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 L'Irak et le néo-impérialisme étasunien

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Tite Prout
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Tite Prout


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07012007
MessageL'Irak et le néo-impérialisme étasunien

Par Laurie Duguay

Rien n’est plus dangereux que des empires qui défendent leurs seuls intérêts en s’imaginant qu’ils rendent ainsi service à l’humanité tout entière.
Eric Hobsbawn

La fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle ont été marqué par des événements qui structureront les relations internationales des prochaines décennies. Parmi ces faits historiques, nous notons la dislocation de l’Union soviétique en 1991, l’élection controversée de George W. Bush à la présidence américaine en 2000 et les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Les symboles-clés des États-Unis, soit le World Trade Center évoquant la force économique étasunienne et le Pentagone, les forces armées, sont gravement touchés. Les Étasuniens sont humiliés. Ces événements sonnent la naissance d’une campagne guerrière américaine au Moyen-Orient pour détruire les cellules terroristes. Cette guerre est qualifiée d’illégitime par plusieurs qui dénoncent l’unilatéralisme de Washington; les Nations Unies et plusieurs pays, dont la France et l’Allemagne, n’ont pas donné leur aval à l’intervention armée.

Ainsi, l’invasion américaine de l’Irak en 2003 est-elle une aventure impérialiste au Moyen-Orient? Quelles sont les forces internes qui ont poussé Bush et son équipe à utiliser la force militaire en Irak sans respecter le droit international ni l’opinion de la communauté internationale? Pourquoi vouloir outrepasser le processus démocratique à ce point?

Les États-Unis forment la seule superpuissance militaire mondiale. La place que ce pays occupe dans les relations internationales est importante. Ce pays peut arriver à stabiliser ou déstabiliser totalement une situation internationale. C’est aussi pourquoi plusieurs s’intéressent particulièrement aux forces internes influençant les décisions du gouvernement : les conséquences géopolitiques s’ensuivent rapibid.ent.

Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, le gouvernement américain suit une doctrine spécifique communément baptisée la « Doctrine Bush ». La guerre préventive entre dans ce cadre de la sécurité nationale étasunienne. Cette guerre est discrétionnaire. Elle menace tous ceux qui osent aller à l’encontre des intérêts américains : les terroristes.

Le concept d’impérialisme est aujourd’hui utilisé à toutes les sauces. Plusieurs médias emploient ce mot sans même être conscients du cadre théorique que porte ce terme. La connotation négative que l’on colle à ce terme a déclenché une utilisation excessive du concept d’impérialisme, surtout par les médias de gauche où le sentiment antiaméricain est élevé.

Il est assez évident que l’invasion américaine en Irak, à la base, a eu des ambitions impériales. Le gouvernement américain a voulu s’imposer sur le territoire irakien et y exercer une influence dans la région. Ces ambitions étaient économiques, politiques, militaires et idéologiques. Elles ont été appuyées et aussi initiées par plusieurs groupes de pression à l’intérieur de la société américaine dont les néoconservateurs. Bien que les États-Unis aient prétendu pouvoir dominer le pays dans les quatre domaines nommés ci-haut, la guerre n’a pas été aussi facile qu’escomptée et « l’empire » de Bush n’a réussi qu’à s’y imposer militairement. Par conséquent, l’invasion de l’Irak en 2003 a été un échec de l’impérialisme américain et c’est pourquoi certains auteurs avancent l’hypothèse du déclin de l’empire et/ou de l’hégémonie étasunienne.

Nous aborderons, dans un premier temps, un bref historique de l’impérialisme depuis le XIXe siècle. Par la suite, nous analyserons les quatre principales forces impériales sous l’angle de l’idéologie et de la politique de la « Doctrine Bush », des forces économiques dominantes aux États-Unis et de la puissance armée. Ensuite, nous traiterons des questions impériales, néo-impérialistes et hégémoniques. L’exemple de l’Irak sera traité dans les différentes parties de l’analyse.




