Le 6 mai 1931, s'ouvre à l'Est de Paris, dans le bois de Vincennes, une première Exposition coloniale.
Les dirigeants de la IIIe République veulent avec cette manifestation festive convaincre l'opinion publique du bien-fondé des conquêtes coloniales. Ils séduiront le public. Quant à le convaincre...
Joseph Savès
La République coloniale à l'honneur
Affiche de l'Expositioncoloniale de 1931 Le ministre français des Colonies, Paul Reynaud, inaugure en fanfare l'Exposition coloniale en compagnie du président de la République Gaston Doumergue et du commissaire général de l'exposition, l'illustre maréchal Hubert Lyautey.
Cet événement marque l'apothéose de la IIIe République et de l'oeuvre dont elle a été la plus fière : la colonisation ou la mise sous protectorat d'une bonne partie de l'Afrique noire et de Madagascar, de l'Afrique du Nord, de l'Indochine ainsi que de la Syrie et du Liban (*).
Jusqu'à la Première Guerre mondiale, pourtant, la gauche républicaine a eu le plus grand mal à rallier l'opinion publique à son projet colonial.
Il faut dire que celui-ci implique malgré les apparences très peu de monde. En 1936, à son apogée, on ne compte en tout et pour tout que 14.000 Français face à 15 millions d'indigènes dans l'immense Afrique Occidentale Française (AOF). A peine 1 pour mille !
Une représentation des colonies françaises en 1900 devant l'ancien palais du Trocadéro (Paris)
Les choses évoluent un peu entre les deux guerres mondiales sous l'effet d'une propagande insatiable.
Ainsi les instituteurs n'ont-ils de cesse, dans les écoles de la République, d'exalter l'Empire dont la teinte rose recouvre une bonne partie du planisphère : 100 millions d'habitants, dont 40 millions de citoyens français, et près de 10 millions de km2, dont la plus grande partie dans la zone saharienne et subsaharienne,...(*).
Les empires coloniaux au début du XXe siècle
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Les empires coloniaux au début du XXe siècle (cartographie AFDEC) Cette carte illustre l'incroyable expansion de l'Europe au début du XXe siècle. Les grands États du Vieux continent dominent la plus grande partie soit directement, à travers le système colonial, soit indirectement, par des pressions financières et militaires sur les gouvernements (Chine, Turquie,...).
Succès populaire
L'Exposition coloniale internationale s'installe dans le bois de Vincennes, à l'est de Paris.
Pour l'occasion est construit un musée permanent des colonies à la Porte dorée et une pagode bouddhiste. On aménage aussi un parc zoologique. On reconstitue à l'échelle 1 un temple cambodgien d'Angkor Vat et la mosquée de Djenné (Niger).
vue aérienne de l'Exposition coloniale de 1931
L'inauguration se déroule en présence de milliers de figurants : danseuses annamites, familles d'artisans africains dans un village reconstitué, cavaliers arabes,...
Chaque jour des spectacles différents et plus exotiques les uns que les autres accueillent les visiteurs (jusqu'à 300.000 par jour). Le succès populaire et l'attrait du public pour les exhibitions exotiques rassurent les promoteurs de la colonisation.
De mai à novembre, l'Exposition accueille un total de huit millions de visiteurs dont la moitié de Parisiens et 15% d'étrangers. Au total sont vendus 33 millions de tickets (les visiteurs se déplaçant à plusieurs reprises). C'est la plus grande affluence qu'ait connue une manifestation parisienne depuis l'Exposition universelle de 1900 (50 millions de tickets vendus) (*).
De cette Exposition, les Parisiens ont conservé la pagode bouddhiste du bois de Vincennes, le parc zoologique, reconstruit en plus grand, ainsi que le musée des Arts africains et océaniens de la Porte dorée. Ce dernier a disparu en 2003... de sorte qu'il n'existe plus en France aucun lieu de mémoire pour rappeler l'Histoire coloniale de la République, pas même la contribution des indigènes aux deux guerres mondiales.
Bibliographie
On peut lire quelques travaux de qualité sur l'idée coloniale en France :
– Culture coloniale, la France conquise par son Empire (1871-1931), par Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire (252 pages, Editions Autrement, décembre 2002),
– L'idée coloniale en France (1871-1962), par Raoul Girardet (332 pages, Table ronde, 1972),
– La République coloniale, essai sur une utopie (Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Françoise Vergès, 174 pages, Albin Michel, 2003),
– Empire colonial et capitalisme français, Histoire d'un divorce (Jacques Marseille, 452 pages, Albin Michel, 1984).
http://www.herodote.net/evenements/evenement.php?jour=19310506