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 PAS DE MÉDICAMENTS POUR LES PAYS PAUVRES

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mihou
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mihou


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02062005
MessagePAS DE MÉDICAMENTS POUR LES PAYS PAUVRES

PAS DE MÉDICAMENTS POUR LES PAYS PAUVRES

L’Europe et les Etats-Unis prolongent l’apartheid sanitaire



Quoi de plus urgent, alors que le sida emporte huit mille vies chaque jour, que de vaincre le blocage de l’accès aux traitements ? De mois en mois, l’épidémie progresse, l’espérance de vie recule et les souffrances augmentent. Comment justifier que des impératifs commerciaux persistent à interdire aux pays du Sud de se procurer des médicaments ? En dépit de la promesse faite par l’Organisation mondiale du commerce à Doha, en novembre 2001, les multinationales pharmaceutiques du Nord livrent une guerre mondiale aux pauvres. Avec la complicité, notamment, des Etats-Unis et de l’Union européenne.



Par JAMES LOVE
Directeur du Consumer Project on Technology, Washington.




Changement de politique ou gaffe présidentielle ? Une petite phrase prononcée par M. George W. Bush, dans son discours sur l’état de l’Union, en janvier 2003, laisse les observateurs perplexes. Annonçant une augmentation substantielle de la participation américaine au financement de la lutte contre le sida dans le monde, le président Bush se félicita que le coût annuel d’un traitement antirétroviral ait chuté de 12 000 dollars à... 300 dollars, un prix que seuls les fabricants de copies génériques proposent actuellement. L’administration américaine (tout comme la précédente) combat bruyamment, dans tous les forums internationaux, ces mêmes génériques qui, selon M. Bush, « mettent à notre portée des possibilités immenses ».

Depuis deux ans, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’est engluée dans un combat amer autour des brevets sur les médicaments. Les principales puissances commerciales - Etats-Unis et Union européenne en tête, suivis par le Japon et le Canada - ont tout tenté pour saborder l’accord conclu à Doha (Qatar) en novembre 2001. Et l’intransigeance des Etats-Unis fit échouer les « discussions de la dernière chance », fin décembre 2002, à Genève.

La controverse portait sur l’étendue des besoins sanitaires au nom desquels un pays serait autorisé à passer outre aux brevets pour soigner sa population. Selon les pays riches, dont l’industrie monopolise la quasi-totalité des brevets pharmaceutiques mondiaux, des exceptions aux brevets pouvaient être tolérées pour les médicaments permettant de lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme. ils y ajoutèrent, pour faire bonne mesure, une poignée de maladies, pour la plupart tropicales et de faible intérêt commercial. Mais ni le cancer, ni le diabète, ni l’asthme, par exemple, ne figurent sur la liste limitative de maladies auxquelles ils veulent désormais restreindre l’accord de Doha.

D’autres aspects, plus techniques, furent soulevés pour limiter la portée de l’accord. On allait réduire la liste des pays autorisés à réclamer ces exceptions ; restreindre les technologies auxquelles ils pouvaient prétendre dans le cadre de l’accord ; et créer un ensemble de contraintes légales qu’il serait à la fois complexe et coûteux à mettre en oeuvre, et qui limiterait encore les possibilités de se procurer à bas prix des médicaments sous brevet... Les pays riches avaient, en vérité, conspiré pour dévaloriser - ou détruire - les promesses faites un an plus tôt.

Comment en est-on arrivé là ? Les événements qui précédèrent la rencontre de Doha avaient été dramatiques : trente-neuf firmes pharmaceutiques avaient intenté un procès au gouvernement sud-africain pour le contraindre à annuler une modification des lois sur les brevets. Grave erreur médiatique : en avril 2001, la mobilisation des séropositifs sud-africains et les images en provenance des prétoires tournèrent au désastre pour les firmes plaignantes, et remplirent de honte l’opinion publique des pays riches. Dans le même temps, les Etats-Unis avaient demandé à l’OMC d’annuler une loi brésilienne destinée à contourner les droits de brevets, avant d’abandonner la procédure, sous le feu des critiques.

