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 L’impérialisme juridique des USA en gouvernance d'entreprise

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Tite Prout
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Tite Prout


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Date d'inscription : 01/06/2005

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MessageSujet: L’impérialisme juridique des USA en gouvernance d'entreprise   L’impérialisme juridique des USA en gouvernance d'entreprise EmptyLun 28 Mai - 8:22


L’impérialisme juridique des USA en gouvernance d'entreprise Matrices

L’impérialisme juridique des Etats-Unis en matière de gouvernance d’entreprise

Publié le 27/05/07 | L’impérialisme juridique des USA en gouvernance d'entreprise Friend | L’impérialisme juridique des USA en gouvernance d'entreprise Print









Le 30 juillet 2002, le Sarbanes Oxley Act (SOX), réforme majeure de la
gouvernance d’entreprise aux Etats-Unis, est promulgué par le Président
Bush. Il fait suite aux retentissants scandales Enron et Worldcom, qui
avaient soulevé, entre autres, la question de l’indépendance des
commissaires aux comptes et le problème de la responsabilité des
dirigeants sociaux.
Les principales mesures qu’il impose sont :
la création d’un organe de surveillance des sociétés d’audit (Le Public
Companies Accounting Oversight Board), l’exigence renforcée
d’indépendance des membres du comité d’audit (l’équivalent du conseil
de surveillance), l’amélioration de la transparence de la direction de
l’entreprise par la publication de rapports internes, l’interdiction
faite aux sociétés d’audit de prendre part, d’une manière ou d’une
autre, à l’activité de l’entreprise qu’elle contrôle (séparation des
missions d’audit et de conseil).


Que l’on ne s’y
trompe pas : le SOX est avant tout le fruit d’une indéniable volonté
d’améliorer le fonctionnement de la gouvernance d’entreprise en vue
d’une meilleure protection des investisseurs. A cet égard, il est
opposable à tous les émetteurs de titre, qu’ils soient américains ou
étrangers (Ces derniers avaient, en principe, jusqu’au 31.07.2005 pour
le transposer). A l’aune de cette extraterritorialité du SOX, de
véritables enjeux de puissance se profilent.

Afin de mieux
saisir la portée du SOX, il convient, au préalable, de restituer le
contexte dans lequel il s’incorpore : il participe, de fait, à une
évolution de fond de la Corporate Governance en faveur du modèle
anglo-saxon.
Deux modèles de gouvernance d’entreprise sont
traditionnellement opposés : Le modèle Anglo-Saxon, qui s’attache
essentiellement à défendre les actionnaires au sein de l’entreprise
(modèle « shareholder »), et le modèle d’Europe continentale (modèle «
stakeholder »), qui cherche à concilier les intérêts des différents
groupes qui participent à la vie de l’entreprise (actionnaires,
employés, syndicats, créanciers, Etat…).
Cette distinction
fondamentale s’explique essentiellement par le choix de modes de
financement de l’entreprise distincts: les marchés boursiers pour les
entreprises anglo-saxonnes ; les établissements financiers (banques,
assurances), voire l’Etat, pour les sociétés européennes.
Principale
conséquence de ces divergences : les agents régulateurs varient selon
le modèle. Dans les pays anglo-saxons, où le financement par les
marchés domine, ce sont les autorités régulatrices de ces mêmes marchés
(la Security Exchange Commission aux Etats-Unis), garantes de la
protection des investisseurs, qui, avec l’appui du législateur pour les
grandes réformes, édictent et font respecter les règles à observer en
matière de gouvernance d’entreprise. En Europe continentale, où
différents intérêts coexistent, c’est au législateur que revient cette
charge, par la production d’un droit des sociétés codifié. On oppose
ainsi la gouvernance d’entreprise par le droit des marchés financiers,
tournée vers les exigences du marché, et la gouvernance d’entreprise
par le droit des sociétés, à l’écoute de l’ensemble des parties
prenantes de l’entreprise.

