Pascal Bruckner, surexcité de l’anti-repentance salue l’extrême-droitisation … suisse !
23/11/2006
Pascal Bruckner, intellectuel médiatique qui semble avoir pris souche dans le paysage avec son«Le sanglot de l’Homme blanc», grand mage de l’anti-repentance française, espèce d’épidémie verbeuse plutôt en cours dans les allées du confort de l’incorrect, vient d’adresser un satisfecit à la droite xénophobe suisse. C’est son droit, mais pour un tel donneur de leçons, qui inonde les ondes à coups de contrevérités historiques et d’ignorances autorisées, quelque réponse d’intérêt générale ne fera pas de mal.
«C’est la Suisse qui montre la voie à l’Europe», commentait-il ravi, à la suite du référendum suisse contre l’immigration, initié par le parti du ministre de la Justice Blocher , limitant le droit d’asile et le regroupement familial, en rupture avec la tradition helvète. «Le Canard enchaîné» du 15.11.06 ; citant le quotidien «Libération» du 11.12.06 relate la pénétrante prose de Bruckner : «C’est une question de bon sens. Commençons par intégrer nos immigrés, par leur assurer du travail, un salaire décent et à en faire de vrais Suisses, de vrais Français ou de vrais Espagnols, avant d’en laisser entrer d’autres» [Citation entière sur le site internet suisse lematin.ch]
Vrais Suisses ? Vrais Français ? De quoi s’agit-il donc ? Vrai s’entend t-il comme catholique, protestant, ou juif, voire musulman ? Pour le chrétien tendance Moyen Age, il n’y a de vrai européen que lui, pour information à Bruckner, qui pourrait bien devenir l’arroseur arrosé de cette pureté. «Nos immigrés», ces européens cités dans le texte trahissent-ils une piteuse conception racialiste si ce n’est raciste de la nation, et la république alors ? En gros une immigration oui, pour les Blancs, pas pour les autres ? Soit. Les Dumas, Saint-George, Félix Eboué, Monnerville, les Esclavisés venus d’Afrique qui ont assuré la prospérité de la France , les Tirailleurs africains sans lesquels ni Bruckner ni le White White White de Finkielkrault n’auraient le loisir aujourd’hui de déblatérer aux frais de la princesse, sont-ce de vrais Français, ou doivent-ils attendre que l’on intègre plus blanc pour espérer s’asseoir à la table du Leucoderme haut et altier ? Ces ingénieurs, informaticiens, enseignants, personnels de santé, d’assistance qui veillent malades, enfants et grabataires, ou ceux qui assurent la propreté des villes, pas assez décolorés pour faire de bons et vrais Français ?
Bruckner n’a pas beaucoup de suite dans les idées, ni d’ailleurs beaucoup d’idées. Ses ratiocinations autour de l’anti-repentance sont un fond de commerce que les marchands vendent, revendent bien en période de soldes, mais les ventes ne passent pas les prix d’appel au rayon des sous marques. En plaidant la pureté de l’immigration, l’écrivain [en vain] se retrouve sur le même terrain que les discours sur la pureté de la race, ceux là même qui sont le soubassement du nazisme. D’une pureté à l’autre il viendra bien un allumé de la pureté pour lui demander son degré d’aryanité.
Ce n’est certes anodin si Pascal Bruckner était farouchement favorable à l’invasion américaine de l’Irak, et s’il a soutenu de toutes ses poussives forces, comme une vieille liane fatiguée, son «frère» et «ami» [dixit lui-même] Finkielkrault face à la fièvre Black Black Black dans laquelle ce dernier s’était profondément et définitivement embourbé. Son credo mièvre d’Anti-repentance [sélectif ou à trous] ressemble à un projet très, trop cohérent où se bousculent refus du nazisme et idéologie raciale de l’immigration … Cette familiarité, privauté avec la contradiction se voit bien dans ses fustigations de la tyrannie des regrets, une interdiction de s’excuser ne valant qu’avant et après 1939-45, et ne devant frapper que les pans d’histoire française en relation avec les Non-Blancs, histoires caribéennes, africaines, arabo-musulmanes.
Le cocktail frais de loin mais de loin seulement que cet embusqué de la colonisation subtilement positive a le privilège de ressortir comme un oracle en heures de grande écoute médiatique, son ineptie selon laquelle la colonisation avait au moins appris aux colonisés les moyens de lutter contre elle -jolie fadaise eurocentrique et colonostalgique-, est une référence d’ignorance et d’inculture. Elle insinue tout bonnement que les Noirs et les Arabes colonisés ont attendu Tarzan blanc, les «idéaux des Lumières» et toute une quincaillerie du même tonneau, pour rejeter, résister face aux tortures et violences qui leur ont été administrées des siècles durant. Pour dire aïe, ils ont même attendu l’aïeul direct de Bruckner …
Notre immigré au monde de la pensée, Bruckner, illustre en définitive, par sa position médiatique, ses auditoires, le monopole de la parole colonostalgique dans les champs de visibilité intellectuelle français. Il montre le décalage entre plusieurs Frances humaines, plusieurs conceptions du vivre-ensemble, de l’altérité, et surtout l’incapacité, les ravages d’une élite enfermée dans ses certitudes dépassées de supériorité, de pureté mal comprimées.
Lire l’interview de Bruckner sur l’Afrique,
http://www.lematin.ch/nwmatinhome/nwmatinheadactu/actu_monde/bruckner_sur_l_afrique.html
Source illustration : www.maminky.com/ _cla/arch/000111CLA_2.jpg
Akam Akamayong