Les soldats d'origine juive d'Hitler
(Chevat 5764 / Février 2004)
Une recherche a récemment permis de dévoi-ler le fait que 150.000 soldats d'origine juive servaient dans l'armée allemande durant la Choa, pendant que leurs proches étaient assassinés dans les camps de concentration…
Voici deux ans a paru un livre aux Etats-Unis, et déjà il a été traduit en français aux éditions de Fallois, sous le titre : La tragédie des soldats juifs d'Hitler.
C'est le côté sensationnel de l'affaire : alors que tout le système allemand s'acharnait avec une cruauté inouïe, à détruire méthodiquement toute trace du peuple juif de la surface de la terre et de dessous les cieux, des dizaines de milliers de soldats, qui servaient dans les différentes armes de l'armée allemande, étaient en fait eux-mêmes des Juifs, à part entière dans certains cas, mais surtout au tiers, au quart et à moins que cela. Ce qui donnait alors le statut très méprisant de Mischling (des métis). Un bruit court d'ailleurs que même le… Führer avait un grand-père juif…
Mais ce qui nous paraît le plus dramatique dans le tableau qui émane de ce livre, c'est le désarroi le plus complet dans lequel sont tombés ces gens, après un siècle d'une assimilation des plus galopantes. Des centaines de milliers de descendants juifs peuplaient alors l'Allemagne, et pensaient être totalement et définitivement assimilés à la société et la culture allemandes. C'est alors que les nazis arrivent au pouvoir et ils se voient bien vite mis au ban de la société, considérés comme des citoyens de seconde zone, pour finalement être jetés dans les camps de concentration, même s'ils avaient pu pendant un temps servir dans l'armée et espérer à ce compte avoir la vie sauve. Puis, après la guerre, ces gens n'ont pas réussi à réintégrer une place parmi les hommes : les uns les rejetaient du fait de leur passé nazi, les autres parce que somme toute de « véritables » Allemands, ils n'étaient pas…
Les incroyables méfaits de l'assimilation – qui ne mène donc à rien !
Le présent ouvrage ne tient pas compte de la Halakha en la matière (pour le moins... Il n'en comprend pas l'esprit) mais les nazis n'ont-ils pas fait de même : il leur suffisait qu'un seul aïeul soit juif, pour que le petit-fils soit considéré comme un Mischling, un métis…
Comment toute cette affaire a-t-elle commencé ? Bryan Marc Rigg avait vingt et un ans, quand, étudiant à l'université de Yale aux Etats-Unis, il a décidé d'abandonner pour un temps sa ville natale du Texas, ses études et ses examens, pour se rendre en Allemagne et se pencher sur les sources de sa famille, les Rigg. Au courant de l'année 1992, durant son séjour, il s'aperçoit que ses origines sont juives, et il décide avec fermeté de pousser plus loin ses investigations.
Il se rend dans la vieille bourgade où avait vécu son arrière-grand-père, et demande à quelqu'un parmi les vieilles gens de l'endroit, s'il connaît encore l'histoire de la famille Rigg, mais cette personne le dirige vers les archives de l'église locale, où toutes les naissances sont enregistrées. Et, effectivement, dans l'un de ces registres était inscrit que l'arrière-grand-mère Rigg était juive. Comme aucune trace de conversion n'apparaissait, Bryan a admis que lorsque sa famille a émigré aux Etats-Unis en 1863, silence a été fait sur ses origines, et la famille Rigg s'est présentée comme chrétienne allemande…
Bryan savait qu'il avait encore de la famille en Allemagne, mais comment la retrouver ? Ce n'est qu'après de nombreuses recherches qu'il a réussi à localiser deux personnes portant ce patronyme, qui avaient servi dans la Wehrmacht…
Ceci a renforcé Bryan dans son sentiment : il faut dévoiler ce « secret » ! Mais comment ? Se trouvant à Berlin, il eut une conversation avec un homme, d'apparence sympathique et cultivée. Ce dernier, à la grande surprise de Bryan, lui a raconté qu'il était juif, et qu'il avait servi dans l'armée allemande durant la guerre : « Je n'étais pas le seul soldat juif, lui affirma-t-il, mais le sujet reste tabou, personne ne s'y intéresse, mais si vous savez vous y appliquer, vous arriverez aux personnes concernées et aux documents qui en parlent. » Sur ces bonnes paroles, il s'en alla. Bryan resta abasourdi, mais réalisa quelques instants plus tard qu'il avait trouvé là son sujet de thèse historique.