L’explosion des marchés de
capitaux à travers le monde a logiquement favorisé l’expansion du
modèle anglo-saxon, la classe des actionnaires prenant une place
dominante dans le processus de décision. Il s’agit de rendre les
marchés de capitaux les plus attractifs possible en assurant une
protection maximale des investisseurs.
La mondialisation a
contribué à amplifier ce phénomène dans la mesure où de plus en plus
d’entreprises européennes se sont inscrites dans des bourses
Anglo-saxonnes pour lever des fonds, et que toujours plus
d’investisseurs étrangers se positionnent sur les marchés financiers
européens. C’est dans ce contexte que les fonds de pension américains
ont pris toute leur importance : disposant d’une puissance financière
importante, ils influencent le législateur aussi bien directement - en
faisant pression sur celui-ci - qu’indirectement, le législateur étant
conscient de l’importance de l’élaboration de règles favorables aux
investisseurs étrangers.

De fait, l’extraterritorialité des
règles édictées par la SEC qui découle de ce processus de globalisation
n’a rien d’un phénomène nouveau. Depuis sa création en 1933, la SEC a
toujours eu vocation à établir des normes applicables à tout
investisseur, qu’il soit américain ou étranger. L’objectif principal de
la SEC est de protéger les investisseurs américains. Bien entendu,
c’est également le but du SOX, qui a considérablement renforcé ses
compétences. C’est l’internationalisation des marchés de capitaux,
corollaire de la mondialisation, qui contribue à amplifier la portée de
ces règles, le nombre d’acteurs susceptibles de tomber sous leur coup
s’étant considérablement accru.


La puissance du marché
boursier sur lequel elles reposent et dont elles se nourrissent permet
aux règles de la gouvernance d’entreprise américaines d’avoir un
rayonnement mondial. En effet, le génie du modèle de Corporate
Governance américain est de s’être construit sur une base solide qui
favorise tant son perfectionnement (en étant perpétuellement à l’écoute
du marché), que son expansion. Le marché boursier américain reste, en
effet, le plus attractif (il représente plus de la moitié de la
capitalisation boursière mondiale) et peut se permettre, par le biais
de la SEC, d’édicter des normes applicables dans le monde entier afin
de protéger les investisseurs américains.
D’une certaine manière,
les Etats-Unis sont à la fois juge et partie, ils sont et font le
marché. C’est le premier enseignement à tirer du SOX.

Au-delà
de la contestation du principe même d’extraterritorialité, il convient
de voir quelles sont, concrètement, les mesures du SOX les plus
contraignantes pour les entreprises européennes. Deux règles retiennent
particulièrement l’attention des émetteurs européens: les sections 102
et 404 du SOX.
La section 102 instaure la création du Public
Companies Accounting Oversight Board, organisation privée à but non
lucratif qui a pour compétence d’établir si une société d’audit -
qu’elle soit américaine ou étrangère - est habilitée à contrôler les
sociétés cotées sur le marché boursier américain. Dans sa fonction de
contrôle des entreprises d’audit, le PCAOB produit des normes qui ont
une vocation extraterritoriale. Il est ainsi à craindre que les
standards comptables américains et les sociétés d’audit américaines,
déjà en position de force, pérennisent leur domination. Lorsque l’on
connaît le caractère stratégique du métier de commissaire aux comptes
(l’auditeur a effectivement accès aux mouvements de fonds de
l’entreprise qu’il contrôle, ces derniers révélant souvent une partie
sa stratégie), on comprend mieux en quoi le SOX peut satisfaire la
volonté de puissance des Etats-Unis.
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Tite Prout
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Tite Prout


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MessageSujet: Re: L’impérialisme juridique des USA en gouvernance d'entreprise   L’impérialisme juridique des USA en gouvernance d'entreprise EmptyLun 28 Mai - 8:22

