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 la communaute noire par Belinda Tshibwabwa Mwa Bay

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zapimax
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zapimax


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la communaute noire par Belinda Tshibwabwa Mwa Bay Empty
22072005
Messagela communaute noire par Belinda Tshibwabwa Mwa Bay

Par Belinda Tshibwabwa Mwa Bay

Je sais que par les temps qui courent, une telle affirmation passe pour une véritable hérésie. Mais avant d’être condamnée au bûcher par l’Inquisition négro-afropolitano-kémite, j’aimerais expliquer pourquoi et comment j’en suis arrivée à commettre un tel sacrilège. Tout a commencé par un sentiment d’indifférence, puis de décalage et enfin de franc agacement face à la déferlante du « Malaise noir » en France. Une vague névrotique déclenchée il y a quelques mois, par la haine inexpliquée d’un Bourguignon à l’encontre de l’innocente tubercule qui donne à mon foufou sa saveur si unique. J’ai alors constaté avec effroi, que la représentation des Noirs à la télévision française était aussi importante pour moi que la température qu’il fait sur Mars, que je n’avais pas attendu la permission de la société française pour exister, puisque je suis visible depuis 1974, et surtout, chose étrange, que je n’éprouvais aucun malaise, alors que ma carnation est sens conteste de type négroïde. Est-ce grave docteur ? Gravissime ma petite demoiselle, vous ne présentez aucun symptôme du délire de persécution, aucune obsession de la "Francitude", aucune dépendance à la Négritude, aucun trouble de l’identité. Vous êtes sûre que vous êtes Noire ?

Parce que de nos jours, un Noir qui ne rêve pas d’une interview kamasoutra sur le plateau de Thierry Ardisson, c’est pas tendance. Un Noir qui aime le manioc, c’est carrément out. Un Noir qui ne se sent pas français c’est anti-républicain. Un Noir qui ne se plaint de rien c’est anti-communautaire. Un Noir qui ne sait pas réciter tout Cheik Anta Diop est un aliéné tout juste digne de porter le nom de la célèbre barre chocolatée, fourrée à la noix de coco.

En résumé, quand on est Noir en France on ne peut et ne doit choisir qu’entre Intégrationisme et Intégrisme. Seulement voilà, moi je ne me reconnais dans aucun de ces deux courants identitaires. Je ne suis ni Française ni Egyptienne, et n’ai aucune intention de le devenir. Loin de nier la véracité et la réalité du « malaise » dont souffre une frange de la population noire, je suis tout de même allergique aux généralisations du style « les Noirs de France », et carrément phobique aux porte-parole autoproclamés de la « communauté noire », qui me prennent en otage parce qu’ils ont accès aux médias. Alors j’ai décidé de prendre le problème à l’envers juste pour voir. A la question : Suis-je une renégate psychorigide, doublée d’une blédarde atavique, qui trahit la communauté noire ? La réponse a été : Mais au fait, c’est quoi la communauté noire ?

Commençons par le commencement. Qu’est-ce qu’une communauté ? Pour moi une communauté désigne un groupe de personnes, unies par une identité et une origine commune, poursuivant les mêmes buts, tant individuels que collectifs, animées par le désir de préservation et de diffusion de valeurs et de traditions qui leur sont propres, régies par la préférence donnée au groupe sur le reste de la société en termes de solidarité, mais aussi de mariage, de réseaux d’influence, d’opportunités économiques et d’engagement politique. On n’appartient pas à une communauté parce qu’on correspond à ses critères, mais parce qu’on les cultive. Appartenir à une communauté c’est un choix, une profession de foi.

D'où ma question à 1 million d'euro : les Noirs de France forment-ils une communauté ?

Il y a Africains et Africains, Antillais et Antillais, Noirs et Noirs

Déjà il y a Africains et Antillais. Jusque là rien à signaler puisque qu’au sein de la communauté juive, il y a , entre autres, des Ashkénazes (originaires d’Europe de l’est), des Séfarades (originaires du Maghreb) et des Falashas (originaires d’Ethiopie). La diversité des origines ne constitue donc pas un frein à l’appartenance communautaire. Là où ça se complique, c’est que les relations entre Antillais et Africains, qui en général se caractérisent, au mieux par une indifférence bilatérale, au pire par un mépris cordial, sont particulièrement limitées. Tout est bon pour garder ses distances et défendre sa boutique. D’une part ; la nationalité française, les ancêtres Bretons, une phobie de la misère africaine, une vieille rancœur causée par l’implication des Africains dans la traite négrière, et puis « qui vous dit que je suis Noir d’abord ? ». Et d’autre part : un sérieux doute sur l’équilibre mental des personnes appartenant à plus d’une race, une condescendance ironique envers l’aliénation de ces Français de seconde zone et une sainte horreur du fayotage. Bref, il faut bien le reconnaître, ce n’est pas le grand amour. Les différences d’origines, de mentalités, de parcours et d’aspirations, sont autant d’antagonismes qui ont pris le pas sur toutes les similitudes existant entre cultures africaines et cultures afro-caribéennes.