BREF HISTORIQUE DE L’IMPÉRIALISME

L’impérialisme du XIXe siècle et celui de notre époque sont à distinguer et c’est pourquoi nous le baptisons dorénavant le néo-impérialisme. Michael Mann avance une définition traditionnelle du concept d’empire, soit « des systèmes politiques centralisés établis par la violence et maintenus par une contrainte systématique par laquelle un acteur central domine des sociétés en périphérie, sert d’intermédiaire pour leurs principales relations et dirige les ressources en provenance des sociétés périphériques et entre celles-ci ». Son explication de l’impérialisme fait ressortir les relations centre-périphérie où il existe des différences substantielles entre les deux pôles.

L’impérialisme au XIXe siècle
À partir de 1875, et ce, jusqu’en 1914, le nombre de dirigeants se donnant le titre « d’empereur » s’est multiplié mais les plus grands empires sont formés par la France et l’Angleterre. Le monde connaissait alors un nouveau type d’impérialisme : les empires coloniaux. C’était la course à la conquête des plus grands territoires aux plus grandes richesses. La création des empires coloniaux revêt plusieurs dimensions. D’abord, au niveau économique, les empires coloniaux deviennent une nécessité pour le développement d’un pays capitaliste et c’est pourquoi les impérialistes s’arrachent les marchés. En effet, ces États occidentaux dépendent de l’approvisionnement en matières premières pour assurer des progrès économiques et techniques. Cette expansion impérialiste est caractérisée par des rivalités entre les pays. La récession des années 1880 les pousse à agrandir davantage leur territoire. Le monde entre donc dans une nouvelle phase du capitalisme débouchant sur des inégalités économiques basées sur des relations de domination : « les colonies, les semi-colonies et les sphères d’influence ». Il y a aussi la dimension culturelle et politique de cet impérialisme : « l’impérialisme social » est basé sur l’idéologie de la supériorité des Blancs sur les peuples de couleur et redonner la fierté patriotique à la population de l’empire en leur offrant des gloires. Ainsi, il ne faut surtout pas tomber dans l’erreur des socialistes, selon Eric Hobsbawn, qui abordent seulement les motivations économiques tandis qu’elles sont nombreuses : politique, culturelle, idéologique, raciale patriotique, nationale, internationale et, bien sûr, économique.

La période de l’après Seconde Guerre mondiale
La période de l’après Seconde Guerre mondiale signe une nouvelle ère internationale. Les États-Unis sont sortis gagnants et plus puissants que jamais de ce conflit mondial. C’est l’instauration de la Pax Americana. Ils ont utilisé leur puissance et leur influence pour imposer un système universel basé sur les principes libéraux traditionnels. Ils veulent augmenter la libéralisation des échanges et amener un système monétaire stable pour ainsi respecter leurs intérêts politiques et économiques. Les autres pays ont aussi avantages à coopérer avec l’Hégémon pour leur développement économique et assurer leur sécurité. Le nouvel hégémon, que forment les États-Unis, érige donc un nouvel ordre libéral mondial débuté sous la présidence de Roosevelt.