La section 404 du SOX prescrit
l’établissement, en plus du rapport annuel sur les états financiers
statutaires et consolidés, d’un rapport des dirigeants sur le contrôle
interne lié au reporting financier, principalement aux états financiers
publiés. Elle exige donc des sociétés de documenter non seulement les
procédures de contrôle interne sur les informations financières mais
également les résultats des tests effectués lors de l’évaluation
annuelle de l ’efficacité.
Selon une enquête menée par Financial
Executives International (FEI) auprès de 217 sociétés cotées
américaines ayant un chiffre d’affaires moyen de 5 milliards de
dollars, les coûts nécessaires à la mise en conformité avec les
dispositions de la section 404 du SOX s'avèrent beaucoup plus élevés (+
39 %) qu’elles ne l’avaient prévu lors d’une enquête menée par FEI en
juillet 2004. Les dépenses de conseil externe et de développements
logiciels s’élèvent à + 66 % ; les honoraires des auditeurs externes à
+ 57 %. Les coûts s’élèvent en moyenne à 1,34 million de dollars pour
les coûts internes, 1,72 million de dollars pour les coûts externes,
1,30 million de dollars en honoraires d’audit. FEI étant un
regroupement de « Chief Executive Officer » fermement opposés au SOA,
ces chiffres sont à prendre avec précaution. Ce d’autant plus que
l’actualité récente révèle que les dépenses sont bien moins importantes
l’année qui suit la mise en place du dispositif exigé. Le contexte
relatif aux coûts engendrés par le SOX est donc en voie d’apaisement.

Toutefois, au regard diverses contrariétés engendrées par le SOX,
certaines entreprises européennes émettent le souhait de se retirer des
marchés de capitaux américains. Les conditions relatives à la
désinscription d’une société du registre de la SEC sont pourtant très
dissuasives (Un descriptif détaillé du dispositif serait ici trop
fastidieux. L’excellent rapport produit en 2004 le Deutsches
Aktieninstitut en fait une excellente analyse). Un sondage récemment
réalisé auprès de 134 entreprises étrangères cotées sur les marchés
américains par le cabinet de conseil américain Broadgate Capital
Adviser révèle que 11 d’entre elles souhaitent se retirer du marché
boursier américain, mais en sont dissuadées du fait des conditions
rigoureuses imposées par les règlements de la SEC.

Le
législateur français a pris conscience de l’importance de la protection
des investisseurs en adoptant, coup sur coup, la Loi sur les Nouvelles
Régulations Economiques (loi NRE) en 2001, et la loi sur la Sécurité
Financière (LSF) en 2003. Ainsi la loi NRE et la LSF émettent-elles des
signaux forts en faveur de la protection des investisseurs : baisse de
10 à 5 %, du seuil du capital que doit détenir un actionnaire (ou
groupe d’actionnaires) pour passer une résolution en assemblée
générale, réduction du nombre maximal d’administrateurs au conseil
d’administration d’une SA, création du Haut Conseil au Commissariat aux
Comptes, qui - assisté du Conseil National des Commissaires aux Comptes
- surveille l’activité des auditeurs. Toutes ces mesures révèlent une
influence certaine de la gouvernance d’entreprise américaine et font
écho au SOX.

La supériorité du modèle de gouvernance
d’entreprise anglo-saxon sur le modèle d’Europe continentale n’est
pourtant pas avérée. En effet, si une grande partie des universitaires
américains s’est évertuée à prouver l’efficience ou la victoire du
modèle « shareholder » (Je renvoie ici aux travaux de Shleifer et
Vishny , ainsi qu’à ceux de Hansmann et Kraakman), sa supériorité
absolue ne semble pas si évidente.
A travers la notion de
dépendance du sentier (« path dependence »), Bebchuk et Roe se sont
ainsi évertués à prouver l’importance du contexte dans lequel chaque
modèle de gouvernance est enraciné. La leçon principale de leurs
travaux réside dans le fait qu’un système de gouvernance ne vaut que
dans le contexte politique, économique, social, juridique et culturel
dans lequel il s’est développé. Affirmer la supériorité d’un modèle sur
l’autre ou vouloir le transposer, ce serait méconnaître les
spécificités propres à chaque contexte. Le modèle de gouvernance
d’entreprise type « shareholder » a certes fait ses preuves aux
Etats-Unis, mais rien ne dit qu’il sera efficace en Europe
continentale, ou chaque pays possède une culture spécifique de prise en
compte d’intérêts variés. La réussite d’un modèle de gouvernance
d’entreprise est ainsi fonction des règles et des structures qui
préexistent.
Que l’on s’entende toutefois : une grande partie des
réformes visant à protéger les investisseurs sont une bonne chose; pour
autant, il ne faut pas perdre de vue nos spécificités européennes et
accepter aveuglément tout ce qui émane des Etats-Unis.