Mais si encore il n’y avait que ça, si la seule différence entre Noirs se résumait à une guéguerre entre Africains et Antillais, à force de bonne volonté et de dialogue, l’existence d’une communauté resterait jouable. Mais c’est sans compter sur l’illusion de la France universaliste et son piège républicain.

Le phénomène de l’immigration a crée des clivages culturelles et identitaires entre personnes de la même origine. Il y a la première génération de blédards, nés en Afrique subsaharienne ou dans la Caraïbe, venus s’installer en France pour des raisons diverses et variées, mais qui dans leur grande majorité, ont choisi de ne plus regarder en arrière. Ils ont immigré pour s’offrir une nouvelle vie et de nouvelles racines à leurs enfants. Ce qui différencie la seconde génération de la première ce n’est donc pas uniquement le fait qu’elle soit née en France, c’est aussi et surtout, la rupture dans la transmission culturelle, volontaire ou involontaire, induite par le nouvel environnement socio-économique, et motivée par des complexes culturels d’autant moins avouables qu’ils sont souvent inconscients. Au sein de nombreuses familles africaines et antillaises cohabitent donc des Lutonadio, des Akouavi, des Diallo, des Marie-christine, des Christophe, face à des Kimberley, des Jordan, des Jennifer, des Dylan, incarnant les rêves de modernité de leurs parents, comme ces héros des « feux de l’amour » et de « Berverly Hills ». Des familles où les parents parlent une langue aussi limpide pour leurs enfants que du chinois, petits néo-français qui arrivent à peine à situer le pays d’origine de leurs géniteurs sur une carte de l’Afrique, quand ils savent reconnaître l’Afrique.

Mais à quoi ça leur servirait après tout ? Ils sont Français non ? « Aaaaaah, ces enfants d’Europe là… », soupire avec un mélange de fierté et de fatalisme amusé, une mère face à sa fille qui la regarde manger un plat de bongo-tchobi avec un dégoût ostentatoire. Différences tolérées, acceptées voir cultivées entre parents du pays et enfants de France, différences ségrégatives entre « villageois » et Africains nés en France, dits « bounty »pour faire court.

Bon, on l’aura compris, pour l’origine commune on est assez loin du compte. Pour la préservation et la diffusion des valeurs et des traditions, on y réfléchira après le 3 000ième épisode des « feux de l’amour » et la finale de la Star Academy.

Afro-français, Franco-africains, Black de France, Négropolitains, Afropolitains.
Attention ça se corse, il va falloir suivre. Avec le discours sur le « Malaise » ou le « Mal-être » des Noirs, réel et supposé, un nouveau vocabulaire identitaire à fait son coming out . Je suis « Afro-français », « Franco-africain », « Black de France », « Négropolitain », « Afropolitain ». J’ai même lu sur des forums, des expressions telles que « moi je suis internationale », « moi je suis citoyen du monde», suivant généralement d’impitoyables accusations de « bountisme », et précédant immanquablement une justification sur des choix de vie comme la mixité. Si on retire les Afropolitains, terme auquel je ne comprends strictement rien, j’avancerais que tous ces néologismes veulent dire en gros « je suis Noir, mais pas tout a fait » ou alors « je suis Noir, mais pas que ». Au fond, toute cette nouvelle rhétorique identitaire, exprime toute la difficulté que beaucoup de Noirs en France éprouvent à se situer par rapport à leurs origines réelles, leurs cultures d’adoptions, leurs choix de vie. Saupoudrez le tout d’une dose de culpabilité engendrée par la sensation de renier ses origines, la honte de ne pas savoir qui on est, ou qui on devrait être, et vous obtiendrez ces justificatifs identitaires.


Alors c’est compliqué, parce qu’on veut affirmer son identité noire, mais sans en être prisonnier, on ne veut pas être jugé par une communauté, mais on veut bien « en être » un petit quand même, parce que être Noir ça se voit malheureusement plus qu’être « internationale ». Alors pour justifier le fait qu’on ne soit pas un Noir « digne de ce nom » (confère Malcom X), on explique que c’est parce qu’on est aussi Français, qu’on a grandi en France… et qu’on est un peu différent… et qu’on préfère Jonnhy Halliday et Lorie… le cassoulet et le ski… voilà quoi…

« Tchiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip », répondra invariablement le Blédard, qui au fond vit son identité sans trop se poser de questions. « Vendu !!!!! », fulminera le néo-black panther, afro-enragé qui sévit sur le Net ou au sein de groupes prônant le retour aux valeurs d’une Afrique, dans laquelle il n’a jamais mis, et ne mettra certainement jamais les pieds.