Les organisations internationales deviennent un aspect primordial dans la politique américaine pour la réalisation de leurs objectifs et c’est donc pourquoi les États-Unis s’assurent aussi de diriger le plus possible les institutions qui se créent. Au niveau politique, avec un soutien important des États-Unis, on construit l’Organisation des Nations Unies, avec un Conseil de sécurité où les États-Unis possèdent un droit de veto, ainsi que des institutions sous sa gouvernance. Économiquement, on conclue les accords de Bretton Woods en 1944 ce qui a débouché par la mise en place des institutions économiques internationales qui axent leurs politiques sur le libre-échange entre tous les États, des taux de change fixes et sur la convertibilité en or des monnaies nationales. De plus, l’économie mondiale devient basée sur le dollar. Parmi les institutions internationales créées, nous comptons, entre autre, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement, qui deviendra éventuellement la Banque mondiale, et l’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT). Ces institutions doivent promouvoir le multilatéralisme de l’économie mondiale et sont basées sur des principes de collaboration internationale pour assurer la paix et la sécurité. Ces fondements sont intégrés dans la Charte de l’Atlantique, signée en 1941, qui prévoit une vision de l’après guerre basée sur les points suivants : pas de gains territoriaux, droit à l’autodétermination des peuples, réduction des barrières commerciales, coopération économique globale, liberté des mers et désarmement des États agresseurs. La construction d’une sécurité internationale se fait par le biais du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. De plus, la montée des antagonismes entre l’idéologie du socialisme et le capitalisme amènent les États-Unis à investir dans les économies détruites que forment le Japon et les pays d’Europe de l’Ouest. L’Europe de l’Ouest forme un territoire stratégique pour la protection de la sécurité américaine : les États-Unis craignent une influence grandissante du communisme soviétique dans la région. On met sur pied le Plan Marshall et les États-Unis investissent énormément d’argent pour sa création (1,5% de son produit national brut). Dans la même veine, la formation du Marché commun européen est grandement supportée par les États-Unis bien que ce dernier aille à l’encontre même du « one world » et du principe de non-discrimination, mais l’administration américaine y voit un intérêt sécuritaire. L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est aussi une alliance multilatérale importante dirigée par les États-Unis. Du côté japonais, une entente est conclue entre les deux gouvernements : le traité de sécurité mutuelle qui permet aux États-Unis de protéger leurs intérêts dans la région asiatique. On crée aussi l’Agence internationale pour l’énergie (AIE) qui est une organisation qui dépend du Conseil de sécurité des Nations Unies. Les États-Unis ont ainsi réussis à atteindre un niveau d’expansion et d’influence au niveau mondial encore inégalé. De plus, comme nous venons de le décrire, ils exercent une influence dans la plupart des institutions internationales et, par conséquent, contribuent à maintenir un ordre mondial où ils assurent leur hégémonie.
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L'Irak et le néo-impérialisme étasunien :: Commentaires

Tite Prout
Re: L'Irak et le néo-impérialisme étasunien
Message Dim 7 Jan - 19:15 par Tite Prout
L’ordre mondial de l’après Deuxième Guerre mondiale confirme la thèse de la théorie de la stabilité hégémonique qui stipule que « l’existence d’une hégémonie pratiquée par un seul État permet de maintenir un ordre mondial ».. Kindleberger va même jusqu’à affirmer qu’il est impossible d’avoir un régime économique stable sans qu’une puissance hégémonique assume son rôle. Ce hégémon assurera un leadership positif en établissant des règles et des normes tout en surveillant leur application via les autres États du système économique international.

LA DOCTRINE BUSH DE LA SÉCURITÉ NATIONALE
Le 11 septembre a été une date cruciale pour les États-Unis. À partir de cette date, tout est expliqué à partir des attaques du World Trade Center. Dorénavant, tout ce qui va à l’encontre des intérêts américains ou, encore pire, des valeurs américaines, sont considérés comme des sujets antipatriotiques, ce qui est une faute grave dans la culture américaine caractérisée par un fort attachement aux idéaux américains. En plus, la vision en noire et en blanc de l’administration Bush sépare les populations en deux clans : les amis et les ennemis, pas de place à une vision moindrement critique. Nous verrons plus loin dans cette analyse pourquoi l’on construit une telle menace. Abordons maintenant le « qui » de la question.

