DU COUP D'ETAT MEDIATIQUE A LA DICTATURE DE LA PENSEE: LA METHODE SÄRKÖZY Y NAGY BOCSA
Après les propos de Ségolène Royal dénonçant les "conglomérats de la finance et des médias" qui, pour la candidate socialiste, soutiennent Nicolas Sarkozy, analysons de plus près la relation entre le candidat UMP et ces conglomérats.
Par Nicolas Cadène
La campagne présidentielle 2007 en France a commencé très tôt. Dès la fin de l’été 2006, l’attention était portée sur l’éventuel(le) candidat(e) du Parti socialiste, force politique de premier ordre. Dès la désignation de Ségolène Royal à l’automne 2006, la population connaissait le nom des autres principaux candidats bien que pas toujours déclarés officiellement : Nicolas Sarkozy pour l’UMP, François Bayrou pour l’UDF, Jean-Marie Le Pen pour le FN.
Michel Rocard a sans doute raison de considérer comme perdue une campagne commencée trop tôt. Elle l’est en termes qualitatifs (pour le moment). Et si nous ne connaissons rien du résultat de mai prochain, nous pouvons craindre les pires éventualités. Par ailleurs, les instituts de sondages qui annoncent des 28 à 35 % des voix au premier tour à l’avantage des deux principaux protagonistes sont à prendre avec prudence.
Les médias ne semblent pas respecter cette circonspection et sont largement demandeurs de ces « prévisions » alors que l’élection est encore très éloignée.
Il faut dire que, depuis quelques semaines, ces sondages sont plutôt favorables au candidat de la droite sortante. Leur publication va dans son sens et il ne cache pas son intérêt pour ces statistiques très relatives. Dernièrement, le ministre de l’Intérieur, président de l’UMP et candidat, a donc commenté avec enthousiasme un sondage qui ne devait paraître que plusieurs jours plus tard.
Cela est facile lorsqu’on a accès aux résultats avant tout le monde, grâce à quelques amitiés journalistiques, mais également grâce à quelques relations de proximité entretenues avec... les dirigeants de ces instituts de sondage (pour exemple, rappelons que Laurence Parisot est la dirigeante de l’Ifop). Ce qui en dit long sur leur crédibilité.
Pourtant, la presse, mais aussi la télévision, la radio et leurs relais sur Internet ne se lassent pas de diffuser ces chiffres (parfois sur le second tour : ce qui a encore moins de sens), sans aucun avertissement quant à leur pertinence éventuelle. Cette diffusion peut toutefois se voir bloquée, dès lors que les résultats ne sont pas satisfaisants pour le candidat UMP. Le directeur de la rédaction de La Tribune a ainsi fait empêcher la publication d’un sondage qui avait le tort de placer la candidate socialiste en tête pour « résoudre les problèmes économiques et sociaux de la France »[1].
Mais la complaisance des médias (en tout cas de la part de leurs dirigeants, les journalistes tendant au contraire à s’opposer de plus en plus à ce genre de bienveillance) vis-à-vis du chef des renseignements généraux, de la DST et des polices de ce pays, ne se limite pas à ce genre de diffusion.
medium_sarkozy.jpg.xs.jpgComme M. Silvio Berlusconi, Nicolas Sarkozy est bien déterminé à contrôler l’opinion grâce à un mélange de marketing politique, d’intérêts croisés avec la presse et l’édition, et de mainmise directe ou indirecte sur le paysage audiovisuel. Pour autant, cela n’a pas suffi au « Cavaliere » de prolonger son mandat en avril 2006, et sa défaite a porté un coup au système clanique italien. Rappelons aussi qu’un an plus tôt, en France, le référendum sur le traité constitutionnel européen établissait qu’il ne suffisait pas de disposer de la quasi-totalité de l’espace médiatique pour convaincre une majorité de citoyens.
L’élection présidentielle 2007 va donc permettre d’apprécier si ce laborieux travail de domestication des médias de la part du candidat UMP ne finit pas, malgré tout, par se révéler payant.
Comme le rappelle Marie Bénilde du Monde diplomatique[2] : « N’est-ce pas ainsi que certains ont interprété la réélection à la tête de l’Etat de M. Jacques Chirac en 2002, sur fond de campagne de presse matraquant le thème de l’insécurité ? » M. Sarkozy dispose d’un atout spécial. Jamais dirigeant politique français n’a bénéficié autant que lui de l’appui des patrons de presse.
Aujourd’hui, on le constate, toute phrase de Ségolène Royal, même sans importance, est transformée en prétendue « bourde » et relayée par l’ensemble des médias. Du côté du ministre-candidat, peu importe qu’il se trompe ou qu’il se contredise, dès lors que nul ou presque dans la presse ne le souligne (ce qui est le cas). Si on ne pardonne pas à Mme Royal d’avoir des sympathies pour la souveraineté du Québec, personne n’ose interroger le candidat se disant parfois « gaulliste » (sic) sur son atlantisme... N’a t il pas trahi son propre gouvernement à l’étranger sans que personne ne s’en émeuve ? Même traitement différencié sur le patrimoine. Alors que tous les médias relaient un e-mail anonyme accusant sans fondement le couple Royal-Hollance de fraude fiscale, on peut s’étonner de la facilité avec laquelle la presse à accepter l’idée selon laquelle cet homme fortuné ne paie l’ISF que depuis un an.... Comme le souligne un journal... suisse (Le Courrier[3]), « qu’il ait refusé d’exhiber sa déclaration d’impôt -contrairement à Mme Royal- n’a pas empêché la presse de croire en ses saintes paroles. »
Il y a pire. Aux Etats-Unis, lorsqu’un responsable gouvernemental avait été accusé d’espionner ses rivaux, cela avait donné le Watergate et la démission du président Nixon. En France, aujourd’hui, avec l’espionnage de Mme Royal, de son entourage, et le suivi de bien d’autres citoyens par les RG dirigés par le ministère de l’Intérieur, « cela vaut trois entrefilets, vite enterrés sous des tombereaux d’ordures », note le même journal. Loin de démissionner, M. Sarkozy compte rester aux commandes jusqu’à la mi-mars 2007, soit seulement un mois avant le scrutin (notons par ailleurs qu’il n’y a pas lieu de comparer à Lionel Jospin, qui était en cohabitation avec le président Jacques Chirac, son adversaire).
D’ici là, Nicolas Sarkozy compte bien tout organiser et imposer son image. On pense d’ailleurs à un vrai culte de la personnalité, tant il apprécie et encourage la publication de ses photos.
Mais les dix couvertures que Le Point lui a consacrées en vingt mois (contre quatre à Ségolène Royal), ou ce Nicolas Sarkozy en majesté à la une de Paris Match - « Un destin en marche » - ne lui suffisent pas.
Alors France 2 a fait un effort pour le satisfaire, avec, comme l’a appelé Le Nouvel Observateur[4], un « Sarkothon » (« A vous de juger », pour le vrai titre) de près de trois heures. Programmé juste avant que les règles du CSA n’empêchent de donner autant de temps à un seul candidat. Déjà, après les émeutes en banlieue de 2005, Sarkozy avait eu droit à une émission spéciale mettant en scène des contradicteurs qui ne risquaient pas de le mettre en difficulté.
Sam 17 Fév - 8:37 par mihou