SARKOZY & CO NE L'IMAGINAIENT PAS:TARIQ RAMADAN, EUROPEEN DE L'ANNEE !
Le Chef d'Al Qaïda ayant pris la clé des champs au lendemain du 11 septembre 2001, le monde occidental ne s'est pas embarrassé de considérations dans sa guerre globale contre ce qu'il a nommé Islamisme ou fondamentalisme musulman. Il y en a un qui a particulièrement apprécié combien la mise au pilori s'accompagne très souvent de mauvaise foi et délires intellectuels dès qu'il s'agit d'aborder la qustion de l'Islam. Oui, Tariq Ramadan, il faut le dire, a provoqué le rejet et les peurs irrationnels, au point de pousser des ennemis et adversaires traditionnels à conclure une paix des braves au nom de la lutte pour la défense d'un occident supposé sous la menace des fous d'Allah. Peu importe si le brillant intellectuel Arabe et Musulman ne correspondait pas aux critères définis par les idéologues du "choc des civilisations". Droite, gauche, toustes tendances confondues, ont vu en lui un personnage démoniaque, manipulateur,expert en communication et en double-langage. Un vrai péril ! Fondamentaliste déguisé en prédicateur cathodique , il se serait trahi par ses hésitations concernant la lapidation des femmes. Sarkozy le ministre des cultes n'a t-il pas formulé, lui-même, ce constat après un débat avec le nouvel ennemi public numéro 1, comme l'ont qualifié les incontournables penseurs Adler, Finkielkraut, BHL et autres partisans de la guerre contre l'Irak? Plus grave, anti-sémite, il se serait révélé tel qu’en lui-même en regrettant le communautarisme de ses principaux accusateurs, ceux qu'il apelle toujours les intellectuels sionistes . Enfin, manipulateur et hypocrite, il aurait démontré tout son talent diabolique en réussissant à devenir LA référence aux yeux de millions de musulmans dans le monde, en particulier en Europe. Le nom de Tariq Ramadan, tout comme celui de l'Humoriste Dieudonné, est devenu la meilleure invective pour affaiblir n'importe quel interlocuteur. N'a t-il pas été utilisé jusqu'à l'usure pour disqualifier toute velléité d’opposition à la loi interdisant le foulard à l’école? Faut-il encore rappeler combien les Ayatollah de la laïcité ne se gênaient pas pour dénoncer une connivence entre leurs adversaires et Tariq Ramadan? Force est de constater l'échec de cette politique de diabolisation qui n'a aucunément nuit à la réputation flatteuse du coupable désigné à la vindicte populaire. Bien au contraire, l'absence d'une argumentation rigoureuse ,la régularité et le charisme deTariq Ramadan l'ont confirmé dans son rôle d'homme de dialogue entre les cultures Arabo-musulmanes et l'occident Judéo-Chrétien. Telle est la signification de la récompense qu'il vient de recevoir, alors qu'il était considéré comme le diable en personne par le ministre de l'intérieur et sa compagnie d'intellectuels des plateaux TV.
Alert2neg
Tariq
Je ne m’attendais pas à gagner le prix de l’Européen de l’année (dans la catégorie des personnalités n’étant pas citoyens d’un pays de l’Union Européenne). Pour deux raisons principalement : d’abord, parce que les autres nominés de la catégories étaient prestigieux (Mahmoud Abbas, Kofi Annan, Bill Gates, Alan Greenspan et Orhan Pamuk) mais surtout à cause des controverses et parfois des pures calomnies qui ont entouré mon travail et mon engagement durant ces dernières années, et particulièrement en France (aux Etats-Unis, j’ai essentiellement des problèmes avec les néo-conservateurs dans et autour de l’administration Bush)…
Le comité établi par le magazine European Voice (www.ev50.com) n’a pas tenu compte de cette nébuleuse de rumeurs et semble s’en être tenu aux écrits, aux actions et aux faits. Ils ont décidé de m’attribuer ce prix, a-t-il été indiqué, pour saluer mon travail et mon engagement autour de la question de l’islam européen, de l’identité et de la citoyenneté européennes. Outre les remerciements d’usage à la suite de cette heureuse surprise, j’aimerais simplement dire et répéter ici combien cet engagement est et demeure essentiel pour pouvoir vivre ensemble de façon sereine et respectueuse tout en construisant ensemble notre avenir.
J’ai pu rappeler, lors de la soirée des remises de prix, mardi 28 novembre 2006, combien il était important de reconnaître que l’islam est une religion européenne, que nous avons des valeurs communes et que l’avenir se construira si nos prenons tous conscience de nos responsabilités partagées. Sortir de nos ghettos intellectuels, religieux et sociaux respectifs ; établir la confiance au niveau local, travailler sur l’éducation, ouvrir des espaces de débats critiques en évitant les provocations inutiles et la surémotivité qui finit par nous rendre sourds et polariser dangereusement les positions.
Après la crise des caricatures, les débats autour de la liberté d’expression, les déclarations du Pape – et à l’heure où celui-ci se rend à Istanbul - , il est urgent de prendre une distance critique et de poser les termes d’un débat profond et raisonnable. L’Europe a un rôle crucial à jouer en cette période clef de notre histoire… sur son sol autant qu’au niveau international. Nous avons les moyens d’éviter les « conflits de perceptions » et la construction d’identités exclusives, réactives et fermées, nous avons la responsabilité de ne pas tout mélanger et de ne pas nous tromper de diagnostique. La visibilité nouvelle des musulmans, la réalité de l’immigration continue et du terrorisme ont installé la peur parmi nous et nous finissons par tout confondre : tout reviendrait à un défaut « d’intégration » et à un « conflit de civilisation et de religion ».
Or, rien n’est moins vrai : nous avons à revisiter nos programmes d’enseignement pour les rendre plus inclusifs et établir une « histoire commune des mémoires », nous avons à travailler sur le sens de l’appartenance en encourageant les partenariats sur le terrain citoyen. Nous devons surtout reconnaître que l’intégration religieuse et culturelle est déjà acquise pour des millions d’Européens et qu’il faut encore et toujours se concentrer sur les vrais problèmes : l’intégration sociale, la lutte contre le racisme, les discriminations à l’emploi et à l’habitat. Il faut cesser d’islamiser les problèmes, de les essentialiser et il faut enfin demander aux politiciens de se réconcilier avec la politique.
Nous avons besoin, l’Europe a besoin, de politiciens courageux qui agissent contre les peurs et travaillent sur le long terme en affirmant la pluralité des identités des Européens, le pluralisme assumé de nos sociétés et surtout l’urgence de circonscrire les vrais problèmes sociaux plutôt que de se cacher, à l’approche des élections, derrière la peur des citoyens, leur besoin de sécurité et les explications simplistes et populistes sur la cause de nos crises identitaires et sociales.
Depuis plus de vingt ans, je travaille sur cette question avec de nombreux intellectuels et des femmes et des hommes de terrain. Ce discours est de plus en plus entendu et cette approche de plus en plus partagée comme le prouve la réception très positive qui a accompagné le Manifeste pour un nouveau « Nous » (http://www.tariqramadan.com/article.php3 ?id_article=738). Le prix qui m’a été décerné est un signe de plus qu’il faut continuer sans relâche loin des controverses mais en gardant cette même ligne qui exige le respect de soi et d’autrui, l’écoute et la critique, l’engagement et la patience. La route est longue et ce prix est un simple signe que quelque chose a été entendu et est acquis mais il indique également qu’il faut continuer et que rien ne sera facile. L’optimisme ici ne peut être synonyme de naïveté.
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