Tribunes et décryptages - 27 février 2004
Censure et invectives remplacent le débat sur Israël
Décryptage
Un humoriste français, Dieudonné, qui symbolise depuis une décennie la lutte
contre l’intolérance et s’était présenté à des élections locales contre le Front
national, est brusquement accusé d’antisémitisme et ostracisé. À ce propos, le
professeur Jean Bricmont s’interroge, dans Le Courrier de Genève, sur la défense
sélective de la liberté d’expression. Il dénonce la censure insidieuse qui
permet aujourd’hui d’empêcher l’humoriste de donner ses spectacles et le public
de penser. Au passage, il déplore le sketch controversé de Dieudonné mettant en
scène un rabbin nazi, non qu’il conteste ce mode d’expression, mais parce que
l’évocation du nazisme (comme celle de l’antisémitisme) est un mode de
diabolisation ultime qui interdit tout débat.
L’ancien militant des Brigades rouges, Cesare Battisti, a été incarcéré en vue
de son extradition. Comme 150 de ses camarades, il bénéficiait de l’asile
français dans le cadre d’un règlement global des crimes commis pendant les "
années de plomb " italiennes. Sous la pression des États-Unis, cet accord, et la
garantie que la France avait apportée à son application, est aujourd’hui remis
en cause dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et de la mise en
place du mandat d’arrêt européen. Le Figaro, qui a accusé François Hollande de
proximité avec le " terroriste ", lui ouvre ses colonnes. Le premier secrétaire
du Parti socialiste indique ne pas se prononcer sur le fond des accusations,
mais veiller au respect de la parole de la France.
Trois juristes de la Fondation Soros, James A. Goldston, Chidi Anselm Odinkalu
et Jeremiah Smith Jr., se félicitent, dans l’International Herald Tribune, de la
première plainte déposée par un chef d’État devant la Cour pénale
internationale. Il s’agit en l’occurrence d’un procès intenté par le président
ougandais, Yoweri Museveni, contre l’Armée de libération du Seigneur. Cependant,
notent-ils, la crédibilité de la Cour dépend de sa capacité à juger aussi des
exactions commises par l’armée régulière.
Judea Pearl, convaincu que l’assassinat de son fils Daniel est imputable à
l’antisémitisme de fanatiques musulmans, a créé une fondation pour le
rapprochement entre juifs et musulmans avec l’aide notamment d’Elie Wiesel et de
George Soros. Deux ans après le drame, il présente son analyse de la situation
et le bilan de son action dans le Jerusalem Post. Il reprend à son compte les
théories de Daniel Pipes sur les " militants de l’islam " et assimile l’ensemble
du monde musulman à la situation très particulière du Pakistan. Cette
connaissance parcellaire de la réalité le conduit à accumuler les erreurs
d’interprétation.
Ainsi, il est persuadé qu ’aucun décret religieux (fatwa) n’a condamné les
attentats du 11 septembre et que la plupart des musulmans s’en réjouissent peu
ou prou.
Enfin, le journaliste Greg Chamberlain assure dans le Los Angeles Times que la
crise haïtienne est imputable à l’embourgeoisement du président Aristide. Le
prêtre des pauvres se serait trop bien intégré à la bourgeoisie mulâtre et
aurait ainsi perdu sa légitimité. L’opposition ne vaudrait guère mieux et
représenterait, elle aussi, les mêmes intérêts. Mais on ne comprend pas très
bien, si une telle analyse se révélait exacte, pourquoi il faudrait donc chasser
le président élu et le remplacer par des clones non-élus
http://www.voltairenet.org/article12688.html