Puis, à la suite des attaques du 11 septembre 2001, les Etats-Unis furent pris de panique face au bioterrorisme : adressées à quelques officiels et à des organes de presse, des enveloppes contenant des spores de bacille du charbon avaient fait cinq morts, et le pays s’inquiétait de son accès au Cipro, un médicament capable de traiter certaines souches de cette maladie. Pour garantir un approvisionnement suffisant à un prix réduit, le Canada et les Etats-Unis menacèrent Bayer, détenteur du brevet sur le Cipro, d’ignorer son brevet - un acte légitime, mais en contradiction avec la pression exercée sur le Brésil ou l’Afrique du Sud pour les empêcher de faire de même pour le sida...

Placés sur la défensive, les pays riches acceptèrent, lors de la réunion de Doha, une déclaration générale sur le droit des pays à prendre des mesures pour protéger la santé publique. Un succès présenté comme l’aube d’une nouvelle ère du commerce international, plus juste pour les pauvres. Les quatorze mois de négociations qui suivirent, et qui devaient porter sur les détails de la mise en oeuvre de la déclaration de Doha, échappèrent à tout contrôle ; les Etats-Unis et l’Union européenne consolidèrent leur soutien aux grands exportateurs de produits pharmaceutiques, au point que, pour les pays en voie de développement et les défenseurs de la santé publique, l’« avancée » de Doha se solda par un recul.

La bataille porte sur l’accord dit « Adpic » - « aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce » -, l’un des trois piliers de l’OMC (1). En théorie, cet accord est souple, en ce qu’il permet à chaque pays d’adopter un certain nombre de mesures pour protéger l’intérêt public, notamment la santé. L’une de ses mesures les plus importantes autorise un gouvernement à forcer la main au détenteur d’un brevet pour autoriser une production locale - mécanisme connu sous le nom de licence obligatoire -, en négociant par la suite une compensation financière modeste.

A Doha, l’ensemble des pays membres de l’Organisation mondiale du commerce adoptèrent une déclaration sur les Adpic et la santé publique selon laquelle cet accord « peut et devrait être interprété et mis en oeuvre d’une manière qui appuie le droit des membres de l’OMC de protéger la santé publique et, en particulier, de promouvoir l’accès de tous aux médicaments ». La déclaration, d’une force surprenante pour cette organisation, choqua les grandes compagnies pharmaceutiques. En réponse, l’industrie concentra ses feux sur l’un des points-clés de sa mise en application.

Le paragraphe 6 de la déclaration enjoignait l’OMC de trouver une solution au problème des restrictions à l’exportation. En effet, lorsqu’un pays décide d’imposer une licence obligatoire sur un brevet, il est entendu que la copie du médicament réalisée par les industriels locaux doit être principalement destinée au marché intérieur. Mais, si tous les pays potentiellement producteurs se voient ainsi interdire d’exporter, comment un pays ne disposant d’aucune industrie locale pourrait-il faire valoir ses droits ? Et, si son marché local est petit, comment le même pays pourrait-il disposer de producteurs locaux viables - sachant que, dans l’industrie pharmaceutique, les économies d’échelle sont très importantes ? Une solution raisonnable - et qui ne contredit pas le libre-échangisme prôné par l’OMC - eût été d’autoriser l’exportation d’une copie de médicament à l’ensemble des pays ayant décidé de faire prévaloir le droit à la santé sur le respect des brevets. Afin d’organiser, concrètement, la mise à disposition au moindre coût des médicaments qui permettraient de soulager les souffrances et d’éviter la mort de millions de personnes.
Duplicité de la Commission européenne

Détails de mise en oeuvre ? C’est pourtant ce paragraphe 6 qui fournit à M. Robert Zoellick, représentant des Etats-Unis pour le commerce extérieur, et à M. Pascal Lamy, commissaire européen au commerce extérieur, le moyen décisif pour renverser le sens de la déclaration de Doha, après en avoir engrangé les bénéfices médiatiques. Fin décembre 2002, dans les derniers jours de la négociation marathon, et sous la pression du lobby pharmaceutique, Washington sort de son chapeau une liste limitative des maladies concernées par la déclaration.