A partir de cet instant-là, Bryan interviewa de nombreuses personnes, une partie d'entre elles ayant même prit part à la vie politique du pays après la Choa, tel le chancelier allemand Helmut Schmidt (dont certains ancêtres étaient juifs). Bryan ne parvint pas à attirer la confiance de certains d'entre eux, qui refusèrent de livrer leur secret, mais une bonne partie a accepté de parler, et d'avouer leur part dans la guerre. « Ils ne savent pas quelle est leur place, et jusqu'à présent ils n'avaient pas où s'exprimer. Personne ne veut les adopter… » écrit-il.
Dr Bryan Rigg a parcouru l'Allemagne de part en part à bicyclette, avalant quelquefois des centaines de kilomètres par jour. Des mois durant, il se nourrissait de gâteaux secs bon marché, et dormait dans un sac de couchage, dans des gares désaffectées. Puis il a été amené à voyager en Suède, au Canada, en Turquie et en Israël. Ce programme a duré six années, et il n'était armé que de son ordinateur portable et de son appareil vidéo.
Ses conclusions ont paru durant l'été 2000, sous le titre : Les soldats juifs de Hitler, l'histoire inédite des lois racistes nazies, et des soldats d'origine juive dans les lignes de l'armée allemande. Il avait effectué quatre cents interviews d'anciens soldats, il avait cinq cents heures de témoignages filmés en vidéo, trois mille photos et trente mille pages de souvenirs de soldats et d'officiers de l'armée hitlérienne. Les conclusions de Rigg sont sensationnelles : 150.000 soldats et officiers d'origine juive ont servi dans l'armée hitlérienne !
Du fait de l'intensité de l'assimilation en Allemagne dans les années qui ont précédé la guerre, avec, entre 1901 et 1929, 36.000 cas de mariages mixtes, nombreux étaient les engagés militaires dans l'armée allemande, et Hitler n'a pas pu, lorsqu'il a accédé au pouvoir, effectuer une épuration de ses troupes. Malgré les lois raciales de 1935, distinguant entre les Mischling de premier niveau (50% de sang juif) et ceux du second niveau, nombreux sont ceux qui sont restés tranquillement à servir l'armée, arrivant même aux plus hauts postes des diverses forces armées, et accédant aux plus hautes récompenses de l'armée – bien que certains vétérans se soient plaints aux oreilles de Rigg que leurs supérieurs n'étaient pas enthousiastes, lorsqu'il fallait proposer un Mischling à recevoir une quelconque décoration…
Les médias nazis ont longtemps publié en première page la photo du soldat allemand idéal, aux cheveux blonds et aux yeux bleus, revêtu du casque nazi. Le nom de ce soldat, bien aryen, sonnait bien moins aryen : Werner Goldberg…
Un haut officier à la Wermacht, Robert Borhard, a reçu l'une des plus hautes décorations possibles, suite à ses initiatives salvatrices sur le front russe en 1941. Lors des combats d'El Alamein, il est tombé aux mains des Anglais, et en 1944, les autorités anglaises lui ont permis de se rendre en Angleterre pour retrouver son père… juif. En 1946, il retourne en Allemagne, non sans avoir déclaré à son père qu'il fallait bien que l'on se dévoue pour permettre la reconstruction de « notre » pays… En 1983, peu de temps avant sa mort, Borhard a déclaré face à des élèves allemands : « De nombreux demi-Juifs qui ont fait la guerre du côté allemand durant la Seconde Guerre mondiale ont pensé qu'ils devaient défendre leur patrie avec courage. »
Le colonel Walter Hollander, dont la mère était juive, a reçu personnellement de la main du Führer une attestation d'aryanisation. De nombreuses autres attestations de cet ordre, signées de la main du Führer, ont été attribuées à des dizaines d'officiers supérieurs d'ascendance juive. L'amiral Bernard Rog, dirigeant des navires de guerre allemands, était d'origine juive. Il a mis hors service un bateau de guerre anglais et a trouvé dans ses papiers le plan secret des forces alliées concernant l'Extrême-Orient. Il a transmis ces documents aux Japonais, qui l'ont remercié en lui attribuant une épée de samouraï, haute distinction nippone. De même Reinhard Heydrich, « le bourreau de l'Europe », était d'origine juive.