La « doctrine Bush » tire ses origines de l’époque qu’est la Guerre froide où les intérêts américains étaient confrontés à l’idéologie communiste des Soviétiques. Par le Comité sur le danger présent, qui regroupait des citoyens ayant comme but formel d’alerter les Étasuniens de la menace soviétique qui pesait sur eux, ils ont réussi à dissimuler en fait leur désir de voir la suprématie américaine s’imposer à travers le monde et cela devait nécessairement passer par une augmentation des forces militaires. Une rhétorique s’est construite autour de la « destinée manifeste » qui justifiait l’utilisation des armes pour pacifier le monde pendant qu’à l’interne, autant qu’à l’externe, on utilisait les armes culturelles pour forger une identité propre aux valeurs américaines. Peu à peu, une représentation bipolaire et manichéenne du monde se bâtit. Les adeptes de cette doctrine, étiquetés comme les néoconservateurs ou encore plus récemment les faucons, dépassent les clivages de la partisannerie politique. « Ils considéraient la dissuasion comme un moyen économique leur permettant de ne pas augmenter la taille des forces armées conventionnelles ». Dès 1992, un document nommé Defense Planning Guidance, ayant pour auteurs Paul Wolfowitz, Lewis Libby et approuvé par Dick Cheney, aborde le sujet de la « prévention militaire et de la volonté d’utiliser la supériorité militaire pour prévenir l’émergence de compétiteur stratégique ». Donc, leur but final constituait en l’augmentation de la production du complexe militaro-industriel américain, domaine où leurs intérêts économiques étaient fixés.

La doctrine Bush se fonde sur trois grands axes : la lutte et la prévention du terrorisme, développer et maintenir des bonnes relations avec les grandes puissances « amies » et, finalement, promouvoir la paix, la liberté et la prospérité. La fin valant les moyens, l’administration Bush se basera essentiellement sur la notion de sécurité, soit la défense de la nation à tout prix, allant jusqu’à développer le principe du droit à la légitime défense anticipée. Le politique, l’idéologique et le militaire deviennent des domaines subordonnés à l’économique. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’administration Bush a réussi à faire adopter cette idéologie aux citoyens américains en construisant une menace nationale actuelle, telle qu’elle avait été décrétée une cinquantaine d’années auparavant par le Comité sur le danger présent.

La « doctrine Bush » et la paix de Westphalie
L’idéologie prônée par l’administration Bush est une doctrine impériale consciente et affirmée, entre autre dans la Stratégie de sécurité nationale des États-Unis présentée en septembre 2002. L’on vise une domination militaire unilatérale et un système d’exploitation mondial en fonction des intérêts nationaux américains. Cet objectif entre dans les fondations de l’État moderne qui doit protéger et contrôler sa population, déterminer et organiser ses frontières tout en protégeant la souveraineté sur son territoire. Les États-Unis transgressent des règles issues du droit international dont on remonte l’origine même au XVIIe siècle avec les traités de Westphalie qui concluent la guerre de Trente Ans. Le traité a édifié l’État-nation souverain comme le socle du droit international. La paix de Westphalie de 1648 inscrit quatre principes fondamentaux qui fonderont les relations internationales modernes, lesquels n’ont pas été respectés lors de l’invasion étasunienne en Irak. Ces règles sont le principe de la souveraineté des États-nations, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le principe de l’égalité légale entre les nations et, pour terminer, le principe de non-ingérence d’un État dans les affaires intérieures des autres États. L’importance du système westphalien tient sur son principe inaliénable qu’est la souveraineté étatique absolue où le respect des frontières devient une loi inviolable. Dans le contexte international actuel, les États-Unis fondent une souveraineté planétaire plus qu’ils ne respectent les fondements même du Traité de paix westphalien et, par conséquent, du droit international. Leur action unilatérale et, en plus, préventive va à l’encontre des traités internationaux. De plus, vouloir changer les gouvernements en place brime le principe de non-ingérence et aussi celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

L’ÉCONOMIQUE : UN DOMAINE CRUCIAL
Pas plus qu’il n’est possible de séparer religion et société dans le monde musulman, on ne peut séparer politique et économie dans le monde capitaliste. Eric Hobsbawn

Les motivations économiques ont toujours occupé une place importante dans les relations internationales et les guerres ont souvent constituées un moyen pour augmenter sa force économique. Par les guerres, on gagne des territoires avec des nouveaux marchés et des matières premières à bon marché. Fin XIXe et début XXe siècle, c’était l’époque du partage du globe par la conquête de colonies où les empires visaient le plus grand territoire aux plus grandes richesses. Les empires coloniaux deviennent une nécessité pour le développement d’un pays capitaliste et c’est pourquoi les impérialistes s’arrachaient les marchés. Le XIXe siècle a signé le début de la mondialisation de l’économie. « L’économie mondiale était fondée sur la rivalité de plusieurs pays industriels concurrents ». Les États occidentaux dépendaient de plus en plus de l’approvisionnement en matières premières dans leurs colonies pour assurer des progrès économiques et techniques.

