On aimerait finalement que ce soit une insulte mais ce n’en est pas une, que de dire des Juifs israéliens qu’ils sont (ou se prennent pour) un Herrenvolk. Ce syndrome du peuple-de-seigneurs se découvre immédiatement dès la première minute de conversation avec la plupart des Juifs d’Israël. Il suffit de s’y rendre, de voyager dans le pays, de parler avec les gens qu’on rencontre dans les bus, les gares, les magasins, les kibboutz. Les Arabes qui les entourent (au milieu desquels ils adorent vivre comme nos Pieds-noirs en Algérie), sont devenus leurs dhimmis, pire peut-être, leurs chiens comme les appellent de temps à autres certains rabbins progressistes. Quant aux autres, pauvres goyim de toute la terre, valent-ils mieux ? Le Juif d’Israël en doute de plus en plus vu qu’il se prend lui pour une sorte de clone du Messie-à-venir, Messie qui ne saurait tarder vu la résurgence miraculeuse de Juda (et bientôt de Samarie) en Palestine. De Gaulle, qui mit fin au conflit algérien et qui en savait long sur le sujet colonie, avait, dans sa finesse et sa colère contenue (on lui avait piqué quelques vedettes à Cherbourg), parlé d’un peuple sûr de lui et dominateur. C’était un compliment diplomatique pour faire passer une critique radicale du projet juif et des hommes qu’il avait enfantés. Projet qui fut la pierre de scandale de notre vingtième siècle et qui restera selon toute probabilité celle du vingt et unième. Des Juifs qui ont pour mot d’ordre non le talion mais le célèbre tout aussi Juif que chrétien "aime ton prochain comme toi-même", le comprennent et le redoutent. Il suffit de lire par exemple Schlomo Sand (5) qui hélas ne semble pas avoir allumé de nouvelles connections dans les circonvolutions cérébrales de nos intellectuels et nos politiciens. Il ose dire, lui Juif vivant en Israël et professeur d’histoire à l’université de Tel-Aviv : "Si on invoque des frontières ou des droits remontant à deux mille ans pour organiser le monde, nous allons le transformer en un asile psychiatrique". Il parle au futur “nous allons”, par crainte sans doute d’agresser trop ses compatriotes ou compromettre sa carrière. C’est pourtant au présent qu’il faut parler. C’est ce qu’a accepté l’Onu en 1947 ! sans le mentionner toutefois dans le protocole de sa déclaration solennelle. Notre monde est depuis longtemps un asile psychiatrique et la section des fous dangereux qui risquent de mettre le feu à la maison est parfaitement localisée. Appelons vite les surveillants musclés qui travaillent dans ce genre d’établissement et ont la tâche de les ceinturer et de les conduire dans des cellules spéciales où leurs imprécations seront inaudibles et où il leur sera impossible de se suicider en suicidant les autres. S’ils ne suffisent pas -vu la quantité grandissante de fous qui mettent en danger la planète- engageons de nouveaux surveillants et passons commande -au lieu de gilets pare-balles, missiles et masques à gaz- de camisoles. Sans quoi "l’absence de salut en ce monde" que constate Idith Zertal dans la conclusion de son livre (6), attristera les foules.
1. Ben Laden, pour désigner les Occidentaux chrétiens et les Juifs alliés en Palestine et
alliés dans tous les conflits entrepris (Afganistan, Irak) et à entreprendre contre les
arabo-musulmans (l’Iran est la prochaine cible), parle avec mépris des "Juifs et des
Croisés". L’expression a scandalisé nos doctes. Ne lui avons-nous pas offert l’amalgame
sur un plateau ?
2. Ne retrouvant pas mes fiches pour citer le message du pape glissé dans le mur, j’utilise
l’article "De Rome à Jérusalem" de Salomon Malka, paru dans le Figaro du 05.04. 05.
Que celui qui y découvrirait manque ou inexactitude veuille bien me le signaler.
3. Le Monde Diplomatique, nov. 2003 : "A un ami européen qui lui demandait comment
les soldats [à l’occasion de contrôles] pouvaient différencier les Juifs des Arabes alors
que tout le monde se ressemble, Leah Tsemel répond ce qu’elle a entendu dire : Le
soldat regarde la personne droit dans les yeux et si celle-ci a les yeux d’un Juif, à coup
sûr elle est Arabe ! "
4. Zeruya Shalev, J’attends la paix pour écrire, N.Obs, Nº 1942, 24 janvier 2002.
5. Le Monde, 05 janvier 2002.
6. La nation et la mort, d’Idith Zertal, Edition La découverte, Paris 2004.
En ces périodes d’antisémitisme virulent, et d’anti-antisémitisme plus virulent encore,
ce livre est à lire et à relire. Il relativise la citation de "pornographie mémorielle" mise à
la mode par erreur (mais en toute bonne foi semble-t-il) par Marc Saint-Upery, traduc-
teur d’Idith Zertal. Si effectivement l’expression n’est pas dans le livre, ce qui s’y trouve
est encore plus tragique qu’une expression qui se voulait frappante.
7. Wasp = white anglo-saxon protestant