Cette énumération, qu’aucun critère de santé publique ne vient étayer, fit l’unanimité contre elle : 143 pays sur les 144 membres de l’OMC s’y opposèrent, ainsi que la directrice sortante - et le futur directeur - de l’Organisation mondiale de la santé. Cela n’empêcha pas M. Lamy de tenter une relance des négociations, le 7 janvier 2003, sur la base d’une liste similaire, en suggérant que, pour toute maladie n’y figurant pas, une consultation préalable de l’OMS permettrait d’« introduire un tiers de confiance pour mettre de l’huile dans les rouages de la négociation (2) ». La « confiance », terme-clé ouvrant la voie à toutes les pressions bilatérales...

Les Etats-Unis et l’Union européenne mettent désormais les pays pauvres face à un choix difficile et cruel : ou bien ils acceptent un accord vicié et complexe, empreint de limitations et de restrictions, qui, au final, ne fonctionnera (mal) que dans une poignée de pays, ou bien ils restent les mains vides. Ainsi, pour M. Zoellick, « le problème était que de plus en plus de pays voulaient obtenir le droit d’importer depuis des pays tiers (...), y compris des pays disposant d’une industrie pharmaceutique forte. Alors vous étendez cela, l’ensemble des pays qui peuvent disposer de ces privilèges particuliers, à environ 120 [pays]. Puis certains pays veulent élargir l’accord à plus de maladies. Vous prenez donc ce qui est censé être une exception pour des circonstances particulières, vous l’étendez à quasiment tous les pays hors OCDE, puis à toutes les maladies, et au final vous avez percé un trou dans le régime de propriété intellectuelle (3) ».

Bien entendu, les exceptions au droit des brevets continueront à s’appliquer sans difficulté dans les pays riches, où les marchés sont importants et où l’Etat n’hésite pas à requérir des licences obligatoires sur de nombreuses technologies. Le Cipro n’était pas un cas isolé : les Etats-Unis ont récemment imposé des centaines de licences obligatoires sur des technologies aussi diverses que les camions semi-remorque, des variétés de céréales, des produits pharmaceutiques, des brevets génétiques, du matériel et des logiciels informatiques... pour n’en mentionner qu’une partie.

De son côté, le commissaire européen Pascal Lamy tente de persuader les pays en voie de développement que « les médicaments ne s’inventent pas tout seuls » et ne fait pas un geste lorsque le Japon demande que les vaccins soient exclus de la négociation. Son équipe explique aux journalistes que le diabète, le cancer ou l’asthme ne sont pas prioritaires. Mais, dans le même temps, l’Union européenne met en place un programme de licences obligatoires sur de nouvelles variétés de plantes, et le Royaume-Uni, la France et le Canada suggèrent qu’ils sont prêts à passer outre aux brevets de Myriad sur les gènes liés au cancer du sein (4). Récemment encore, le laboratoire Roche faisait usage d’une loi allemande sur la propriété intellectuelle pour forcer Chiron, une firme de biotechnologie californienne, à lui concéder une licence sur une technologie de tests VIH.

Les discussions se veulent très techniques, mais quelques éléments devraient avoir la force de l’évidence. MM. Lamy et Zoellick suscitent un faux débat autour de la question des licences obligatoires, car l’accord sur les Adpic donne déjà le droit à chaque pays membre de l’OMC de ne pas tenir compte d’un brevet, en fixant lui-même les raisons. Cela, on l’a vu, ne peut fonctionner efficacement pour les petits pays, dont le marché domestique est limité. D’autant que, en 2005, l’Inde et les autres exportateurs potentiels de copies de médicaments intégreront les contraintes des Adpic et ne seront plus autorisés à fournir à ces petits pays des médicaments à bas prix.

