils pas aussi assidûment au génocide qui se produit au Congo depuis 3 ans ?

Pourquoi n’interviennent-ils pas dans leurs pays respectifs pour obliger leurs amis au gouvernement à assurer la protection des populations noires qui y vivent ?
D’aucuns objecteraient qu’ils s’intéressent au Darfour parce que nous les Noirs n’avons pas beaucoup investi ce terrain, parce nous avons brisé la chaîne de solidarité, ce système artériel unique, conçu pour le peuple Noir, qui nous unissait et permettait à chacun d’entre-nous d’entendre la douleur d’autres Noirs, comme des organes dans le corps humain.
Nous répondrions qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, commençons par entendre les cris de nos proches et ensuite, réapproprions-nous ce système artériel qui lie les Noirs partout sur la planète.

Alors, à ce moment, jamais, plus jamais le Rwanda, le Congo, l’Afrique du Sud, L’Ouganda, le Darfour, la Mauritanie, les rafles d’écoliers et les insultes envers notre communauté en France n’existeront.

La Rédaction du MNH

http://association-mnh.com/modules.php?name=News&file=article&sid=102
Edité le 21 mars 2007
Re: Le Darfour et ses faux amis
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Le Darfour et ses faux amis

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