Aujourd’hui, nous assistons à un nouvel ordre capitaliste qui n’est plus basé sur le capital en général ou encore sur les capitaux en compétition. L’analyse doit davantage se pencher sur la puissance des groupes dominants capitalistes qui gagnent en puissance. La mondialisation de l’économie du début de XXe siècle s’est accrue et elle est « la chasse gardée ou l’espace réservé d’une économie - ou d’un économisme - entièrement dominée par la logique et la puissance du système capitaliste ». C’est aussi ce que soutient Ellen Wood en développant sur l’empire du capital où l’utilisation des forces armées américaines répond aux besoins des capitalistes et amène un certain capitalisme universel où l’on veut anéantir les États voyous puisqu’ils deviennent une entrave à la fondation de ce capitalisme mondial. L’accumulation de capital ne se fait plus dans le cadre national, mais beaucoup plus à l’étranger. Cette accumulation du capital à l’extérieur des frontières nationales représentait 19% du PIB étasunien en 1950, en 2000, cette même variable correspond à 90% de son PIB! Cette modification structurelle modifie grandement les pouvoirs dans la sphère internationale puisque les capitaux ne dépendent plus du marché national, mais beaucoup plus des marchés étrangers. Jonathan Nitzan avance que le nouveau capitalisme a besoin de guerres pour assurer sa croissance. En manque de marchés, les entreprises et les contractants ont tout à gagner dans l’éclatement d’une guerre énergétique.

C’est par cette dernière idée que nous pouvons comprendre les réels motifs de l’invasion américaine en Irak. La motivation première de l’administration Bush au sujet d’une attaque en Irak semble fortement liée à une réaffirmation et à des gains sur le contrôle du pétrole au Moyen-Orient. Les compagnies pétrolières américaines ne généraient plus de capitaux et leur profit stagnait ou était en déficit. C’est ainsi que, comme le nomme Jonathan Nitzan, le « Weaponodollar-Petrodollar Coalition », ayant contribué à amener Bush au pouvoir, font du lobbying auprès de ce gouvernement pour qu’il leur ouvre des marchés intéressants. À cela s’ajoute l’imbrication de George W. Bush et de son colistier, Dick Cheney, dans l’industrie du pétrole, les deux ayant fait carrière dans ce domaine. Aussi incompréhensible que cela puisse paraître, bien que la réelle menace se situe dans les pays qui ont des ambitions nucléaires telles que la Corée du Nord et l’Iran, les États-Unis iront attaquer plutôt des États beaucoup plus faiblement armés comme l’Afghanistan et l’Irak. L’Irak formait un marché intéressant, mais bloqué par la nationalisation du pétrole de Saddam Hussein, les entreprises ne pouvaient exploiter ce marché. De plus, il faut aussi ajouter que le pétrole joue un rôle central dans toutes les économies industrialisées et les États-Unis ne forment pas l’exception. Aujourd’hui, dans le contexte international contemporain, avec des événements tels que la crise asiatique, l’affaiblissement des indicateurs économiques à la fin des années 90, un développement capitaliste timide, l’on se devait d’intervenir. La solution : créer un conflit énergétique au Moyen-Orient. Les attentats du 11 septembre ont tombé à point et ouvriront la porte de pandore d’une intervention armée.