Le
SOX a fourni un cas d’école en la matière. En définissant de manière
stricte la notion d’indépendance du membre du comité d’audit, la
section 301 du SOX est en contradiction avec la tradition de
participation des salariés au conseil de surveillance des SA allemandes
(système de codécision). La conception restrictive de l’indépendance du
SOX exclut effectivement du comité d’audit (ou conseil de surveillance)
toute personne qui, en-dehors de sa fonction de surveillance, reçoit
une rémunération de la part de l’entreprise contrôlée. Il obligeait
ainsi toutes les plus grandes entreprises allemandes - bien évidemment
cotées aux Etats-Unis - à exclure tous les salariés des conseils de
surveillance, dérogeant ainsi à l’un des fondements essentiels de la
gouvernance d’entreprise allemande. Rappelons, au passage, que la
codécision est l’un des symboles forts du modèle « stakeholder »
d’Europe continentale, dans la mesure où il cherche à concilier les
intérêts de plusieurs groupes au sein de l’entreprise (dirigeants,
salariés, actionnaires). Un accord a toutefois été trouvé entre la SEC
et le gouvernement allemand pour considérer les salariés comme
indépendants dès lors qu’ils ne participent pas aux décisions
managériales de l’entreprise. La codécision est donc temporairement
sauvée.
Que faut-il retenir de cet épisode ? Les Etats-Unis n’ont
certes pas mis à bas la codécision, mais, forts de la puissance de leur
marché boursier, ils ont démontré qu’ils avaient les moyens d’ébranler
les fondements de la gouvernance d’entreprise européenne.

Cependant, à la lumière de l’émergence de nouvelles nécessités telles
que le respect de l’environnement ou la garantie du comportement
socialement responsable de l’entreprise, il semble que le modèle
européen de Corporate Governance, basé sur la prise en compte d’une
multitude d’intérêts, ait encore un rôle à jouer. A cet égard, la
récente affaire Refco révèle que le SOX est loin d’avoir résolu tous
les problèmes de gouvernance.


En guise de réponse à la
pression faite par les Etats-Unis sur l’Europe continentale en matière
de gouvernance d’entreprise, plusieurs solutions se dégagent.
Les
codes de bonne conduite, introduits en Europe continentale à la fin des
années 90, sont un moyen d’éviter de réformer en profondeur le droit
des sociétés. De nature dispositive, les règles qu’ils énoncent sont en
adéquation avec le modèle américain de protection des actionnaires et
offrent une certaine flexibilité aux entreprises en matière de
gouvernance. Il est cependant à craindre qu’à long terme, ces formes de
« soft law » se mutent en « hard law ».
Ainsi, pour ne pas être
soumis aux standards américains et sauver leur modèle de gouvernance
d’entreprise, la France et l’Europe ont tout intérêt à développer un
marché boursier assez puissant pour concurrencer le marché américain et
ne pas se trouver à la merci des règlementations des autorités
régulatrices américaines. Récemment interrogé à ce propos, le Dr
Christian Kirchner, professeur d’Economie, de droit des marchés
financiers à la Humboldt Universität de Berlin et responsable du cercle
juridique germano-américain, abondait en ce sens, tout en précisant que
la formation d’un puissant marché boursier en Europe ne pouvait se
faire que par le biais du développement de la retraite par
capitalisation.
Il serait inconscient, en définitive, d’ignorer
le poids de la gouvernance interne (Celle qui est mise au point au sein
de chaque entreprise). Pour imposer des normes de bonne conduite
d’inspiration européenne au sein de chaque société et faire face à la
puissance financière américaine, il est ainsi nécessaire (voire vital)
que se constitue un puissant lobby d’investisseurs susceptible
d’influencer les votes au sein des assemblées d’actionnaires.
La route est encore longue…

PEB

http://www.infoguerre.com/article.php?sid=1148
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