Ces demi-Juifs se sentaient allemands. Seuls parmi eux, certains ont déclaré se sentir être des citoyens de seconde zone. La plupart ont tout fait pour être considérés comme des aryens à part entière. De nombreux certificats d'aryanité ont été délivrés alors, ce qui leur permettait de continuer à servir dans l'armée, à sauver leurs parents ou leurs conjoints des camps et de la mort. Les candidats à ces certificats devaient ajouter à leurs demandes des photos permettant de vérifier à quel point leur apparence était proche d'une aryanité de pure souche. Rigg prouve que des milliers de soldats ont présenté ce genre de demandes afin de pouvoir continuer à servir l'armée, et Hitler, qui était celui qui devait donner son accord, a contresigné lui-même de nombreuses requêtes. D'après Rigg, les chercheurs pensent que Hitler lui-même avait des racines juives. Il craignait que son père soit juif – ce qui n'est pas vérifié, et c'est pourquoi le sujet des Mischling le concernait particulièrement.
La guerre s'allongeant, les politiciens nazis ont décidé de renforcer l'application des lois concernant les Mischling 1, et il leur a été plus difficile d'échapper à leur triste sort. En 1940, un décret a été rendu public : les soldats dont deux grands-parents étaient juifs devaient quitter l'armée. Mais alors cette décision n'a pas été suivie. En revanche, vers la fin de la guerre, ces cas ont été étudiés avec plus de sévérité : en 1943, il a été décidé que les demi-Juifs ne pourraient plus servir dans l'armée. Nombreux parmi eux ont été déchus de leurs grades et renvoyés de l'armée, et les nazis n'ont eu de cesse jusqu'à ce qu'ils décident que ces pauvres hères pouvaient eux aussi se voir appliquer la « solution finale ». Beaucoup furent abattus, et d'autres expédiés dans les camps de concentration.
En 1944, les responsables du personnel de la Wehrmacht ont préparé un rapport secret sur une liste de soixante-dix-sept généraux et officiers hauts gradés d'origine juive ou mariés avec un tel conjoint. Tous avaient obtenu un certificat d'aryanité signé de la main d'Hitler. Rigg conclut : « On aurait pu ajouter à cette liste encore soixante noms de généraux et de hauts gradés de la Wehrmacht, des armées de l'air et de la marine, sans oublier deux Feld-maréchaux…. »
Dernière question : que savaient les Mischling de la Choa ? D'après ce qui a été dit à Rigg, ces gens n'étaient pas au courant de manière claire de ce qui se passait dans les camps de concentration, alors qu'ils faisaient partie eux-mêmes de la machine d'extermination nazie, et que des dizaines, voire des centaines de membres de leurs familles ont été à cette époque exterminés, brûlés et gazés pour l'unique raison qu'ils étaient juifs. Toutefois, comme on le sait, la majorité des Allemands avaient connaissance que de telles atrocités étaient commises sur leur territoire durant la guerre.
Le travail de Rigg venait à peine de sortir des presses, que déjà des tentatives de dénaturation et de déformation ont eu lieu. Ceux qui sont bien entendu intéressés à profiter des conclusions de ce chercheur sont les historiens européens et musulmans, qui tentent de refuser l'existence de la Choa ou d'en diminuer l'importance. Ces « chercheurs » utilisent divers détails, pour en faire des gros plans trompeurs. Par exemple, ils parlent de « soldats juifs », voire de « troupes juives de Hitler », alors que Rigg ne parle que d'individus d'origine juive. La plupart des anciens de la Wehrmacht ont témoigné devant lui que lorsqu'ils se sont engagés dans l'armée, ils ne se sentaient pas juifs. Ils ont voulu prouver par leurs actes de bravoure que la théorie nazie était fausse, et qu'au contraire, leurs origines juives ne les empêchaient pas d'être de bons patriotes allemands et des soldats exceptionnels…
Ce chapitre montre, plus que tout autre, le risque humain que prend toute communauté juive qui abandonne ses propres valeurs.
1 Renvoyons à l'introduction du dossier La Choa, magazine n° 17, où le rav Choukroun mettait en relief la conduite suicidaire des dirigeants nazis, préférant à ces moments critiques de la guerre devenir plus strictes sur le plan de l'antisémitisme, au détriment même de leurs capacités de guerre…
http://kountras.magic.fr/index.php?publid=113&articleno=15