1. RÔLE DES FORCES ARMÉES DANS LE MAINTIEN DE L’HÉGÉMONIE AMÉRICAINE

Que ce soit pour initier une guerre ou encore pour maintenir une région sous tutelle, la puissance militaire est la force la plus importante pouvant arriver à ces fins. Certes, détenir une puissance militaire donne du pouvoir lors des interventions à l’étranger, mais il ne faut pas négliger le poids de l’industrie militaro-industrielle sur les indicateurs nationaux d’un pays. Ce dernier argument peut aussi motiver un pays à investir dans le domaine militaire. En effet, le rôle militaire s’est renouvelé ainsi que ses dépenses et entre donc dans un nouveau processus d’accumulation du capital. On a rapidement fait le lien qu’une augmentation des dépenses militaires améliorait les indicateurs économiques nationaux des pays. Donc que le militaire a son rôle dans le processus d’accumulation du capital. L’on a remarqué avec la Grande Dépression des années 30 jusqu’à quel point les dépenses militaires avaient réussi à sortir le monde de cette catastrophe économique. Par conséquent, on craint aussi le contraire, c’est-à-dire qu’une diminution des investissements dans les dépenses militaires crée une deuxième dépression économique que l’on veut éviter à tout prix. Donc, Nitzan en arrive à la construction du concept de « keynésianisme militaire » où il est dans le rôle de l’État, en déclarant des guerres, d’offrir à ses entreprises nationales des marchés étrangers intéressants. Le document secret américain NSC-68 développé en 1950 conseille une telle approche belliqueuse au gouvernement.
Tite Prout
Re: L'Irak et le néo-impérialisme étasunien
Message Dim 7 Jan - 19:15 par Tite Prout
L’utilisation de la force militaire américaine, ainsi que la menace qu’elle fait peser sur tous les États « voyous » sert à imposer et étendre une domination économique globale du monde en combattant le terrorisme et les États « voyous ». La guerre en Irak entre dans cette nouvelle stratégie militaire américaine de guerre infinie et préventive pour ouvrir les frontières du néolibéralisme. Cet objectif va dans la même veine que celui de la mondialisation, elle « travaille pour son propre accomplissement strictement économique en délégitimant tous les obstacles politiques qui peuvent encore se dresser sur le chemin de la constitution d’une économie mondialisée autoréférentielle et autorégulée ».C’est donc par la force des armes que les États-Unis imposeront l’idéologie économique prédominante. L’importance de la puissance guerrière de l’administration américaine tient principalement à ce but ultime. Celle-ci ne situe pas seulement dans le développement des structures militaires terrestres, mais passe aussi par le système de défense anti-missile et par l’installation de bases militaires un peu partout sur la planète. Ainsi, Stephen Gill affirme que les États-Unis imposent un impérialisme nouveau et plus conservateur dicté par les « impérialistes démocratiques » par l’utilisation de cette force militaire pour servir les intérêts néolibéraux du pays.


IMPÉRIALISME, NÉO-IMPÉRIALISME OU HÉGÉMONIE?
En cette époque contemporaine, où se situe donc les États-Unis? Où doit-on situer l’invasion américaine en Irak? Les États-Unis forment-ils un Empire et l’Irak une colonie? Qu’est-ce que la situation en Irak peut nous révéler sur la place qu’occupe les États-Unis dans le monde à notre époque?

Robert Biel utilise le concept de « nouvel impérialisme pour référer à la consécration de l’hégémonie étasunienne qui se concrétise à travers la poursuite d’un projet « mondialisant » à promouvoir à la grandeur de la planète et à défendre militairement. Il s’agit ici pour les États-Unis d’imposer à l’ensemble de la communauté internationale l’idée de l’existence d’un ennemi commun et de disposer de la conjoncture internationale pour s’immiscer dans la souveraineté d’États alliés. Si les États-Unis ont réussi, avec la guerre du Golfe du début des années 1990, à imposer l’idée d’un ennemi commun, leur manipulation des événements du 11 septembre 2001 ne vient que confirmer, une fois de plus, la thèse de Biel.

Nous parlons donc moins aujourd’hui d’Empire, mais beaucoup plus d’hégémonie. Cette domination est légitimement acceptée par la communauté internationale incluant la majorité des États souverains. Ces États vont jusqu’à fonder des institutions internationales, des instances de pouvoir, participant ainsi à l’hégémonie mise en place. L’Empire est donc à distinguer de l’Hégémon. L’hégémonie ne fait d’ailleurs pas partie des sous-catégories d’empires selon Michael Mann, elle est plutôt un type de domination important où l’influence de l’Hégémon est légitimement acceptée.