Blédards VS Blacks de France VS Néo-black panthers : Pour l’identité commune ça va pas le faire non plus.

« Je suis Noir, un peu, beaucoup, à la folie, quand ça m’arrange »

Les Noirs de France ont fait ouvertement leur entrée dans le débat public grâce, d’une part à la rhétorique assimilationniste kelmanienne, qui fait le délice des médias français, et d’autre part, aux provocations antisémites, euh pardon… « anti-sionistes », tout aussi médiatiques d’un humoriste « universaliste » appelé Dieudonné. Ce qui est bien avec la Négritude et le communautarisme, c’est qu’on peut les décrier tout en les utilisant. Prenez le Bourguignon le plus célèbre de France par exemple, monsieur Kelman refuse, et c’est tout à son honneur, d’être catalogué en fonction de sa couleur de peau. Et pourtant il répond toujours présent lorsqu’il s’agit d’endosser l’habit de l’intellectuel noir sur les plateaux télévisés, et ne semble pas gêné outre mesure d’avoir été intronisé par ces mêmes médias, leader d’opinion de la communauté noire.

Quand au nouveau " Messie " de la jeunesse franco-africaine, le bien nommé Dieudonné, qui aujourd’hui se proclame « anti-communautariste », non seulement il n’a pas craché sur le soutien de la communauté noire, en tout cas de ceux qui s’en réclament, au plus fort des « affaires Dieudonné », mais il a en plus réussi le tour de force incroyable d’embarquer les Noirs dans une problématique qui leur était totalement étrangère jusqu’ici : l’antisémitisme. Parce qu’aussi incroyable que cela puisse paraître, et sans que cela n’ait aucun rapport avec la choucroute, de nombreux Noirs se sont reconnus dans l’oppression du peuple palestinien. Ils ont enfin compris que s’ils ne trouvaient ni travail, ni logement, c’était à cause d’Ariel Sharon, qui soit dit en pensant est également responsable de l’esclavage, de la non représentation des Noirs à la télé et de la plomberie qui fuit. L’humoriste y a gagné un bouclier humain qui ne laissera passer aucun missile du Mossad, et surtout, l’assurance de jouer ses spectacles à guichets fermés.

Le moins qu’on puisse dire c’est que le « Malaise des Noirs » est un fond de commerce plutôt rentable pour certaines personnes. Mais à une toute autre échelle, la Négritude peut être utilisée avec tout autant d’ambiguïté, de circonspection, voir d’opportunisme. Combien de fois ai-je lu dans des forums houleux opposant Africains et Antillais, Noirs et Métis, des réflexions du type « Moi je suis pas Noir, je suis Créole », « moi je suis métisse, je suis fière de mes deux cultures », « j’ai des origines bretonnes, indiennes, chinoises, amérindiennes, mais je défends les Nègres (c’est vraiment trop d’honneur….)». Réflexions que l’on pourrai traduire par « je suis Noir, mais pas trop ». Le métissage et la créolité sont des réalités incontestables, mais la question que je me pose aussitôt est : Pourquoi venir les revendiquer sur des sites communautaires noirs ? Pourquoi les Créoles ne vont-ils pas sur des sites bretons, indiens, chinois pour revendiquer leur appartenance à ces cultures ? Pourquoi les Métis ne vont-ils pas sur des sites blancs, clamer leur fierté d’être aussi Blancs ? Peut-être est-ce parce qu’ils savent qu’ils n’en ont pas la permission…. Alors ils préfèrent croire qu’ils ont choisi le camp des Noirs, alors qu’en réalité ils n’ont pas le choix.

Bref, pour la profession de foi, la communauté noire devra attendre que la Négritude ne soit plus un simple gadget.

« Je suis Noir parce que je n’ai pas le choix »

Pour la plupart des Noirs vivant en France, l’identité noire se construit quelque part entre le désir d’appartenir à la société française, le rejet que celle-ci leur oppose, et l’impossibilité, voir le refus, de renouer avec la culture originelle, celle des parents. L’affirmation de l’identité noire se limite très souvent à répondre au racialisme conscient ou inconscient, haineux ou non, des sociétés occidentales. On est Noir parce que c’est ainsi qu’on nous voit et qu’on nous désigne. Ajouté à cela que cette dénomination est lourde de symboles, exacerbés dans les pays où la culture dominante est blanche, et on comprend que la « fierté noire » est rarement liée au contenu de l’identité noire, c’est-à-dire le morphotype, l’Histoire, la créativité et la richesse culturelle. C’est une affirmation réactionnaire, vindicative, compensatrice, consolatrice. Elle répond au besoin de se prouver à soi-même et aux autres quelque chose, elle trahit le plus souvent une grande fragilité identitaire. Jamais un Vietnamien ne dira qu’il est « fier d’être jaune », parce que pour lui être jaune est un fait. Alors que pour beaucoup de Noirs, être Noir est encore un acte de bravoure.
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