Aucun indice ne permet, par ailleurs, de penser que les pays en voie de développement abuseront des licences obligatoires. Dans la pratique, c’est même l’inverse qui se produit actuellement, rares étant les pays à oser faire valoir leurs droits, face au risque de mesures d’intimidation et de rétorsion. L’Afrique du Sud, bien qu’elle compte 5 millions de séropositifs (5), a rejeté fin 2002 une demande de licence obligatoire sur des médicaments anti-sida suggérée par le fabricant indien Cipla. Quant au Brésil, il s’est limité à menacer, à trois reprises, de prendre des licences obligatoires, deux fois pour des produits anti-sida très onéreux, et une fois pour le Glivec, un médicament contre la leucémie coûtant 50 000 euros par an - dans les trois cas un accord amiable de réduction des prix fut trouvé.
Ignorance ou cynisme ?

L’affirmation selon laquelle la pneumonie, le diabète, l’asthme, les maladies cardiaques ou le cancer ne sont pas prioritaires pour les pauvres relève de l’ignorance ou du cynisme : la plupart des morts dues au cancer ont lieu dans les pays pauvres - 80 millions de personnes touchées se trouvent sans accès aux soins ; aux Seychelles, l’hypertension affecte 22 % de la population, à Cuba 30 % ; l’asthme tue 180 000 personnes chaque année, surtout chez les pauvres, et les cas non mortels conduisent à des souffrances importantes chez ceux qui n’ont pas d’accès aux soins (au Brésil, au Costa Rica, au Panama, au Pérou et en Uruguay, la prévalence des symptômes asthmatiques chez les enfants varie de 20 % à 30 % ; au Kenya, elle est proche de 20 % ; deux tiers des personnes souffrant de surdité vivent dans les pays en voie de développement ; l’Inde a deux fois plus de patients souffrant du diabète que les Etats-Unis ; l’Ethiopie héberge plus de diabétiques que la Suisse, etc. Et la dépression immunitaire due au sida rend chaque maladie, même la plus bénigne, potentiellement mortelle.

Les pays en voie de développement, étranglés par la dette, consacrent trop peu de ressources à la santé. Chaque dollar économisé sur le coût des traitements, des vaccins, des tests, pour l’une ou l’autre des maladies qui affecte leur population, est un dollar utilisable pour se procurer plus de médicaments, ou des médicaments plus chers, pour soutenir ou reconstruire les infrastructures, payer médecins et infirmières, etc. L’accord de novembre 2001, mis en oeuvre par des gens de bonne foi, devait lever les principaux obstacles juridiques interdisant à ces pays de s’organiser pour promouvoir l’accès de tous aux traitements. C’est, au contraire, au sabotage systématique de la déclaration de Doha que se sont employés, depuis lors, les représentants des pays les mieux dotés en matière de santé et de niveau de vie.

JAMES LOVE.
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PAS DE MÉDICAMENTS POUR LES PAYS PAUVRES :: Commentaires

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une horrible histoire vraie,
Message Dim 5 Juin - 2:27 par bhc
Je travaillais dans l'industrie pharmaceutique, le contrôleur de gestion, qui est un ami, m'a rapporté l'histoire suivante:
un jour qu'il était avec un directeur d'une des filiales du groupe, ce dernier était au téléphone et a branché le haut parleur pour que mon ami puisse entendre la conversation:
le dg : "mais vous ne mettez pas assez de principe actif"
le client (gros labo pharmaceutique): "pas grâve, c'est pour l'Afrique, aucune importance"....
Cela se passait il y a une ou deux années, en France, .....Mon ami est africain...
mihou
PAS DE MÉDICAMENTS POUR LES PAYS PAUVRES
Message Dim 5 Juin - 18:33 par mihou
cela ne m'étonne pas.
On n'est pas encore sorti de l'auberge:cependant ne baissons pas les bras.
Mihou
 

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