Donc, le nouvel impérialisme n’emprunte plus les mêmes caractéristiques que les empires coloniaux du XIXe siècle.

Le néo-impérialisme n’est plus l’extension de la souveraineté d’un État au-delà de ses frontières liée à la domination des puissances capitalistes sur la périphérie. L’Empire serait plutôt la manifestation d’une souveraineté globale qui ne reconnaît aucune limite territoriale et qui exerce son pouvoir à travers une multitude d’instances et d’institutions (sans centre spécifique) mais unifiées par une même logique : celle du pouvoir homogénéisant du marché mondial.

Comme démontré, jusqu’au milieu des années 70, le système mondial était contrôlé par les États-Unis. À la deuxième moitié de cette même décennie, le monde connaissait une instabilité monétaire. Dans les années 80, les problèmes économiques prennent une grande ampleur. Les États-Unis connaissent alors un déclin relatif. Cet affaiblissement de l’économie américaine jumelé par les effets négatifs de la compétition internationale sur les industries américaines ont contribué à affaiblir l’ordre de l’économie mondiale libérale. Cela s’est constaté par une augmentation des politiques protectionnistes des États, à priori par les États-Unis, et aussi par une augmentation du régionalisme, ce qui va à l’encontre des valeurs libérales du système international. Les principes institués dans la Charte de l’Atlantique deviennent caducs. L’importance du multilatéralisme diminue avec l’administration Reagan, dans les années 80, qui s’engage plutôt dans une politique unilatérale et bilatérale. Le concept du « one world » de Roosevelt ne tient plus. Ce nouveau comportement américain modifie le système construit depuis la Seconde Guerre mondiale. La Guerre froide, avec la montée des antagonismes entre l’idéologie du socialisme et le capitalisme détruit aussi toute conception d’un monde économique uni. La coopération internationale connaît un déclin et le régime économique international est compromis par le déclin relatif de la puissance américaine.
La guerre en Irak confirme ce déclin de l’hégémonie américaine. À l’origine, l’invasion américaine en Irak avait des ambitions impérialistes et non hégémoniques puisqu’il était question d’une conquête militaire suivie d’une annexion politique : elle devait ressembler à un impérialisme direct temporaire en tentant d’étendre les intérêts et valeurs américaines. La force militaire était le moyen pour s’imposer. Finalement, la situation n’a pas été si facile. Les plans prévus par l’administration n’ont pas tenus la route et le néo-impérialisme américain a alors connu une cuisante défaite car aucun alliés n’étaient sur le terrain ce qui a résulté par une augmentation de l’utilisation des forces armées et, par conséquent, par un manque encore plus flagrant de collaboration des Irakiens.

Les États-Unis ont donc échoué à imposer un impérialisme territorial. De plus, ils voulaient l’imposition de certaines normes néolibérales qui ont été refusées par le gouvernement mis en place par les États-Unis d’où un échec de l’hégémonie américaine aussi. L’exploitation pétrolière est loin de donner les fruits que l’on escomptait. Les objectifs fixés n’ont toujours pas été atteints et cela est en partie causé par l’utilisation de moyens de plus en plus sophistiqués dans les attaques irakiennes des installations pétrolières. L’assimilation culturelle est aussi une cuisante défaite. Les États-Unis sont maintenant sur une terre étrangère et hostile. De plus, l’invasion américaine en Irak a aussi des conséquences sur leur influence contre la Corée du Nord et l’Iran qui ont, de leur côté, un terrain un peu plus libre pour leurs ambitions nucléaires. Ce que les États-Unis auront gagné, ce sont des bases militaires en Irak. Ces bases referment le cercle stratégique du réseau pétrolier dans la région.

Donc, Mann avance que nous nous trompons tous au sujet de l’hyperpuissance américaine car les États-Unis forment un « empire incohérent ». Ils prétendent dominer le monde, mais ne possèdent pas les moyens de le faire, les forces armées ne pouvant assurer à elles seules le maintien de l’hégémonie américaine. En effet, « pour que les États-Unis maintiennent leur prédominance, ils doivent demeurer dominants militairement, mais ils doivent également maintenir leur prééminence dans les autres piliers de la puissance ». Donc, l’Amérique impériale est un leurre et leur interventionnisme à l’international ne fait que rendre le monde plus dangereux encore. L’Irak exprime caricaturalement cette contradiction entre les ambitions américaines et les moyens de leurs ambitions. D’un côté, l’on veut reconstruire un pays suivant les critères américains et, de l’autre, on est incapable d’instaurer une paix et de garantir la sécurité de ses alliés locaux et même de leurs soldats. L’imposition d’une Pax Americana est actuellement une tâche ardue, pour ne pas dire impossible.
Reste que, bien que l’hégémonie américaine soit affectée par la guerre en Irak, reste que ce pays possède la plus grande puissance et influence à l’échelle mondiale et ils s’assurent de le maintenir un peu partout, que ce soit au niveau des organisations internationales qu’auprès des pays. L’American Dream fait rêver encore bien des gens.
La puissance n’est pas toujours un défaut, si elle est utilisée à bon escient. Comme disait le président Harry S. Truman, lors de la conférence de San Francisco de 1945 qui a créé l’Organisation des Nations Unies : « Il nous faut admettre – quelque soit notre puissance – que l’on doit résister à la tentation de toujours faire à notre tête ». Et pour terminer, comme dirait Benjamin Franklin, « Il y a deux passions qui ont toujours marqué les actions humaines : l'amour du pouvoir et l'amour de l'argent. » Il faut croire que l’humain ne changera donc jamais!

Annexe I
Présentation de la Stratégie de sécurité nationale au Congrès américain le 20 septembre 2002
"Les grandes luttes du XXe siècle entre la liberté et le totalitarisme se sont terminées par une victoire décisive des forces de la liberté et par la définition d'un modèle unique et durable pour assurer les succès nationaux : la liberté, la démocratie et la libre entreprise. Au XXIe siècle, seuls les pays résolus à protéger les droits de l'homme fondamentaux et à garantir la liberté politique et économique seront capables de mobiliser le plein potentiel de leurs populations et d'assurer leur prospérité future (...)
"Aujourd'hui, les États-Unis jouissent d'une force militaire sans égale et d'une grande influence économique et politique. Conformément à notre héritage et à nos principes, nous n'employons pas notre force pour obtenir des avantages unilatéraux. Nous cherchons au contraire à établir un équilibre des pouvoirs favorable à la liberté humaine et à instaurer des conditions dans lesquelles toutes les nations et toutes les sociétés peuvent choisir elles-mêmes les récompenses et les défis de la liberté politique et économique. Dans un monde en sécurité, les gens seront en mesure d'améliorer leurs conditions de vie. Nous défendrons la paix en combattant les terroristes et les tyrans. Nous maintiendrons la paix en élaborant de bonnes relations entre les grandes puissances. Nous propagerons la paix en encourageant la formation de sociétés libres et ouvertes sur tous les continents."
George Bush
Président des États-Unis
20 septembre 2002

BIBLIOGRAPHIE


Benno Teschke (2002). “Theorizing the Westphalian System of States: International Relations from Absolutism to Capitalism”, European Journal of International Relations, 8(1), 5-48.

Gill, Stephen (2003). « National In/Security on a Universal Scale », in Stephen Gill et Isabella Bakker (dir.), Power, Production and Social Reproduction, New York, Palgrave, p. 208 à 223.

Gilpin, Robert. (2002) « The rise of American Hegemony », in Two Hegemonies: Britain 1846-1914 and the United States 1941-2001 edited by Patrick Karl O’Brien et Armand Clesse (Aldershot: Ashgate Publishing, Ltd., 2002), pp. 165-182 [En ligne]. Adresse URL: http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/ipe/gilpin.htm (Page consultée le 14 décembre 2006)

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Par Laurie Duguay
 

L'Irak et le néo-impérialisme étasunien

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